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C’est l’histoire d’un Lecteur qui commence à lire le dernier roman d’Italo Calvino, intitulé « Si par une nuit d’hiver un voyageur », mais qui réalise, au bout du premier chapitre, que son exemplaire souffre d’un problème d’édition. Il retourne à la librairie pour se plaindre, choisit un autre livre en échange, et rencontre une Lectrice qui a eu le même problème que lui. Chacun de son côté entame ce deuxième roman et, rebelote, à nouveau un problème d’impression, etc etc…
Au total, on découvre ainsi dix récits, ou plutôt dix débuts de romans qui s’arrêtent chaque fois abruptement. Entre chacun d’eux, douze chapitres « fil rouge » dans lesquels on suit Lecteur et Lectrice, qui vont de découvertes en péripéties entre maison d’édition et séminaire universitaire, et rencontrent des professeurs, des traducteurs, des plagiaires et des faussaires aux quatre coins du monde.
« Si par une nuit d’hiver un voyageur » n’est donc pas un roman, mais un livre fait de fragments de romans, mais aussi de mises en abyme vertigineuses, d’imaginaire kaléidoscopique et de réflexions parfois visionnaires sur tous les plaisirs, métiers et dérives liés au livre : lecture, écriture, traduction, inspiration, plagiat, censure.
Un livre de livres, un méta-livre, une démonstration de style virtuose, à laquelle Italo Calvino a manifestement pris du plaisir, s’amusant à balader le Lecteur et la Lectrice, mais aussi les lecteurs et lectrices qui ne se trouvent pas entre les pages de son livre mais le tiennent dans leurs mains.
La question fondamentale : le lecteur, en l’occurrence la lectrice que je suis, a-t-elle pris autant de plaisir à cette lecture que l’auteur ?
La réponse, vaguement honteuse vu l’engouement majoritaire : non, ou très peu. Le début était emballant, mais mon enthousiasme s’est très vite éteint pour se transformer en ennui profond. J’ai tout lu, jusqu’au bout, même si je me demandais à quoi bon lire ces débuts de récits dont je ne connaîtrais jamais la fin.
Trop intellectuel et cérébral pour moi (et pourtant c’est ce que je cherche dans mes lectures : nourrir mon cerveau), ce livre est certes un tour de force, mais il n’a suscité chez moi que des émotions négatives, entre ennui et frustration. Un exercice de style dont le sens et l’intérêt m’ont échappé, brillant mais pas séduisant.
Le Lecteur (avec un grand « l'» qui est un des personnages principaux du livre) entreprend la lecture d'un roman intitulé « Si (par) une nuit d'hiver un voyageur » d'un certain Italo Calvino. Après une trentaine de pages, l'histoire s'interrompt et recommence depuis la page 17. Cette erreur de brochage qui interrompt l'histoire juste au moment où elle devenait intéressante frustre le Lecteur (et nous par la même occasion) qui retourne à la librairie échanger son exemplaire. Là il rencontre la Lectrice, non dépourvue de charme, elle aussi confrontée au même problème. Les explications du libraire sur l'erreur de la maison d'édition due au mélange de feuillets et de couverture les mènent à un roman polonais intitulé « Loin de l'habitat de Malbork » sensé être le bon titre et la suite de la lecture qu'ils ont tous les deux entreprise. Après un échange de n° de téléphone, le Lecteur et la Lectrice retournent à leur roman. Mais ils se rendent vite compte que le nouveau roman reçu n'est pas la suite du premier mais une toute autre histoire. Pas trop grave car il est tout aussi prenant. Mais là aussi ils constatent que l'histoire s'arrête d'un coup pour laisser la place à des pages blanches.
Le Lecteur toujours à la recherche de la suite entamera ainsi pas moins de 10 incipit romanesques de genres différents, tous interrompus pour une raison quelconque. Une aventure dont le principal moteur est la Lectrice et qui l'amènera, entre autres, à la rencontre d'un éditeur, d'un écrivain, d'un professeur, d'un groupe de révolutionnaires et sur les traces d'un traducteur frauduleux.
Mais c'est surtout à nous lecteurs que l'auteur s'adresse dans cette métafiction en offrant une réflexion sur la lecture et ses mécanismes, sur le plaisir qu'elle offre, ici d'ailleurs comparée au plaisir sexuel, sur le rôle de l'écrivain, sur l'infinité des attentes, interprétations et émotions qu'un roman suscite en fonction de celui ou celle qui le lit et les sources possibles et intarissables d'un auteur.
