"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Découvert par hasard dans une boîte à livres ! Je me suis régalée et j'ai découvert quelqu'un de très chouette !
Un recueil de 66 nécrologies publiées de 1969 à 2013 par Cavanna dans Charlie Hebdo ou Hara Kiri Hebdo, précédées de celle que DDT (Delfeil de Ton ) rédigea à la mort de celui-ci en 2014 .
Cavanna s'avoue « pas très porté sur les discours au-dessus de la tombe vide » . C'est même pour lui « une des plus chiantes corvées journalistiques, surtout quand on connaît le gars. Surtout quand on l'aimait bien » . La nécro est alors plus brève « Le chagrin ne nourrit pas mon éloquence » avoue-t-il .
Mais quand disparaît une personnalité du monde de la politique, du spectacle ou des médias, le nécro, parcours obligé pour le journaliste et polémiste qu'il est, se déploie alors plus longuement .
Pour les personnages publics, alors que « les confrères mettent leur haut de forme », Cavanna , lui « met son nez rouge » .
C'est là que l'anticonformisme, l'antimilitarisme , l'impertinence , l'humour vachard et ravageur de Cavanna se déploient …...
C'est pour lui l'occasion d'évoquer non seulement le défunt mais aussi le domaine dans lequel celui-ci s'est illustré . Cavanna en profite alors pour déployer sa verve de polémiste et ses talents
d'écrivain .
Si sa plume est acerbe, sa prose reste élégante. Certains termes grossiers ou scatologiques apparaissent au milieu de phrases à l'imparfait du subjonctif.
Il lui arrive aussi de pasticher des textes connus . La nécro de Leon Schwarzenberg reprend la forme de la chanson de Brassens : Mon vieux Léon . Celle de François Mitterand : Le déserteur de Boris Vian « Monsieur le Président, J'vous écris une lettre, Maint'nant qu'vous avez l'temps »
Rien à voir, vous l'avez compris avec les nécrologies de Leon Zitrone « Ni fleurs, ni Zitrone »
Certaines nécros m'ont paru bien longues, certaines m'ont émue, d'autres m'ont fait sourire.
Chacun, s'il aime le style de Charlie Hebdo, pourra trouver son bonheur dans ce florilège.
C’est plein d’émotion que je referme le dernier livre de François Cavanna, livre qu’il n’a jamais tenu en mains puisqu’il s’en est allé en janvier 2014.
Bien qu’il soit fils d’un émigré italien, Luigi Cavanna, dit « Vidgeon », sa mère étant française et parce qu’il brillait à l’école, François Cavanna s’est toujours senti exclu de la communauté italienne de son quartier Maubert, dans le centre de Paris. Pourtant, il leur a rendu le plus bel hommage qui soit dans ce livre magnifique lu il y a bien longtemps : Les Ritals (1974). Il prouvait là ses immenses talents d’écrivain, un auteur sans fard, d’une franchise abrupte et réjouissante.
Ensuite, je m’étais régalé avec Les Russkofs (1979). Puis Bête et Méchant (1981) et Maria (1985) m’ont marqué et je regrette d’avoir délaissé la lecture de Cavanna jusqu’à Lune de Miel (2011), un livre plein d’instants de vie, de confidences, d’anecdotes. Crève, Ducon est de la même veine. Entre temps, j’avais l’occasion de le lire dans Charlie Hebdo.
Virginie Vernay dont Cavanna parle déjà dans Lune de Miel, fut sa secrétaire bénévole durant ses dernières années. Elle a réussi à regrouper ses derniers textes pour publier Crève, Ducon, nouveau recueil de témoignages, de réflexions sur la vie, de coups de gueule pour lesquels Cavanna est inimitable.
Les chapitres sont courts, toujours marqués de cet humanisme qui a fait sa force. J’ai apprécié de croiser, au fil des pages, ses camarades de Hara-Kiri puis de Charlie Hebdo : Choron, Reiser, Gébé, Cabu, Wolinski, Willem, Delfeil de Ton… avec lesquels il m’a fait partager des moments incroyables, tranches de vie d’une équipe qui réussissait à sortir chaque semaine un journal hors normes, dans des conditions normales, au 10, rue des Trois-Portes, sans aucune protection policière…
Cavanna partage aussi ses galères avec cette Miss Parkinson, cette maladie qui le handicape terriblement et contre laquelle il lutte. Elle est la cause d’une grave chute dans des escaliers, chute dont il ne se remet pas complètement.
Cavanna se souvient du STO (service du travail obligatoire), durant l’occupation nazie, parle encore de Maria et c’est très émouvant. Il se confie aussi sur sa mère qui tentait de le priver de ce père qu’il admirait tant.
Avec ces quelques souvenirs, Cavanna m’a fait vivre des tranches de vie de son quartier avec Carmen, la concierge, le pharmacien qui trouve le moyen de mourir et d’abandonner Rita, cette petite paysanne portugaise qu’il éduquait.
Enfin, il y a Virginie qu’il aime bien. Elle lui dit qu’elle l’aime mais lui sait bien qu’elle est amoureuse d’un beau garçon qui semble la dédaigner. C’est toujours écrit avec une franchise immense, une écriture directe qui me touche beaucoup, surtout lorsqu’il évoque la mort de ceux qui sont partis, avant de parler de la sienne comme dans les dernières lignes du livre :
« T’as laissé les copains partir et t’es resté ? Vois ta gueule, Ducon, regarde-la bien. Le temps a chié dessus, mais oui. T’es plus toi, Ducon, t’es parti avec eux. Tu le savais pas ça, hein ? Souvenirs, souvenirs, ils ne sont plus que souvenirs, c’est-à-dire une photo, une larme… Rien. Elle est là, elle attend, ils seront deux en un. Mais le deuxième ne sera pas toi.
Alors, qu’est-ce que tu fous là ? Crève, Ducon ! »
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
On devrait faire lire ce bouquin à tous les gamins au lycée... Une vraie leçon d'humanité, un livre d'histoire, avec toute la verve de Cavanna... passionnant du début à la fin...
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