Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Argument de lecture futile ou non, je dois reconnaître que c’est la couverture associée au titre qui m’ont tout de suite donné envie de découvrir ce roman d’un auteur que je ne connaissais pas, René Pagis.
Dans Le chant clair des sirènes, l’auteur nous invite à faire la connaissance d’un homme comme il en existe tant d’autres, un homme englué dans un mariage d’habitude et de raison plus que d’amour et de tendresse. Mais un jour, c’est le déclic ! Jacques finit par quitter cette vie étriquée qui ne lui ressemble plus et prend la route sans se retourner ni avertir son entourage. Tout au plus, il prend des mesures auprès de sa banque pour mettre son épouse à l’abri du besoin et s’assurer ainsi qu’elle ne souffre pas de son départ… Cette action résume d’ailleurs assez bien la pauvreté des relations entre Jacques et sa femme puisqu’il lui semble logique de compenser son absence par de l’argent, un peu comme si sa seule fonction au sein de son couple se résumait à être le porte-monnaie et le souffre-douleur. Car, on sait peu de choses de sa femme, bien qu’en dernière partie de roman elle soit plus présente, si ce n’est qu’elle n’est pas forcément très tendre avec Jacques…
Ce départ aurait pu être le début d’une nouvelle et heureuse vie, mais il va marquer la descente aux enfers d’un homme qu’on aurait presque envie de qualifier de pauvre bougre. Sans être méchant ni particulièrement avenant, c’est le genre de personnes qui s’est toujours laissé porter par la vie et qui a sculpté ses envies au gré de ses rencontres. Est-ce ce manque de personnalité qui va pousser Mathilde, la femme tenant la maison d’hôte où Jacques va se réfugier, à assurer son ascendant sur ce dernier, tissant sa toile tout autour de lui comme le ferait une araignée ? Peu importe finalement, la conclusion restant la même : la descente aux enfers d’un homme qui, en voulant se réapproprier sa vie, risque de passer le reste de ses jours derrière les barreaux. En effet, Mathilde va l’accuser injustement d’un terrible crime… Pris dans une spirale infernale, Jacques va également devoir faire face à la maladie, comme si son corps exprimait enfin tout ce mal-être que par faiblesse et lâcheté, il n’a jamais su extérioriser.
A la lecture des déboires de ce personnage, vous vous dites peut-être qu’il est difficile de ne pas ressentir un minimum d’empathie pour celui-ci. Mais je dois reconnaître que si parfois j’ai été quelque peu révoltée par la situation dans laquelle il se trouve, j’ai eu beaucoup de mal à le prendre en pitié ; sa passivité voire une certaine forme de naïveté finissant par être exaspérantes. Sa manière de se libérer du joug d’une femme acariâtre pour se jeter dans la gueule du loup m’a ainsi franchement laissée dubitative ! J’ai eu le sentiment qu’il jouait indéfiniment le seul scénario de vie qu’il connaisse, celui de la soumission…
Fort heureusement, Jacques va avoir quelques élans de lucidité et finir par parfois questionner les motivations de ses nouveaux amis qui l’aident à faire face à ses ennuis judiciaires et de santé. Il ne pousse pas forcément sa réflexion jusqu’au bout, mais c’est un point qui paradoxalement rend la lecture du roman assez captivante. En effet, comme Jacques ne le fait pas, j’ai eu tendance à analyser chacune des actions de son ami médecin et de son avocat imaginant plein de scenarios pour expliquer leur dévotion. J’ai adoré m’interroger, me faire des films… même si finalement, l’auteur n’exploite pas vraiment cet aspect du roman. Cela est d’ailleurs un peu frustrant, car je pense qu’il y aurait eu matière à faire des révélations croustillantes sur ce médecin qui a pris en amitié Jacques, et sur cet avocat renommé qui n’hésite pas à souffler le chaud et le froid. De la même manière, j’ai regretté que nous n’en apprenions pas plus sur la femme qui a marqué le début de la descente aux enfers de Jacques, Mathilde. Simple manipulatrice qui a saisi l’occasion de se décharger d’un poids sur un homme faible d’esprit ou femme qui, mue par la volonté de se sortir d’une situation trop dure à supporter, a fini par craquer ? Certains indices font pencher la balance d’un des deux côtés, mais j’aurais toutefois aimé que la psyché de cette femme soit peut-être un peu plus développée…
