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En 2018, un auteur de polar alsacien est retrouvé poignardé dans le dos dans un bus de la CT… pardon… de la CMT. L’enquête de police (sérieusement entravée par la crise sanitaire) n’a rien donné et la justice vient, en 2023, de classer le dossier. L’idée que le meurtre de son père reste impuni révolte la fille cadette Johanna qui mandate le cabinet d’enquête privé de Françoise Poisson pour apporter de nouveaux éléments qui permettront la réouverture de l’instruction. La victime était un homme exécrable et détesté de beaucoup de monde, ses collègues auteurs, son éditeur, son ex-femme et surement beaucoup d’autres encore : ça fait beaucoup de suspects potentiels pour un seul « cold case ».
Le nouveau polar de Renée Hallez est ancré dans un milieu qu’elle connait fort bien : le milieu des auteurs de polars régionaux. Là où, de l’extérieur, on peut imaginer un monde lettré, un peu policé entre gens amoureux des livres, on découvre ici que c’est une réalité la jungle. Pour vendre des livres, il faut se vendre, faire le bateleur dans les foires aux livres, se plier aux dédicaces interminables dans les supermarchés, appâter le chaland comme sur un marché de fruits et légumes, empiéter sur son voisin qui n’est vu que comme un concurrent, le dénigrer si nécessaire. Tout ça pour au total percevoir environ 1€ par livre vendu. La victime du roman, Gérard Rodinot, ne rechignait pas à user de tout cela pour rester « premier vendeur » des éditions du Roc. Son ego surdimensionné (il se compare à Harlan Coben, ou James Ellroy, je me marre…), son manque total de considération et de scrupules (et bien d’autres travers que l’on découvre au fil des pages, et pas des moindres) en font la victime imparfaite, celle à laquelle on n’a pas très envie de rendre justice. C’est pourtant bien le sujet du roman, ne pas laisser un crime impuni, quand bien même la victime ne manquera à personne. Renée Hallez croque un certain nombre de ses collègues écrivains et je la connais assez pour savoir qu’elle puise tout autour d’elle des bribes de personnalités pour composer ses personnages. D’ailleurs, Gérard Rodinot étant un ancien vérificateur des Finances Publiques, il faudra que je lui demande de qui s’elle s’est inspiré pour ce personnage si détestable qu’il en devient presque caricatural. Je parie qu’elle ne me donnera aucun nom, avec son œil malicieux ! L’intrigue est limpide, d’ailleurs je crois déjà avoir écrit que je trouvais ses romans de plus en plus clairs, de plus en plus facile à suivre. La trame est assez conventionnelle Françoise Poisson et son équipe (renouvelée en partie et agrandie) interrogent, mettent sur le grill, recoupent les éléments, comme une enquête de police normale. Le dénouement, je l’ai quand même vu venir d’assez loin, ainsi que l’identité de coupable. Le roman est court, se lit très vite et on retrouve chez Françoise Poisson ce qu’on aime, c’est à dire ce côté légèrement suranné du personnage, bienveillante mais qui sait être cassante, voire autoritaire par moment. Elle mène sa barque et son équipe avec une main de fer dans un gant de velours. Ses problèmes personnels, ainsi que ceux de son équipe sont mis sous le tapis dans ce roman qui ne s’éparpille pas comme parfois cela à pu être le cas. Un polar régional de très bonne qualité qui permet de passer quelques heures de lecture très agréables. Visiblement mieux vaut lire des polars qu’en écrire, faire partie du microcosme décrit ici ne donne nullement envie de se frotter à ce milieu !
C’est le dernier jour du procès Nordave à Strasbourg, et les parents de la petite Jade vont tous les deux écoper de 20 ans de prison pour son meurtre. Lequel des deux à mis une dose létale de somnifère dans son biberon ? Le procès n’aura pas réussit à le déterminer. Dans la salle, l’ancien policier Bruno Terrenc, qui mena l’investigation, est mal à l’aise, il a l’impression qu’un pan entier de cette affaire n’a pas été dévoilé. Maintenant à la retraite, il entreprend de refaire l’enquête en se penchant plus spécifiquement sur Louise, la sœur ainée de Jade, âgée d’à peine 8 ans à l’époque des faits et aujourd’hui confiée à l’aide sociale à l’enfance.
