"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Retour du héros chauve à lunettes de Partir un jour de Manu Boisteau, qui, après avoir tout quitté -ou avoir été quitté par sa compagne pour être plus précis- pour écrire son premier roman, se retrouve seul face aux applications de rencontre, face à la colère de son psy et face à son manuscrit qui n'avance pas et dont il doute de la direction et des qualités.
J'avais beaucoup aimé Partir un jour, même si simplement le ré-évoquer me remet en tête la chanson de l'excellentissime -je déconne- groupe 2be3. Je ne vais ni faire languir mes -trop peu- nombreux lecteurs ni faire preuve d'originalité, puisque j'aime beaucoup De l'amour et du hasard. On pourrait croire que Manu Boisteau tourne en rond, que son héros stagne, qu'il se pose toujours les mêmes questions. Et l'on aurait raison de le croire, puisque c'est vrai. Les doutes quant à ses qualités d'écrivain, d'homme. Ses questionnements sur l'amour, la vie, la mort... Ses démêlées avec son psy... Et malgré cela, ce deuxième tome ne fait pas redondance avec le premier. C'est un peu comme un copain pas vu depuis un petit moment qui nous raconte sa vie, ses difficultés, mais aussi ses réussites -si si, en cherchant bien, on en trouve.
Et puis Manu Boisteau dessine et écrit avec beaucoup d'humour, je l'aime bien ce petit héros banal, anonyme, un type lambda, simple, avec des questions compliquées, existentielles. Un peu comme nous tous. Et lorsqu'il ressent la solitude, il est dessiné sur une île déserte ; lorsqu'il est angoissé, l'île se transforme en parcours aux multiples pièges. A travers lui, Manu Boisteau parle de la société actuelle : consommation de médicaments, psychanalyses, consommation en général, la littérature, les sites de rencontres, la solitude, l'amitié, la crise de la cinquantaine chez les mecs qui veulent séduire de jeunes femmes... Bref, tout cela est dans l'air du temps et à la fois intemporel, centré autour du héros -qui, physiquement, ressemble étrangement à son créateur- et universel. J'aime beaucoup le ton de la BD, son contenu et ce dessin, très libre, moderne, grâce auquel on sourit beaucoup.
PETIT BONHOMME
Dessiner et écrire l'humour. Tâche difficile et pourtant Manu Boisseau a fait le job et de fort belle manière. Autofiction ? Lui seul devrait le savoir mais ce qui est certain c'est que beaucoup d'écrivains mais surtout apprentis écrivains, risquent de se reconnaitre dans cet album. Envoyer tout balader, le rêve de chacun lorsque le tumulte du monde en devient raide. Tout lâcher, son entreprise, sa femme, ses habitudes et écrire un livre. En 2022 il faut déjà avoir une sacrée dose de passion voire de folie pour tenter le coup mais pourquoi pas ?
La quarantaine, notre héros rêve d'écrire et s'imagine déjà dédicacer ses prochains ouvrages. Si avec sa femme, le train-train quotidien est bien présent, il a l'impression de subir sa vie et son existence toute entière. Alors il tente d'écrire non sans difficultés et jubile lorsqu'il écrit une page sous les sarcasmes de sa femme bien plus ancrée dans le réel. Quand le couple se délite, quand les deux thérapeutes n'y peuvent rien, quand son surmoi est impuissant tout en lui donnant des pistes, les lignes bougent enfin.
Manu Boisteau vient piquer un monde éditorial où on l'imagine mal un écrivain se dire que son livre en vaut le coup parmi les 500 livres de la rentrée (en même temps mieux vaut y croire ou mettre un masque). À la fois corrosif et mélancolique, cet album vient supprimer tout filtre bienpensant sur nos vies. Peu importe la crise que l'on traverse, chacun s'y retrouvera avec délice et succombera peut-être à un nouveau départ. En choisissant un homme ordinaire qui s'ennuie constamment dans son quotidien, peu importe le résultat final, il aura vécu (au moins à travers ces feuilles) avec panache. Il succombera à son éditrice qui regardera bien ailleurs mais se libérera surtout du joug patronal, de cette chape de plomb qui peut peser sur certains d'entre nous. Avoir des deadlines, subir un schéma et une ligne bien tracée, exécuter des tâches répétitives. On s'attache très vite à ce petit bonhomme aux lunettes blanches (on remarquera que derrière chaque paie de lunettes, aucune paire d'yeux n'est visible, signe d'un aveuglement quelconque ?). Cet album aux cases dynamiques, aux chutes uniques, viendra pimenter vos lectures d'un vent nouveau.