Un roman qui nous rassure sur l'inépuisabilité de la littérature.
Perché le petit futur baron ? Oui et en même temps pas tant que ça. Dans un arbre oui, par esprit de révolte et je dois dire que j'ai tout de suite été d'accord avec lui ! Il faut savoir se défendre, ne pas se soumettre, surtout quand on est petit. Bon, il est quand-même peut-être un peu perché. Mais qu'il est drôle cet enfant !
D'ailleurs la sœur aînée, Baptiste (c'est tellement étrange d'avoir Traduit Battista en Baptiste) est quelque peu azimutée à sa façon, qui se situe dans le registre du gore culinaire. La mère aussi est spéciale et le père a des rêves de grandeur et un frère naturel très bizarre… C'est une famille de doux dingues.
Quant à Blaise, le petit frère et narrateur, il est en admiration devant cet aîné si courageux et extravagant.
Et puis il y a la petite voisine, Violante. Une espèce de petite pestouille, qui m'a fait penser à Minnie avec Mickey. Ou Daisy avec Donald. Et oui, j'ai de drôles de références, mais c'est parce que dans cette histoire, la fille est celle qui fait tourner en bourrique le pauvre garçon, et qui nous rendrait presque misogyne !.. Comme Minnie et Daisy. Eh oui, l'enfance nous imprègne durablement.
Et donc, cet enfant, parti dans les arbres par esprit de contestation envers ses parents, ne redescendra plus. Tel un funambule il passera d'arbre en arbre sans plus jamais toucher le sol. Et nous lecteurs, avec Côme nous allons parcourir toutes sortes d'essences d'arbres et apprendre lesquels sont les plus adaptés au funambulisme. Eh oui ! Et on n'apprend pas que ça !
Côme, doux rêveur, devient l'anticonformisme personnifié, d'une belle érudition, jamais à cours d'idées et d'une telle ouverture d'esprit pour son temps qu'il m'a énormément plu. Tout l'intrigue, tout l'intéresse, tout le passionne… y compris l'altruisme et le don de soi.
Alors que ce choix, fait sous la colère, d'aller vivre dans les arbres a permis à Côme de vivre des choses incroyables toute sa vie, moi je n'ai pas totalement réussi à me laisser emporter par la poésie de cette existence car j'ai eu froid pour lui, j'ai souffert de sa solitude à sa place et j'ai regretté qu'il ne foule plus jamais l'herbe de ses pieds, qu'il ne puisse serrer Optimus Maximus dans ses bras. Au fond, il est une sorte d'Antigone, inébranlable dans ses convictions, quel que soit le prix à payer.
Cette surprenante épopée sylvestre m'a rappelé que souvent l'orgueil nous emmène plus loin qu'on ne l'aurait voulu et parfois beaucoup trop loin.
Lecteur, c’est à toi qu’Italo Calvino s’adresse, dans un jeu de miroir auquel il vaut mieux ne pas tenter de résister. C’est d’ailleurs ce qu’il te conseille : « Détends-toi. Concentre-toi. Écarte de toi toute autre pensée. Laisse le monde qui t’entoure s’estomper dans le vague ».
Conseil de lecture avant de replonger dans le roman que toi, lecteur tu découvres, jusqu’à la mauvaise surprise, une erreur d’imprimerie interrompt la fluidité et le charme de la narration .
A partir de là, tout est permis et de lectures en lectures, les accidents successifs de mises en page plongent à chaque fois le lecteur, donc toi, dans un désarroi compréhensible.
Cet artifice vertigineux, au travers duquel on reconnaît la signature de l’Oulipo, (l’art de la contrainte qui catalyse la création), permet à l’auteur d’aborder une nombre considérable de réflexions autour, de la lecture, de l’écriture et de l’édition dans une sorte de mise en abîme réjouissante.
On s’y perd avec délice jusqu’à la pirouette finale, qui pourrait donner l’envie de reprendre le roman au début, avec la ferme intention de ne pas se laisser piéger.
Lu il y quelque quarante ans, et redécouvert avec plaisir, tant pour la malice de l’intrigue que pour le voyage littéraire proposé.
286 pages Points Seuil 1er septembre 1982
Traduction (Italien): Danièle Sallenave et François Wahl
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