Sauf erreur de ma part, c’est la première fois que Renée Hallez se frotte à ce qu’on appelle je crois dans le petit monde du roman noir, le « True Crime ». Elle s’empare d’un réel fait divers et entreprend de nous le raconter comme un roman, tout en prenant bien soin, j’imagine, de ne pas prendre trop de liberté avec la réalité : un exercice surement assez complexe dont pour moi, la référence reste « Prendre Lilly », et « Prendre Gloria » de Marie Neuser. Le roman se compose de 3 parties après l’introduction du procès. La première est une sorte de récit biographique des deux familles et des deux coupables en présences, les Nordave et les Leclerq. Le récit commence bien avant la venue au monde de ces deux là et se termine logiquement par la mort tragique de Jade, tout petit bébé difficile, bruyante et mal aimée. Le récit de ces quatre vies brisées est fait par l’ancien policier, c’est le contexte historique du crime, élément indispensable à toute affaire criminelle. Cette partie est une longue descente aux enfers de deux gamins perdus et mal mariés, issus de deux familles maltraitantes. C’est un peu le quart-monde quand même, et ça m’a fait penser à un film vu au cinéma il y a quelques années : « Marvin ». A la lecture, on pourrait penser que c’est trop, trop de malheurs, trop de bêtise, trop de violence, trop d’alcool, trop de misère, trop de tout et pourtant, c’est peut-être la partie du livre qui frappe le plus fort et qui rappelle que pour certains, tout se joue à la naissance et ils sont quasiment condamné d’avance au malheur, c’est l’illustration même du Déterminisme. Ensuite, après ce long et nécessaire flash back, Bruno Terrenc mène sa petite investigation en se penchant spécifiquement sur Louise. Elle avait 8 ans à l’époque, elle est donc insoupçonnable et pourtant… Il devine derrière cette gamine obéissante et facile, bonne élève silencieuse et serviable, une petite bombe à retardement et dans son esprit le doute se faufile : à 8 ans, autonome lucide et intelligente, a-t-elle pu provoquer le drame ? Pressentait-elle, si jeune, que cette petite sœur si bruyante allait causer sa perte et annihiler toutes les chances qu’elle pourrait avoir de s’en sortir ? Il n’a pas envie d’y croire et pourtant, ça le titille, et le lecteur avec. Car Louise, devenue adolescente, n’a pas changé ; en apparence parfaite, en dessous froide et diablement calculatrice. Elle suscite le malaise en permanence, cette gamine. Lorsque les évènements tragiques autour d’elle se multiplie, elle reste froide, impassible, sans empathie. Dans cette histoire, les coupables ont l’air innocent, les innocents ont l’air coupable, et au fond tout le monde est les deux à la fois. Le roman de lit vite, le style est comme d’habitude fluide et agréable et je l’ai même trouvé plus moderne que dans les romans précédents de l’auteure, moins de mots et d’expressions désuets. Il y a peut-être par moment quelques trous d’air, des moments où l’intrigue fait un peu du sur-place mais ce n’est pas bien grave, ça permet de souffler car quand même, l’histoire racontée est assez plombante. Je suis un peu décontenancée par la fin, et il y a quelque chose qui me chiffonne sur un point précis. Je ne peux pas trop en dire pour ne pas déflorer l’intrigue mais il y a à un moment une agression sexuelle très dérangeante et qui ne semble pas être prise au sérieux par aucun des protagonistes du roman, même les personnages féminins. Je sais bien que tout cela se passe avant « Metoo » mais tout de même, quand on lit ces lignes aujourd’hui on est interloquée, même mal à l’aise. Au final, les deux parties finales du roman porte essentiellement sur la Résilience, sur l’idée que même avec de mauvaises cartes en mains, si on joue bien, si on est patient et intelligent on peut gagner la partie. C’est le négatif de la première partie en somme : la Résilience contre le Déterminisme. Avec « Pleure pas, Louise », on est presque dans l’l’illustration, par le biais du fait divers, d’une étude de science sociale.
