Quand deux soeurs racontent l'histoire hors du commun de leur arrière-grand-mère...
Quand deux soeurs racontent l'histoire hors du commun de leur arrière-grand-mère...
https://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2017/08/gabriele-danne-et-claire-berest.html
Anne et Claire Berest ont écrit ensemble ce récit sur la vie de leur arrière-grand-mère maternelle Gabriël. Née en 1881 et décédée en 1985 à l'âge de 104 ans, c'est une femme qu'elles n'ont pas connue, on comprendra pourquoi au fil du récit....
Gabriël Buffet, révoltée depuis le plus jeune âge, est devenue une jeune femme indépendante et libre. Elle parvient à intégrer la classe de composition d'une école de musique, un domaine inaccessible aux femmes à cette époque. Pressée par ses parents de prendre un mari alors que les hommes ne l'intéressent pas, elle part à Berlin en 1906 sans l'accord de ses parents pour échapper au mariage, elle y poursuit ses études de musique et évolue dans le milieu de l'avant-garde musicale.
En 1908 elle rencontre Francis Picabia, un jeune homme flamboyant d'origine espagnole issu d'une aristocratie fortunée. C'est un peintre impressionniste déjà renommé, lassé de ce courant il veut peindre non pas ce qu'il voit mais ce qu'il a dans la tête. Gabriël et Francis se retrouvent dans leur conception de l'art. La carrière musicale de Gabriël prend alors fin car elle se met au service "non de son mari mais d'une révolution artistique" et devient son éminence grise pour l'aider à changer sa façon de peindre. Gabriël a séduit Francis par son intelligence, une véritable communauté de pensée les lie, leur connivence est plus intellectuelle que physique.
Francis est galvanisé et inspiré par les conversations avec Gabriël qui devient sa femme en 1909 mais celle-ci comprend rapidement que les phases euphoriques et les phases de mélancolie de son mari cachent une maladie que l'usage de l'opium n'arrange pas. Le concept de maladie maniaco-dépressive n'est pas encore connu mais c'est bien de cela dont souffre Francis. Créatrice elle aussi, Gabriël a composé pendant ses dix années d'études mais il n'en reste rien à ce jour, peut-être a-t-elle brulé ses partitions ?
"Elle déplace des montagnes pour les autres mais il lui manque la force de pousser une porte pour elle-même". Sous son influence Picabia peint, selon l'avis de certains historiens, la première oeuvre abstraite de l'histoire de l'art avant Picasso. Il devient un des fers de lance du cubisme mais peine à se faire reconnaître jusqu'à une fameuse exposition à New York en 1913 où, là encore, Gabriel joue un rôle déterminant. Le couple va former un trio avec Marcel Duchamp pour qui Gabriël devient une muse, Guillaume Apollinaire vient se joindre ensuite à eux, tous vivent une période de fureur créatrice.
Ce couple a des enfants, leur premier nait en janvier 1910 mais Gabriël aussi bien que Francis ne leur manifesteront que de l'indifférence, pour eux seul l'art compte...
Avec cette biographie Anne et Claire Berest nous offrent une belle traversée d'un siècle, on croise Edmond Rostand, Picasso le rival de Picabia, Miro, le Douanier Rousseau, Apollinaire... La bande à Bonnot, le naufrage du Titanic, les débuts de l'automobile et de l'aviation traversent ce récit qui nous plonge dans le milieu bien particulier des artistes et de l'art en général.
La personnalité et le destin hors du commun de leur arrière-grand-mère valaient largement qu'Anne et Claire Berest lui consacrent cet ouvrage. Gabriël, indépendante d'esprit, charismatique, moderne, libre et très cultivée a bousculé les conventions et le couple qu'elle a formé avec Francis était bien atypique. Lui collectionnait voitures et femmes mais avait sans cesse besoin d'elle. Elle, seule femme dans un monde d'hommes, participait à la préparation des expositions mais s'effaçait dès le vernissage... Leur manière de vivre relevait d'un bel anti conformisme et pouvait être qualifié de transgressif et sulfureux. Par contre j'ai été surprise par l'apparente soumission de cette femme au caractère pourtant bien trempé.
Anne et Claire Berest disent n'avoir rien inventé car la vie de Gabriël était déjà un roman. S'appuyant sur des ouvrages d'histoire, des archives et des entretiens, ce gigantesque travail de recherche leur a pris trois ans. Écrit à deux, ce récit présente une belle unité, il est très fluide car elles ont "tressé leurs mots les uns avec les autres" pour ne s'exprimer qu'avec une seule voix et ont eu la bonne idée d'insérer de temps en temps des photos. C'est une expérience d'écriture parfaitement bien réussie...
