"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Quel courage ont ces femmes qui se battent, quelque part en Amérique latine, entre la sierra orientale et la sierra occidentale ! Elles luttent contre la misère, la corruption, le trafic, la violence, l’exploitation d’êtres humains par d’autres qui ne méritent même pas d’être nommés ainsi.
Le Tiers Pays, c’est ce cimetière illégal, à Las Tolvaneras, où Visitación Salazar s’efforce de donner une dignité aux morts qui lui sont confiés.
Karine Sainz Borgo, écrivaine vénézuélienne, pour son second roman, s’appuie sur une réalité scandaleuse afin de s’attacher aux pas d’Angustias Romero. Devant une épidémie mortelle, cette femme qui vient de mettre au monde des jumeaux : Higiono et Salustio, décide de fuir avec Salveiro, son mari. Hélas, les bébés, nés prématurés, fragiles, meurent en cours de route. Le froid, la faim font des ravages parmi les migrants exploités par des passeurs sans scrupule.
Pour pouvoir survivre, son mari étant incapable de gagner de l’argent, Angustias fait comme les autres femmes qu’elle côtoie, elle vend ses cheveux. Pour elle qui tenait un salon de coiffure, c’est un déchirement encore plus grand.
Quand elle arrive à Mezquite dont le maire se nomme Aurelio Ortiz, elle apprend qu’une certaine Visitiación enterre les morts dans Le Tiers Pays, comme on nomme son cimetière illégal et pourtant indispensable. Angustias, femme très courageuse, a mis les corps de ses gosses, chacun dans une boîte en carton et va tenter de leur donner une sépulture digne.
Débute alors une lutte féroce entre ces femmes et une sorte de parrain de la mafia locale, Alcides Abundio. Propriétaire de Las Tolvaneras, il est prêt à tout pour faire expulser, faire disparaître Visitación et son Tiers Pays car il est le plus riche et le plus puissant. S’ajoutent à cela les irréguliers qui forment une espèce de milice sans foi ni loi qui rançonne, tue chaque fois qu’elle apparaît.
Au fait, où est passé Salveiro, Simplet, comme l’a nommé Visitación ? Cette femme force l’admiration. Elle est joviale, danse, fume et boit comme tout le monde à Mezquite.
Bien traduite par Stéphanie Decante, Karine Sainz Borgo m’a plongé dans ces existences qui évoluent sur un fil, dans cette région où la vie ne vaut pas grand-chose. Alors, quand un homme ou une femme se retrouve cadavre… Justement, Visitación sait parfaitement rendre une apparence digne aux corps qui lui sont confiés et elle apprend cela à Angustias.
Dès que je l’ai vu, ce livre qui m’a tenté et a maintenu mon intérêt, suscité mon émotion, fait émerger des sentiments de révolte tout au long de ma lecture. C’est en voyant que Le Tiers Pays était publié dans la collection « Du monde entier », chez Gallimard, que j’ai décidé de le lire car je n’ai jamais été déçu par ces publications.
Alors, je me suis laissé emporter par un texte donnant la parole à Angustias qui tente jusqu’au bout de sauver ces femmes exploitées par des hommes sans scrupules. Ils savent utiliser les superstitions, jouer avec les croyances religieuses pour asservir un peuple tremblant de terreur devant ceux qui défient la loi en utilisant la corruption et la violence.
Malgré ce tableau très noir, il faut aller au bout, jusqu’au bout de ce roman afin de sourire grâce à une lueur d’espoir fort bienvenue.
Chronique illustrée à retrouver ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2023/12/karine-sainz-borgo-le-tiers-pays.html
Le tiers pays est un pays entre deux pays, un terrain abandonné qui est un pays à lui tout seul.
Entre la Sierra orientale et la Sierra occidentale, en Amérique Latine, il y a ce cimetière géré par Visitacion Salazar ; cette vieille femme qui n’a peur de rien ni de personne, a choisi d’enterrer dans ce tiers pays les morts qui n’ont pas le droit, les moyens, d’avoir une vraie sépulture. Elle cherche à leur donner de la dignité pour l’éternité.
Angustias Romero est une jeune femme qui va arriver dans ce tiers pays, dans ce cimetière, et va choisir de rester auprès de Visitacion.
