"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Ce roman choral nous emmène à Amman en Jordanie. Au fil des chapitres on entend à tour de rôle les voix de Leila, Salma, Hayat, Rana, Ali.
Ces jeunes femmes nous racontent que leur but, imposé par la société, est de se marier, car une femme toujours célibataire à trente ans n'a plus aucune chance de convoler car trop vieille, donc adieu l'espoir d'avoir des enfants. de mère en fille les femmes perpétuent cette iniquité en faisant les entremetteuses. Car pour une fille sans mari, c'est sur la mère que rejaillit la honte. Mais pour trouver un mari, elles doivent posséder un diplôme qui leur permettra d'avoir un travail et donc un salaire, elles doivent être jeunes, jolies, gentilles, bonne ménagères, bonne cuisinière. Des robots ménagers en quelque sorte, mais avec le sourire.
Et les hommes ??? Bah, ils ont juste besoin d'avoir un travail… Et alors qu'ils n'ont qu'une seule casquette, ils seront les chefs absolus au sein de leur foyer. Ah ! le patriarcat !
Et Ali, lui, a un secret. Un secret bien lourd, une sacrée casserole pour cette culture. Une douleur qu'il traîne dans les tréfonds de son être.
On fait une incursion dans ce monde violent et révoltant où les femmes ne sont rien, complètement soumises à l'autorité des hommes, qui souvent en usent et en abusent. Ces hommes qui parlent beaucoup d'honneur quand il s'agit des femmes mais passent leur temps à le bafouer quand c'est pour eux-mêmes.
Leila pense avoir enfin trouvé le bonheur. Ali espère la rédemption. Hayat est dans la survie. Rana aime en dehors de sa religion. Salma n'attend plus rien, quoi que… Peut-on jamais jurer de rien ? Ces choses insignifiantes chez nous sont insurmontables dans certains pays. Et si la transgression était la voix vers l'émancipation !
L'auteur donne la parole à celles et ceux qui n'ont pas voix au chapitre. Il dénonce les abus du patriarcat, de la masculinité toxique, de la virilité abusive.
C'est scandaleux révoltant, terrifiant, mais au fond, il n'y a pas si longtemps c'était à peu de chose près la même chose en occident. J'ai trouvé très intéressante cette exploration des pensées existentielles des différents protagonistes, en proie à un mal-être induit par cette société intolérante de mâles dominants.
Maternité, homosexualité, harcèlement, adultère, inceste, émancipation, religion, amour, transidentité, discrimination, crime d'honneur, loyauté, féminisme, amitié, Sororité, tels sont les thèmes abordés dans ce roman qu'on ne peut pas, qu'on ne veut pas lâcher, suspendu à l'appréhension de ce qui pourrait arriver, de ce qui risque de se produire.
C'est un roman puissant qui décrit extrêmement bien le chemin chaotique qu'est la vie, et dont la tension va crescendo jusqu'à la fin, tant on ne peut qu'être en empathie avec les personnages.
Énorme coup de coeur pour moi.
Excellent et terrible ce roman qui parle de la condition féminine en Jordanie, de l'éducation des filles préparées à être de bonnes épouses soumises et dévouées -ce qui est un pléonasme- : "On considère comme un bon parti un homme avec un travail et un revenu stable. Par contre, pour être "épousable", une femme se doit d'être belle, d'un âge convenable, moralement irréprochable, bonne cuisinière et fée du logis. Et pourvue de surcroît d'un diplôme et d'un travail. Ces exigences rendent les conditions d'une union honorable difficiles à remplir." (p.32)
Fadi Zaghmout écrit la souffrance des femmes de ne pas pouvoir s'épanouir par et pour elles-mêmes. Elles doivent d'abord faire plaisir et obéir au père, puis aux autres hommes de la famille si elles transgressent les règles par eux édictées, puis enfin à un mari. Vierges au mariage -la femme, pas l'homme, non pas lui. Il parle aussi de la vie cachée des homosexuels, de ceux obligés de se marier pour la façade rendant leur femme et eux-mêmes malheureux, de ceux qui ne cèdent pas aux exigences de la société mais qui doivent vivre leurs amours clandestinement.
