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Split, petite station balnéaire croate se dépeuple lentement et entame son hibernation.
Inès, vingt-six ans, travaille à la réception d’un hôtel. Sa mère Katja s’échine comme femme de ménage tandis que son frère Mario de cinq ans son cadet végète à la maison.
Un crime sordide va faire voler leur vie en éclats . Le corps de Viktorija, une jeune étudiante de dix-sept ans, fille d’une riche famille de médecins est retrouvé dans une usine désaffectée. Zvone, jeune flic prometteur est envoyé sur l’affaire avec son collègue Tomas, proche de la retraite, aux manières plus expéditives.
A partir de ce scénario, l’auteur va décortiquer les effets pervers des liens du sang. Il va mener une magistrale étude familiale qui pose des questions essentielles telles : Jusqu’où est-on capable d’aller pour protéger les siens ?Que sommes-nous prêts à sacrifier ? Mais aussi, quelles seront les conséquences inévitables de nos actes ?
Avec ce roman noir et véritablement poisseux, l’auteur réussit à créer une ambiance oppressante qui emprisonne le lecteur qui n’a qu’une seule envie, savoir comment tout cela va se terminer. Les personnages sont d’une banalité hypnotique et semblent ne pas avoir de prise sur leur destin. Ils sont incapables de sortir de leur condition, mais la mort de cette jeune fille va brutalement les projeter vers l’inconnu.
La construction de ce roman puissant et addictif est telle que nous pensons comprendre très rapidement qui est le coupable, mais l’auteur instille avec génie le doute en nous. Vient ensuite tout un travail de dissection de la cellule familiale et de la complexité de leurs rapports qui oscillent entre rancœur et affection. L’auteur donne voix à chacun des protagonistes et développe les états d’âme et les sentiments contradictoires qui tour à tour animent Inès, Katja et Zvone. Ces trois récits vont s’entrecroiser pour nous mener vers un dénouement peu commun pour un roman noir.
C’est d’une plume efficace que Jurica Pavicic sonde le cœur des hommes et des femmes. Il nous livre ici une fresque sociale qui nous plonge dans la Croatie contemporaine tout en faisant quelques rappels sur l’histoire de ce pays.
Lu dans le cadre du « Grand Prix des Lectrices ELLE 2025 ». Je remercie les Editions Agullo pour cet envoi.
Un remarquable roman intimiste, une belle construction qui ne nous laisse pas indifférent. Un roman singulier mêlant polar, historique, témoignage et drame social. L'auteur décortique les états d'âmes, ce dernier alterne les points de vue. Une intrigue prenante, des paysages dépaysant, une écriture efficace sans fioriture ni ambiguïté.
" Les eaux rouges grossissent et grossissent. Elles submergent la roche ébréchée et les os de Silva. Elles submergent le tunnel, la caserne et le cap de la Croix. Elles gonflent, s’élargissent et commencent à tout avaler, centimètre après centimètre : la madrague, le terrain de basket, le terrain de boules et le clocher de Saint-Spyridon, le bas et le haut du village, l’Étoile de la mer et la Sunset Residence avec ses huit rangées d’appartements en timeshare. Les eaux rouges grossissent jusqu’à tout engloutir résolument et inexorablement : Misto, la montagne, et ce pays qui ne mérite pas mieux que ce déluge."
Je retrouve avec plaisir la plume efficace de Jurica PAVICIC pour ce troisième roman traduit en français.
Nous suivons cette fois Ines, sa mère Katja et l’enquêteur Zvone. Ce qui les relis : le meurtre de la jeune Viktorija Reba dans une usine désaffectée.
Ines travaille dans un hôtel à touriste à Split, l’occasion pour l’auteur de nous parler de cette ville aux décors historiques qui accueille des touristes du monde entier à la belle saison. Le reste de l’année, c’est une ville pluvieuse et sans animation.
Le père de Zvone et la famille d’Ines habitent dans des immeubles construits au temps de la splendeur communiste. Souvent hérités de grands-parents, les logements sont restés dans leur jus.
J’ai aimé les coups de griffe de l’auteur envers les « vertueux urbanistes » (p.68) et autres caciques du Parti.
J’ai aimé que l’auteur me parle des anciens combattants de l’armée Croate : le père de Zvone a fait cette guerre et en est revenu malade à ses 30 ans. 30 ans plus tard, il souffre encore.
L’auteur décrit des habitants qui appartiennent soit à la classe laborieuse, soit à la classe dirigeante.
L’auteur laisse le personnage de Mario, le frère d’Ines, dans l’ombre. Il apparaît peu, a toujours un visage indéchiffrable, et pourtant c’est autour de lui que tourne le roman : a-t-il tué Viktorija Reba ?
Ce roman pose la question de l’acte violent non prémédité : Zvone en est incapable, mais son père a pu le faire pendant la guerre.
Un roman qui pose aussi la question de la réaction de la mère du coupable qui, dans ces pages, cache les preuves incriminantes. Une mère des douleurs qui protège son enfant meurtrier.
J’ai aimé le regard sans concession de l’auteur sur son pays qui après Tito a connu la guerre, et maintenant les réseaux sociaux (autre catastrophe capable de détruire des vies).
Une citation :
(Les bijoux) termineront sur un tas comme l’or cassé pour la revente. Avec ces bijoux de famille, on achètera une voiture d’occasion ou des billets pour le Canada, on remboursera des dettes, on ouvrira un commerce ou on effacera une hypothèque. Ce qui a été acquis en grande pompe finira par être vendu discrètement et avec un brin de honte. C’est ainsi – Ines l’a compris au bout de quelques jours – que tourne l’économie circulaire de l’orfèvrerie. (p.293)
L’image que je retiendrai :
Encore une fois, on cuisine beaucoup dans ce roman : la mère Katja mais aussi sa fille (des œufs à la pancetta).
https://www.alexmotamots.fr/mater-dolorosa-jurica-pavicic/
Un roman noir puissant et hypnotique, le lecteur se pose beaucoup de questions contradictoire. L'ambiance est oppressante, la tension est permanente, une profondeur psychologique avec ses personnages.
Famille, Culpabilité, Morale, Meurtre, Croatie.
Une plume immersive, descriptive et simple, attention risque de claustrophobie, les chapitres sont court, une bonne construction, un roman dur à lâcher. Des protagonistes pas si banales. Une lecture réaliste, intense qui mettra vos nerfs à vifs.
"Que sommes-nous prêts à sacrifier pour protéger ceux que nous aimons, et quelles en seront les conséquences inévitables ?"
"On distingue les ventricules et les oreillettes, les veines qui s’ébranchent et bifurquent comme des racines enchevêtrées.
et comme il se doit pour Notre-Dame des sept Douleurs, des glaive sont plantés dans ce cœur. Il y en a sept, c’est lames qui partent en éventail de trois côtés. Sept couteaux qui transpercent le cœur de la malheureuse mère, aussi dévouée qu’endurante."
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