"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Il y a sans doute de nombreuses façons de parler du mariage, le plus souvent on a affaire au mode ironique et cruel ou alors au mode épique et idéaliste. Pour faire court, on citera Sacha Guitry dans la première catégorie: « Les hommes n'ont que ce qu'ils méritent. Les autres sont célibataires! » Et Sören Kierkegaard dans la seconde catégorie: « Le mariage est et restera le voyage de découverte le plus important que l'homme puisse entreprendre. » Elisabeth Jacquet a choisi une troisième voie. Même si cette dernière n'est pas exempte ici et là d'une certaine ironie ou d'élans du cœur on qualifiera ce recueil de pensées et courts textes d'analyse réaliste, ponctuée de doutes et de nombreuses questions. Un peu comme une entomologiste, l’auteur observe sa vie conjugale et celle des autres, disséquant à la fois le langage (quand parle-t-on de conjoint, d’époux, de moitié, de régime matrimonial, de devoir conjugal?), la gestuelle (un doigt qui se glisse au creux d’un bras, un bras passé autour des hanches), les habitudes (la position de lit conjugal, la place de la brosse dans le salle de bain) avant de se lancer dans une étude comparative (sommes-nous les seuls ans ce cas? Comment font les autres?). On comprend vite que le fruit de ses réflexions ne nous est pas livré par une novice, mais s’appuie sur une belle expérience. Quand le temps a passé, que les habitudes se sont installées, que l'on associe « avec autant de constance et de naturel tu me manques à je ne peux plus te supporter? Viens on parle à je n'arrive pas à t'écouter? Lâche-moi à prends-moi dans tes bras? »
Les moments de poésie pure ont en effet vite fait de céder la place à la trivialité. Mais c’est sans doute dans cette curieuse manière de vivre ensemble que se cimente le couple : « De qui d’autre pourrais-je ainsi systématiquement trier les chaussettes ? Ou déchirer pour en faire d’astucieux chiffons les chemises et caleçons qu’il continue à porter même troués? Avec qui d’autre aussi longtemps partager les sanitaires, bruits odeurs et rituels de nos corps sans cesse à proximité? »
Car c’est bien dans les détails de la vie commune que se trouve la finalité du mariage et non dans les grandes envolées lyriques. Elisabeth Jacquet nous le fait habilement comprendre en construisant l’édifice commun sur la sommes «des âges, craintes, complexes, peurs, espérances, angoisses, désirs, rêves et chagrins». Avant d’ajouter avec lucidité qu’il est logique que cette somme entraîne quelquefois des dérapages.
Des allers-retour entre son mari et ceux qu’elle croise dans la rue ou dans la littérature, l’auteur essaie de trouver un modèle universel, une sorte d’archétype du mari. Mais il lui faut vite déchanter. Entre le mari de la duchesse de Guermantes et celui d’Anna Karénine, entre celui de Madame Bovary et celui de Rebecca, il n’y guère de similitude. Passant de la littérature au cinéma et allant jusqu’aux séries télé, Elisabeth Jacquet fait le même constat de typologies bien différentes. Ce qui explique aussi qu’il n’y a pas de règles ou de mode d’emploi, mais bien davantage une sorte de pari sur l’avenir. Exaltant autant que risqué : « Nous nous imaginions semblables et très différents, les mêmes mais autrement, puisqu’il était impossible de prévoir l’ensemble et la nature des événements qui prendraient place au cours de notre vie commune. » http://urlz.fr/5pdI
La couverture orange traditionnelle a fait place à une couverture noire très élégante. J’aime beaucoup les sous-titres qui sont souvent très explicites. Il en va ainsi de ce livre « Petite exploration de la vie conjugale ». Tout un programme.
Oui, une fois marié, un couple devient une entité, mari et femme. On ne dit plus époux-épouse. Ce sont mes parents qui disaient cela.
« Tous les objets usuels ou de décoration, du plus grand au plus petit, sont devenus ni à moi, ni à lui : à nous. ».
Beaucoup de choses passent par le nous, par le besoin du regard de l’autre.
« En revanche seul(e) face à une nouveauté, plongé(e) dans un ravissement ou la sensation d’une découverte, notre émotion légèrement se fissure, aussitôt s’y profile la dimension manquante de l’absent(e) »
L’autre dont on ne sait pas tout
« Non seulement mon mari ne l’a pas toujours été, mais l’étant il n’a en plus jamais cessé d’être en majorité Autre Chose. »
En fait, qu’est-ce que le mariage, que représente t-il ?
« Le mariage est-il un but en soi ?
Une fin ou un commencement ?
Cela dépend-il des gens ?
Oui, pourquoi nous sommes-nous mariés ? Bien sûr, le PACS n’existait pas. Qu’est-ce qui fait qu’un mariage dure ? Pourquoi cela fonctionne ? Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Qu’imaginions-nous mon mari et moi en nous mariant ?
Nous nous imaginions à la fois semblables et très différents, les mêmes mais autrement, puisqu’il était impossible de prévoir l’ensemble et la nature des évènements qui prendraient place au cours de notre vie commune »
Un sacré questionnement pour ce saut dans l’inconnu que représente un mariage, une vie de couple avec les mutations que sont la fin de la passion des débuts, les difficultés de la vie à deux
« Avec qui d’autre aussi longtemps partager les sanitaires, bruits odeurs et rituels de nos corps sans cesse à proximité ? »
Les disputes, les réconciliations, l’usure du quotidien, l’amour profond, la confiance, les enfants, bref tout ce qui fait le sel et le poivre d’une vie de couple.
Tout au long de ce recueil d’aphorismes, je me regarde, pardon, je nous regarde, mon mari et moi, dans le miroir des mots, des phrases d’Elisabeth Jacquet.
Théorème mathématique à méditer
"Ainsi sommes-nous chacun la somme de ce que nous sommes l'un avec, pour, contre, indépendamment mais jamais vraiment sans l'autre."
Une petite exploration conjugale lue d’une traite, dont j’apprécie, maintenant, de picorer ça et là quelques phrases.
Un ravissement charmant, mutin, sérieux, fin, Elisabeth Jacquet joue avec les mots pour mon plus grand plaisir tout en s’interrogeant, et m’interrogeant de ce fait, sur cette union.
« Finalement où, dans quel monde, selon quels plans et pour combien de temps mon mari et moi sonnes-nous mariés ?
Une ode drôle, fine, un brin décalée au mariage
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