Ce roman est inspiré de faits réels et pourtant on se croirait dans un décor de cinéma, avec des personnages violents, véreux, caricaturaux, vénaux, avec une atmosphère de western et de film à la Tarentino.
Ce texte nous offre un autre visage de l’Amérique Latine, en immersion complète dans un univers qui oscille entre cruauté et bienveillance.
J’ai beaucoup aimé ce roman coloré et prenant, avec deux magnifiques portraits féminins, et une belle réflexion sur la maternité.
Encore désemparée par le récent décès de sa mère, Adelaida Falcón doit faire face, seule, aux terribles événements qui secouent Caracas : de violents affrontements entre opposants et forces armées gouvernementales mettent la ville à feu et à sang. Chassée de chez elle, elle parvient à se cacher dans l’appartement déserté de sa voisine, dite la Fille de l’Espagnole. Spoliée de jusqu’à son identité, elle va devoir tenter de sauver sa vie et réussir à prendre la fuite.
Elle-même née à Caracas et installée en Espagne depuis 2006, l’auteur nous plonge dans la vertigineuse déliquescence dans laquelle le Venezuela est tombé, évoquant, en une vision cauchemardesque et apocalyptique qui semble à peine dystopique, un climat de guerre civile où règnent le chaos, la peur, la faim et le manque de tout, où chacun est quotidiennement amené aux pires compromissions pour échapper aux arrestations, à la torture et à la mort, et même pour simplement se nourrir : ainsi contraints de participer malgré eux au processus de pourrissement général, c’est jusqu’à leur âme que les habitants ont l’impression de livrer à la gangrène.
L’horreur imprègne chaque page, que ce soit au fil d’exactions toutes plus insoutenables les unes que les autres, qu’au travers des souffrances psychologiques dans lesquelles se débat Adelaida. Au-delà du saisissement, c’est rapidement un terne abattement qui s’empare du lecteur, asphyxié par un texte uniformément noir et monotone qui, tout entier préoccupé de témoignage et de dénonciation politique, en perd son souffle romanesque.
C’est avec soulagement que je suis parvenue au bout de cette lecture utile mais éprouvante, qui fait entrevoir une réalité venezuelienne pire que la plus désespérée des fictions.
Dans un Venezuela où les forces de l'ordre mène une sévère chasse aux opposants, Adelaida Falcón enterre sa mère ; premier déchirement pour cette jeune femme qui, à part quelques années de vie commune avec un journaliste lui-même assassiné par la dictature, a toujours vécu auprès de sa maman. Second déchirement : son appartement est "réquisitionné" par les soutiens du dictateur, et toutes ses affaires sont détruites.
Adélaida parvient à se réfugier dans l'appartement d'une voisine, "la fille de l'espagnole", qui vient également de décéder. Surmontant sa peur, elle fait disparaître le corps et entreprend de se faire passer pour la morte afin d'utiliser son passeport espagnol pour fuir...
Karina Sainz Borgo nous emmène en voyage dans un Venezuela où une forme d'insouciance, représentée par la mère, ses sœur et la vie d'avant, est balayée par la violence et remplacée par la peur.
Brutalement plongée dans ce marasme, notre jeune héroïne, d'un naturel plutôt craintif, va devoir trouver les ressources pour affronter les événements et survivre, tout en se forgeant une nouvelle identité pour pouvoir fuir.
Ce roman, dont l'auteure ne cache pas qu'il s'appuie sur des faits réels transformés par la fiction, sonne comme un avertissement : méfiez-vous de tous ceux qui veulent faire votre bien sans vous demander votre avis...
L'écriture ne cède jamais à la facilité. Les scènes de violence sont plus suggérées que décrites, entretenant une atmosphère lourde et pesante. Mais il y a également beaucoup de poésie, notamment dans la description de la vie de famille d'avant...
Deux bonnes raisons de lire ce livre : la qualité de l'écriture et le témoignage sur la dérive d'un pays qui pourrait être riche...
http://michelgiraud.fr/2020/03/25/la-fille-de-lespagnole-karina-sainz-borgo-nrf-gallimard-violence-et-poesie/
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