C'est un roman à cinq voix qui se lit facilement malgré les thèmes abordés. Non dénué de touches d'humour qui l'allègent un peu, on suit horrifié la difficile vie de Leïla, Hayat, Salma, Rana et Ali et l'on se dit que l'on est bien heureux de vivre en France même si les questions des droits des femmes, de l'égalité avec les hommes, des violences commises contre elles sont encore loin d'être réglées et qu'il faut continuer de revendiquer jusqu'à ce qu'elles le soient.
Naître, grandir, aller à l’université, trouver un emploi et se marier avant trente ans, sans commettre le moindre faux pas, en préservant sa virginité et sans se compromettre avec une amie qui aurait fauté…A Amman, les femmes doivent se conformer à ce schéma pour faire la fierté de leur famille et s’intégrer dans un monde qui leur impose règles, traditions et tabous dictés par la religion et le patriarcat. Coincées entre un légitime désir d’émancipation et leur devoir envers leurs parents, les femmes ont peu de place pour s’épanouir en dehors du mariage et de la maternité.
En contrepartie, les hommes doivent, eux aussi, tenir leur rôle : afficher une virilité flamboyante, régenter la vie de leurs filles, leurs sœurs, leur femme, laver le déshonneur, par le sang s’il le faut. Au-delà de cela, ils peuvent contourner les règles sans risquer d’être persécutés, mis au ban de la société ou tués. Mais il y a pour eux aussi une limite à ne pas franchir : un homme aime les femmes et ne saurait être gay sans encourir la vengeance des hommes et de Dieu.
Ils sont cinq, quatre femmes et un homme, à voir leurs espoirs déçus, leur personnalité profonde reniée, à tenter de faire bouger les lignes dans une capitale jordanienne figée dans ses traditions ancestrales.
Dans ce roman choral où se croisent les destins de cinq jeunes jordaniens, Fadi Zaghmout fait un condensé de tous les problèmes rencontrés par les femmes et les homosexuels dans son pays. Rana, Hayat et Leila sont trois jeunes diplômées qui prennent conscience que leurs études universitaires ne sont rien qu’une case cochée dans la longue liste des attributs qui font une bonne épouse.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Hayat, on subit les assauts d’un père incestueux.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Rana, on aime un homme d’une autre confession.
Un diplôme ne vaut rien quand, comme Leila, on est harcelée par un supérieur qui veut exercer son droit de cuissage. Deux choix s’offre à elle : soit porter le voile, soit trouver rapidement un mari.
Et ce mari c’est Ali…amoureux d’un homme mais bien conscient que pour être accepté il lui faut une femme et des enfants. Il a essayé la thérapie, il a enrichi un escroc, il a cru pouvoir guérir. Difficile pour lui de s’accepter, impossible de s’affirmer. Leila lui offre une solution facile. Il s’est promis de renoncer à l’amour pour se consacrer à sa famille mais son couple n’est qu’un leurre.
Le cinquième personnage, c’est Salma, la sœur aînée de Leila qui voit sa cadette se marier avant elle, qui tient un blog dans lequel elle raconte sa tristesse, sa honte, la pression familiale, les commentaires malveillants, son désespoir d’être célibataire à trente ans. Bien qu’épanouie dans sa vie professionnelle, elle ne pourra jamais quitter le domicile paternel sans un époux à son bras. Et plutôt que de rester vieille fille, elle sera l’épouse d’Amman qui donne son titre au livre. Terribles épousailles entre une femme désespérée et une ville qui l’a trahie…
Fadi Zaghmout nous propose un livre formidable au ton frais et léger malgré les sujets qu’il aborde. Nos yeux d’occidentaux pourraient juger les différentes situations à l’aune de la seule religion mais l’Islam n’est pas le seul coupable (d’ailleurs Rana est catholique). Ce sont le patriarcat et les traditions archaïques qui partout dans le monde briment la liberté des femmes, de façon appuyée ou insidieuse. Le chemin est encore long pour des femmes comme Leila, Salma ou Rana, tout comme pour Sabine, Lola, Reiko, Hua, Lin, Ji-young, Emilie, Shiori, Rachida, etc. etc. et pour tous les hommes qui, comme Ali, doivent affronter une société hypocrite qui ne se contente pas de condamner l’homosexualité mais vont jusqu’à nier son existence.
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