Sur le point de quitter l’agence PS2 pour voler de ses propres ailes, et aussi pour fêter ses fiançailles, l’ancien gendarme Pierre Dargin invite ses futurs ex-collègues à un spectacle de transformistes. Peu après l’entracte, un drame terrible se noue : l’artiste sur scène meurt, une balle dans la tête, pendant qu’il interprétait une chanson de Barbara. La balle semble avoir été tirée par la jeune enquêtrice de pS2, Lucie de Saint Prévins, de sa place dans la salle. Alors qu’elle est emmenée en état de choc par une ambulance, Françoise Poisson, bouleversée, cherche à comprendre. Tout accuse Lucile : l’artiste était son fiancée et elle ignorait qu’il était transformiste, l’arme du crime lui appartient, les traces de poudre sur ses affaires, son attitude étrange pendant l’entracte et logiquement, c’est elle qui est désignée par les policiers responsable du meurtre de l’artiste. Plusieurs mois et un confinement COVID 19 plus tard, L’équipe reprend l’enquête à la demande de la famille de l’artiste espagnol mort sur scène. Persuadé de l’innocence de Lucile, obsédé par des questions sans réponse et des zones d’ombre inexplicables, l’agence PS2 enquête dans le monde bine particulier des transformistes.
Le nouveau polar de Renée Hallez nous emmène, une nouvelle fois, dans un monde que nous connaissons mal : le petit monde des transformistes, des artistes particuliers, évoluant dans un univers particulier et souvent en proie aux amalgames, aux jugements hâtifs et aux préjugés homophobes. Malgré un nombre important de personnage (quand ils sont énumérés au début du livre ça fait un peu peur mais n’ayez crainte, on s’y retrouve très bien) et une intrigue qui nous emmène loin, jusqu’en Andalousie, le roman se lit très facilement et avec un vrai plaisir. Avec la disparition tragique d’un membre de l’équipe, puis le départ d’un autre, on sent bien que ce roman va marquer un tournant dans l’histoire de Françoise Poisson. Cette fois-ci, celle est frappée au cœur, elle enquête d’abord sur ses propres collaborateurs, et cela pourrait laisser durablement des traces. Il est ici davantage question des affects de l’équipe (et pour cause), de la confiance qui les lie et le groupe est clairement déstabilisé. L’intrigue se place entre l’automne 2019 et l’été 2020, c'est-à-dire en pleine épidémie de COVID et ce personnage là aussi, ne passe pas inaperçu. C’est quelque chose que j’ai toujours apprécié chez Renée Hallez : elle campe bien ferment ses personnages dans l’espace et dans le temps, n’hésite jamais à évoquer l’actualité du moment, quitte même à s’en servir dans ses intrigues, comme ici. Ses intrigues ne sont jamais « hors sol » et ça les rends toujours plus crédibles. Dans le cas de « La Ligne Droite », Françoise Poisson cherche à reconstituer la trame d’un meurtre auquel elle-même à assisté, multipliant les interviews où les témoins ne disent toujours que la moitié de ce qu’ils savent, essayant de tout reconstituer tel un puzzle où certaines pièces ne rentrent pas dans leur voisine, même en appuyant fort. Ce petit monde fermé, où les passions sont exacerbées pour le pire et le meilleur, n’aime pas que l’on vienne chercher une vérité qui visiblement les dérange : la jeune enquêtrice désignée ferait une coupable idéale. De l’autre côté, il y a la famille de la victime, des gens fortunée, traditionnels, ouvertement homophobes et qui, eux non plus, ne veulent pas d’une vérité qui leur déplait. Entre les deux, Françoise Poisson cherche à établir LA vérité, qui pour tout dire ne satisfera ni les uns, ni les autres. « La Ligne Droite » est un roman court, réussi, qui ne souffre que d’un tout petit défaut. On sent que la fin, notamment celle concernant Pierre Dangin (qui tient un rôle plus important qu’on ne l’imagine), est un peu expédiée. Pour avoir cédé à une facilité comme celle-ci, Renée Hallez doit avoir une idée derrière la tête car en tant que lecteur, on imaginait facilement le nombre de soucis et de rebondissement que le bougre aurait pu apporter aux aventures futures : avoir un ennemi, qui fait le même métier, ce n’est pas anodin. Tans pis pour lui, et tant mieux pour PS2qu’on attend de pied ferme pour de nouvelles aventures.