Je comprends néanmoins que l’auteur ait préféré se concentrer sur son protagoniste qu’il fait passer par tout un tas d’épreuves ! Alors que Jacques a toujours eu une vie monotone qu’il s’est contenté de traverser sans la prendre à bras-le-corps, son départ va le conduire sur un chemin broussailleux, fait de déconvenues, d’amitié, de rencontres et de douleurs… Et c’est face à l’adversité qu’il entreverra enfin la possibilité de reprendre les rênes de sa vie et de se faire maître de son destin. À cet égard, je dois dire que si la fin m’a déstabilisée par son côté abrupt, elle correspond parfaitement aux changements qui se sont progressivement opérés chez Jacques. Je l’avais d’ailleurs anticipée comme si elle était la conclusion logique à la vie d’un homme qui, dans un dernier sursaut, fait un pied de nez à la vie, à la mort et à tous ceux qui se sont arrogés le droit de décider à sa place… Car gravement malade ou accusé injustement d’un crime qu’il n’a pas commis, un homme gardera toujours un pouvoir sur sa vie, celui de se résigner ou de se battre, cette dernière option pouvant prendre une forme particulière comme vous le découvrirez.
Le roman parle d’un homme qui s’est contenté de regarder sa vie défiler, mais qui, petit à petit, va enfin apprendre à vivre, à ressentir et à tisser des relations avec d’autres personnes. Mais ce que j’ai préféré, c’est ce climat anxiogène que l’auteur a instauré autour de son protagoniste et dont la couverture capture parfaitement l’essence. On a ainsi cette sensation tenace qu’un nuage noir se tient au-dessus de la tête de Jacques ce qui crée une certaine angoisse et nous pousse à nous demander quand la foudre va finir par s’abattre sur ce dernier ? À cette tension que l’on perçoit tout au long du roman et qui va crescendo, s’ajoute une narration rythmée, presque froide, qui gagne en chaleur et en intensité à mesure que Jacques évolue et se réapproprie sa vie… Nous finissons donc par nous attacher à cet homme dont l’avenir plus qu’incertain nous inquiète autant qu’il nous pousse à tourner les pages, non sans angoisse, les unes après les autres.
J’ai, enfin, apprécié que l’auteur nous offre une petite immersion dans le monde de la justice d’autant que de par sa carrière, il en maîtrise parfaitement les rouages. Je vous rassure, il ne s’appesantit pas dessus, mais nous donne un petit aperçu de ce monde de procédures, de mots précautionneusement choisis… Écrasé sous le poids d’un univers qu’il ne connaît pas, Jacques n’aura pas d’autre choix que de s’en remettre à son avocat, mais il fera preuve d’une pugnacité et d’une combativité qu’on ne lui connaissait pas. Il est ainsi bien décidé, malgré sa santé défaillante, à rester impliqué dans son bras de fer contre la justice, un peu comme s’il mettait toutes ses dernières forces dans ce combat-là, ayant l’impression d’avoir perdu celui contre la maladie… Et c’est ce Jacques combattif qui a finalement appris à vivre, et non plus à survivre, que je garderai en tête.
En conclusion, René Pagis nous propose le récit d’un homme banal, presque transparent, qui pris dans une spirale infernale, sera obligé de faire ce qu’il s’était jusque-là refusé d’envisager : enfin vivre par et pour lui-même ! Et c’est cette seconde naissance, qui ne se fera pas sans douleur, que l’auteur va habilement mettre en scène grâce à une plume vive et efficace qui saura parfaitement retranscrire les émotions et les doutes d’un homme (re)prenant enfin les rênes de sa vie. Alors que ce soit celles d’une femme envoûtante et manipulatrice, celles d’une voiture de police ou celles d’une ambulance, Jacques devra faire face au chant des sirènes, pour le meilleur et pour le pire…
https://lightandsmell.wordpress.com/2018/04/27/le-chant-clair-des-sirenes-rene-pagis/
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