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Rencontre de deux hommes marocains ayant marqué leurs époques et leur pays ... mais aussi la bande dessinée.
Mohamed Choukri et son roman "le pain nu" raconte "son enfance marquée par la misère et la violence dans le nord du Maroc des années 1940 à 1950" il dévoile les injustices et comment, ce gamin et adolescent qu'il était, a traversé cette période miséreuse.
Choukri parviendra a faire tardivement des études, devenir instituteur et publier une dizaine d'ouvrages. Il sera lié d'amitié avec Jean Genet et Tennessee Williams.
C'est cet ouvrage qui est mis en bande dessinée par Abdelaziz Mouride qui ne pourra totalement l'achever avant sa mort des suites d'une "longue maladie". Il aura terminé tous les dessins mais certaines planches n'ont pas été colorisées et sont reprises en l'état.
Mouride a dit à propos de "Le pain nu" : "Dans nos sociétés arabes, nous pensons les choses non vécues et nous vivons des choses non pensées. ... La force des tabous fait que nous avons tendance à taire nos problèmes liés à la misère, comme la prostitution ou les enfants des rues. Ce qui m'a frappé le plus dans ce livre, ce n'est pas la vie dissolue du jeune Choukri, c'est le fait qu'un garçon qui a passé sa vie aux fonds des rues, dans la prostitution et l'alcool, renait à vingt ans de ces cendres." (p 75)
Abdelaziz Mouride était fortement engagé politiquement et sera d'ailleurs condamné en 1977 à 22 ans de prison pour ses engagements. Il en en sortira en 1984 après avoir réalisé en cachette une bande dessinée qui sera retravaillée après sa sortie de prison et sera publiée sous le titre "On affame bien les rats !".
Il est considéré comme LE pionnier de la bande dessinée marocaine. Il cherchait notamment à dessiner l'indicible : "Dans une interview ... Mouride dit que l'écrit ne pouvait pas exprimer ce qu'il avait vécu, la douleur qu'il avait dû surmonter interdisant toute description objective de sa part. Le dessin est une représentation directe, comme les photographie d'un reportage, tandis que l'écrit n'est au mieux qu'une adaptation de ce qui demeure de toute façon indicible. Mouride affirme aussi que la bande dessinée permet d'atteindre toutes les couches de la population."
Intéressante découverte que ce livre qui tout en restant dans son sujet, intègre des dimensions à la fois universelles et spécifiques et présente un trait de dessin typé et des colorisations de qualité qui nous entrainent dans les lieux de vie du jeune Choukri.
A lire au delà de la simple "culture générale" du bédéphile éclairé !
Mohamed Choukri est né au Maroc, dans la région du Rif, durant la grande famine (années 40). Ce livre raconte son enfance, sa jeunesse entre le Rif, Tetouan, Oran et Tanger. De la violence inouïe de son père envers toute la famille, qui va jusqu’à tuer de ses propres mains son autre fils, dans un de ses nombreux accès de colère, à l’extrême pauvreté de leur famille, des petits boulots au souk à la vie de la rue (délinquance, mendicité, prostitution, alcool et drogues), “Le Pain Nu” est un livre fort, dérangeant, mais également magnifique.
Il raconte en détails, et le plus simplement possible, mais avec une certaine poésie malgré tout, l’injustice sociale, la pauvreté et la violence vécues par le peuple marocain.
Tout y est dur, cru, rude, brut. Il n’y a pas de place pour le sentimentalisme ou même pour la morale. Ce qui se dégage à la lecture, c’est l’urgence. L’urgence à trouver de quoi manger, l’urgence de satisfaire le moindre de ses besoins physiques, d’avoir du plaisir, même éphémère ; mais aussi l’urgence pour ce peuple colonisé, exploité et livré à lui-même de changer la donne.
Cette oeuvre a été très vite censurée. Il faut savoir que Choukri y raconte entre autres, de manière très crue et détaillée ses expériences sexuelles, ses désirs, les mœurs du peuple de la rue. J’admets que cet aspect puisse être rédhibitoire pour certains. Ça reste tout de même très parlant sur la place de la femme, la manière de penser l’Autre dans la société marocaine.
Pour moi, cependant, le plus choquant c’est la réalité économique et sociale de cette période, l’inaction du pouvoir, les vrais méfaits de la colonisation d’un pays, d’un peuple.
Et puis, il y a la violence. Bête, crasse. Qui détruit, tue, casse, blesse pour toujours. Comment peut-on se relever, se reconstruire, après avoir vécu toute cette violence, cette injustice ?
Je vais plagier un ami qui en parlant de ce livre m’a dit : C’est normal d’être déçu à la lecture. Cette vérité fait mal, « Le pain nu », c’est tout simplement la vérité nue.
Vrai berbère du Rif, M. Choukri n’a dans un premier temps parlé que cette langue. Quand sa famille a quitté la région, il a du apprendre l’arabe, mélangé à du français, et de l’espagnol ; les langues des colons.
Il n’a appris à écrire et à lire qu’à l’âge adulte, après un passage en prison, avant de devenir instituteur, puis écrivain.
La lecture, comme bouée de sauvetage…
A l'âge de 20 ans, mohamed choukri un analphabète, il fait une rencontre qui change le cours de sa vie.
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