A 61 ans, veuve et mère de 3 grandes filles, Adèle emménage dans une résidence pour senior, par ailleurs fort coûteuse. Et c’est peu dire qu’elle emménage à reculons, ses filles l’ayant incité (très fort) à vendre son appartement, elles se sont chargé de tout et la vieille dame se retrouve prisonnière d’une cage dorée qu’elle n’a nullement choisi et que d’emblée, elle déteste. D’abord, elle ne s’entend pas avec les vieilles aigries avec lesquelles on l’oblige à dîner. Pas moyen de se faire des nouvelles amies parmi ces vieilles pies ! Et puis cette résidence, dirigée par des « managers » sans états d’âme (les résidents dépendants et malades sont parqués à des étages inaccessibles aux biens portants), regorge d’interdits, de règlements et d’obligations qui la mettent en rage. C’est bien simple, Adèle est perpétuellement exaspérée par tout et tout le monde dans cette résidence, ses nerfs sont en pelote H-24, ce qui, c’est bien connu, est mauvais pour la santé. Engluée dans sa colère, Adèle ne voit pas que temps file et qu’il faut profiter du temps qui lui reste au lieu de subir la situation. Cela faisait bien longtemps que Renée Hallez ne s’était plus aventurée dans un autre univers que le polar régional. Avec « Vieux Interdits » elle nous conte les aventures tragi-comiques d’une vieille dame, certes plus jeune qu’elle, mais qui lui ressemble étrangement pour ce que j’en sais! Le roman est découpé en 3 parties d’inégale longueur « Avant », « Pendant » et « Après » (« Avant » quoi ? Je vous laisse découvrir le rebondissement inattendu) et je dois avouer que si j’ai été séduite par les deux premières parties, la troisième m’a moins « parlé », je l’ai trouvé un peu trop théorique, même un petit peu « mystique » sur les bords, un tout petit peu trop longue aussi, bref : j’y ai moins cru tout simplement. Mais les aventures d’Adèle dans la résidence senior ont largement de quoi compenser ce petit bémol. On est amusé mais aussi effaré par cette résidence (sans savoir si Renée Hallez a poussé le curseur un peu plus loin que la réalité ou pas) : la condescendance des retraitées aisés envers le reste du monde (surtout les femmes!), le management inhumain du directeur, le fonctionnement étrange de la résidence (plus proche d’une prison que d’une copropriété), mais aussi l’attitude égoïste des filles d’Adèle et leur duplicité. Tout a l’air très légèrement exagéré, tout a l’air poussé un tout petit peu au-delà de la réalité et pourtant, qui sait… ? Le rebondissement, qui arrive vers les 2/3 du livre nous surprend et pourtant, à bien y réfléchir, il ne devrait pas. La fin de l’intrigue, je l’ai dit, m’a moins passionné mais quand même, l’épisode du sculpteur mérite qu’on s’y attarde car, c’est (trop) rare d’évoquer avec autant de sincérité et de simplicité la vie sentimentale et sexuelle des personnes dites « âgées ». Le style légèrement suranné et élégant de Renée Hallez est toujours là, avec une curieuse manie que je ne lui connaissais pas encore : l’amour immodéré des adjectifs qualificatifs : « La délicate Adèle », « l’énervée Adèle », « La facétieuse Adèle », etc. La vieille dame aura été qualifiée maintes et maintes fois tout au long du roman. C’est un peu surprenant, pas très moderne mais ça a le mérite d’être différent, en tous cas ! « Vieux interdits » nous narre la mue, sur le tard, d’une femme qui aura attendu longtemps avant de se réaliser. C’est une leçon que Renée Hallez nous inculque : les « vieux » ne sont vieux que dans le regard des autres. Il y a peut-être, en arrière plan de cette histoire, un tout petit règlement de compte générationnel de la part de l’auteure, en tous cas c’est peut-être la conclusion qu’en tireront certains. Pour ma part, je crois qu’on est davantage devant une sorte de fable, dictée par les évènements récents (que le livre évoque, car comme à son habitude Renée Hallez aime ancrer ses histoires dans l’actualité) et qui voudrait nous dire : les séniors ne sont pas que des personnes fragiles en fin de vie à qui il faut rendre visite avec parcimonie et avec des masques, ce sont des jeunes qui ont juste un peu plus d’expérience et un peu plus de recul sur les choses de la vie.
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