"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cécé. Célia Jérôme, habite une cabane faite de tôle, avec sa grand-mère « Grand Ma » et son oncle « Tonton Fredo » dans la Cité de la puissance de Dieu, 3ème circonscription de la ville de Port-au-Prince, Haïti.
Célia mène une vie de subsistance, une vie de misère, une vie où l’horizon n’apporte aucun avenir. Si ce n’est l’espoir de partir avec en tête le rêve américain, comme beaucoup, enfin, ceux qui ont le courage de vouloir fuir !
Le monde va s’écrouler quand son soutien Grand Ma disparait. Comment survivre dans un quartier miné par l’absence de loi, de travail, d’hygiène, de violence gratuite mais surtout par la présence des gangs. Un état dans l’état ; avec des querelles intestines pour savoir qui va commander et dont la mort de celui qui a pris le pouvoir, se sait être la prochaine cible. Une omniprésence du racket, organisé pour « protéger » les habitants…Ici règne la loi de la jungle, celle du plus fort… Une raison d’être ? Certes non ; juste d’oublier et ne pas chercher à comprendre ; car les gens n’attendent rien. En effet, dans ces quartiers la police ne se montre pas : impuissance, faiblesse de l’absence de la présence de l’état !
Cécé va pourtant trouver une ligne d’espoir quand elle pourra obtenir une faible rémunération, grâce à ses talents sur les réseaux sociaux ; et devient influenceuse. Elle ne veut pas se considérer comme lanceur d’alerte, mais, tenir un journal de photos de la vie de son ghetto et ainsi favoriser un lien social envers les déshérités de l’existence.
Mais pourquoi le sort s’acharne-t-il sur ce pays ; n’a-t-il pas déjà subi deux importants tremblements de terre, en janvier 2010 et août 2021 ! Et en outre il met en exergue le manque de moyens pour remédier à ces catastrophes naturelles ; et ajouter de la misère sociale, à celle déjà existante.
Un roman – un témoignage ? - d’une lecture aisée, sans fioritures, ni pathos qu’Emmelie Prophète, nous donne à méditer. Une société qui ne peut se passer de l’abnégation de toutes ces femmes qui malgré tout espèrent et toujours regardent vers le soleil qui se lève, vers l’espoir d’une vie meilleure.
Merci à Babelio et aux Éditions Mémoire d’encrier, de me permettre de connaître le témoignage de cette auteure.
Quand sa grand-mère décède, Samuel, huit ans, sait qu’il doit quitter Suzanne, ce village pauvre de pêcheurs, pour partir tenter sa chance à Port-au –Prince. Il quitte le bord de mer pour une ville immense et sale où viennent s’échouer tous les miséreux.
L’enfant va de rencontres en rencontres, jusqu’à ce vieil homme, Marcel, qu’il aide dans son commerce d’alcool.
Devenu jeune homme, Samuel trouve de l’embauche dans un garage qui fait face à une drôle de maison penchée. Là vivent les mulâtresses Lilas et Rose, avec leur mère qui s‘enfonce dans la folie. Rose, qui ne sort jamais et qui a peur de la vie, reste des heures derrière le rideau de sa fenêtre à observer l’animation du garage. Elle a remarqué Samuel, solitaire et silencieux, si différent des autres, tandis que le jeune homme passe son temps à fixer sa silhouette derrière le voilage. Il se prend de passion pour la jeune fille à peine entrevue. Un monologue s’installe de part et d’autre de ces deux solitudes que la différence sociale sépare. Pour Samuel, Rose devient Metrès Dlo, cette sirène qui apporte la fortune aux hommes qu’elle se choisit, mais qui peut aussi les précipiter dans la mort.
Ce roman raconte deux vies, deux destins qui s’observent mais ne se rencontrent jamais si ce n’est dans l’imaginaire des personnages. Il y a une dimension fantastique quand Samuel évoque la sirène maitresse des eaux : Metrès Dlo.
Ce récit mêle réel et imaginaire sur fond de pauvreté et précarité. Tout au long de son parcours initiatique, Samuel croise différents personnages qui représentent ces figures du peuple : le chauffeur alcoolique, le vieux marchand d’alcool, les putes, les marchandes de soupe... De l’autre côté, loin de son monde, vivent les Labarre, cette vieille famille de mulâtres désargentée qui campe sur les décombres de sa richesse passée et de son rang social. L’auteur tisse un lien fragile entre ces deux mondes qui se côtoient en s’ignorant, elle brode une fresque sociale à laquelle s’ajoute la dimension fantastique de Metres Dlo, le tout dans un Port-au-Prince surpeuplé, bruyant et sale où se prépare le carnaval.
Bien documenté, ce roman se lit avec plaisir. On suit avec intérêt le parcours du jeune Samuel. L’auteur sait nous faire entrer dans l’univers de ses personnages qui traversent la vie avec une certaine fatalité, elle ne prend jamais parti.
L’histoire se déroule avec aisance et finit par se cristalliser sur l’observation distante et muette des jeunes gens, Rose derrière sa fenêtre et Samuel depuis le garage. Beaucoup de lenteur et de non-dits dans ces monologues secrets.
Le roman aborde le problème de l’errance, la filiation, le rapport à l’autre et la solitude jusqu’à la folie.
On peut ne pas aimer la lenteur et le manque d’action qui dominent, mais l’auteur ne dénonce pas la misère, la précarité d’une certaine population, elle raconte plus qu’elle ne témoigne et le lecteur doit se laisser glisser dans ce récit initiatique.
L’écriture est fluide, harmonieuse, elle est empreinte de poésie tout en restant simple.
Roman à lire pour les personnages, attachants, pour l’atmosphère bien décrite de Port-au-Prince, pour l’écriture sobre et poétique.
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