Quoi ?! J'ai oublié le plus important : c'est excessivement drôle ! Sous couvert d'humour il y a cette trame humaine qu'on ne quitte pas et qui reste incrustée dans un coin de notre tête. Partir ? Surement. Un jour ? Bientôt. Et pourquoi pas ? Qu'il s'agisse des différents environnements (le couple, le psy, le travail, le livre…) à chaque fois en quelques cases, l'auteur fait jaillir des rires. On s'y reconnait par moments, on est envieux par d'autres mais en tout état de cause on n'est jamais indifférents. Si la seconde partie est davantage métaphysique elle n'en demeure pas moins essentielle pour que l'ensemble demeure crédible. Visuellement comme vous le constatez, les planches et les couleurs sont éclatantes, les décors de chaque scène ne sont jamais présentes sans explication.
Riez, pauvres fous ! Riez tant qu'il est encore temps :)
"Quitter son job pour écrire un livre.
Combattre ses démons intérieurs.
Digérer le départ définitif de l'être aimé.
Adopter un bonsaï. Optimiser ses perspectives d'avenir.
Travailler sans relâche. Retomber amoureux.
Continuer d'avancer." (4ème de couverture)
C'est tout cela que va vivre le héros de Manu Boisteau, quarantenaire en plein questionnements. C'est l'âge auquel, des doutes existentiels, des remises en question arrivent souvent. Là, c'est assez radical. Consultation de psy, d'hypnothérapeute, dialogue avec son surmoi qui prend la forme d'un chien très droopyesque ou Brian Griffinesque, pour ceux qui connaissent Family Guy. Cauchemars récurrents avec des formes désagréables qui hantent l'homme en question et qu'il combat mollement.
C'est drôle et léger mais pas seulement, ça pose aussi des questions sur le sens que l'on veut donner à sa vie, au moins à la seconde partie d'icelle : rester dans un boulot certes rémunérateur mais fatigant et ennuyeux ou changer de vie pour tenter de réaliser si ce n'est des rêves au moins des envies ? Tenter de sauver son couple ou fuir ? Bon, là, c'est elle qui s'en va, lui étant bien incapable de prendre une décision, ce qui règle brutalement le problème.
J'aime beaucoup cet album, les toutes petites cases non cadrées avec des petits personnages dont le héros chauve et avec lunettes, les plus grandes qui concernent surtout les cauchemars hantés de monstres. Les dessins qui penchent sérieusement vers l'humour, les phases par lesquelles passe le héros, les amis sarcastiques dont il aurait aimé le soutien...
C'est décalé, ça parle des affres de la création, des doutes, de la difficulté à écrire, à crééer quelque chose qui ne serait pas du déjà-vu-déjà-lu, de l'usure du couple surtout lorsque les envies de l'un ne correspondent plus à celles de l'autre. J'aime les trouvailles comme ce chien surmoi -surmouah-, la mauvaise foi du type, sa couardise. C'est si simple de dire je quitte tout, mais si compliqué à faire.
Un thème par double page, les illustrations sont drôles, la présentation dynamique et toujours la même, un peu jeu en fin de thèmes. Un doc original qui permet de dialoguer en famille sur nos idées reçues, notre société et ce qu'on voudrait en faire.
C'est agréable mais celà m'a semblé un peu dépassé, à moins que je ne sois un peu à coté de la plaque !! Mais nous avons passé un agréable moment de lecture avec mon fils de 11 ans.
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