Parfois elles utilisent le "nous" ou s'adressent l'une à l'autre pour partager leurs interrogations "Plus on apprend des choses sur eux, plus notre ignorance d'autrefois m'apparaît bizarre"
Les deux sœurs ont bien atteint l'objectif qu'elles s'étaient donné : réhabiliter Gabriël, elle qui s'était effacée de façon de volontaire. "Effacer son effacement ".
J'ai trouvé ce livre passionnant de bout en bout...
Le roman s'ouvre sur Alma, une jeune femme 30 ans, qui se réveille aux urgences psychiatriques de Bellevue sans savoir comment elle s'est retrouvée là. Elle va essayer de se souvenir des 48h qui ont précédé son internement.
En couple depuis 5 ans avec Paul, Alma est une jeune femme écrivain qui donne des cours et occupe un emploi de serveuse pour survivre.
Alma se souvient qu'elle s'est réveillée le 4 juin, matin de ses 30 ans en trouvant tout ce qui l'entoure complètement étranger, comme spectatrice de sa propre vie. La veille, une attaque de panique l'avait déjà submergée. Ce jour anniversaire de ses 30 ans va devenir le jour d'un véritable pétage de plombs.
Elle détruit l'ordinateur de son compagnon "je détruis pour détruire", se rend à un rendez-vous professionnel avec le célèbre écrivain Thomas B, jeune éditeur - auteur en vue puis entame une errance pendant laquelle elle succombe à toutes ses pulsions, dépense tout son argent en alcool et hôtel de luxe, passe de bar en bar... Elle se rend compte de l'absurdité de sa conduite mais continue à agir par impulsion."Heureuse d'être dominée par une autre, qui se retrouve aux commandes. Je ne suis plus Alma, ou alors je suis complètement Alma, enfin."
La peur du cap de la trentaine, âge où l’on est "jeune et vieille en même temps", l'insatisfaction de sa relation de couple, un certain milieu littéraire qu'elle veut fuir, une rencontre avec Thomas B. et Alma va se laisser envahir par de puissantes pulsions destructrices, tout va basculer très vite…
Ce roman est captivant, on ne peut pas le lâcher car on a très envie de savoir ce qui arrive à Alma, de tenter de la comprendre...
Le récit est fait d'alternance de chapitres à l'écriture et aux rythmes complètement différents. Une écriture vive, oppressante, crue parfois dérangeante dans les chapitres relatant sa dérive pendant deux jours et une écriture lente et calme dans ceux où elle décrit l'univers qui l'entoure aux urgences psychiatriques.
Un roman saisissant et dense qui se lit d'une traite.
http://leslivresdejoelle.blogspot.fr/2016/04/bellevue-de-claire-berest.html
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2016/02/07/33332370.html
J'ai toujours imaginé que chacun possède une fenêtre dans la tête, une fenêtre avec vue, mais hermétiquement fermée. Sa seule présence est décisive, car son existence contient de l'autre côté la folie, qui reste alors une idée et un fantasme. Son scellement est le garde-fou indispensable à la normalité. La tenir bien close permet que s'accomplissent les tâches et les plaisirs, et qu'on s'accommode des petites trahisons que coud sur les êtres la fréquentation du quotidien. Il est rassurant qu'elle soit là, car elle rappelle qu'elle peut être ouverte, et même pulvérisée. Elle peut aussi rester fermée, inviter à la simple contemplation. La fenêtre offre alors une vue possible, une vue alternative. Qu'elle soit là, c'est avoir le choix. Ouvrir, ne pas ouvrir. »
Alma se réveille à Bellevue, un hôpital psychiatrique, alors que deux jours plus tôt,, elle fêtait ses trente ans.
Qu'est-ce qui a pu se passer pendant ces 24h ?
Alma semblait mener une vie tranquille et confortable mais à l'approche de ses trente ans, elle se rend compte que rien ne va plus : la peur de vieillir, la galère pour écrire son prochain roman, une vie conjugale avec son mari Paul qui ne l'épanouit plus, une veille amitié amoureuse avec Augustin qui la perturbe...
Ce 4 juin au soir, elle décide de se rendre à une soirée huppée au lieu d'aller à sa fête d'anniversaire. Elle y rencontre Thomas B., un écrivain qui lui propose un contrat d'édition. Cette rencontre est l'événement qui fait basculer Alma dans la folie, le délire autodestructeur : mutilations, nymphomanie, errances...
Le récit alterne entre le description de cette fameuse soirée du 4 juin et son lendemain et des scènes dans l'hôpital psychiatrique. Claire Berest bouscule son lecteur, le maintient en apnée permanent grâce à une écriture vive, intelligente et un style très direct. On referme le livre à bout de souffle, un peu sonné. Une bien belle réussite et qui amène à réfléchir au sens de sa vie quand on franchit une nouvelle décennie : qu'avons-nous fait qui mérite d'être poursuivi ?
Dès la première phrase du livre nous sommes plongés dans l'ambiance d'une écriture sans fard qui remue !
Tout du long c'est brut de décoffrage, sans fioriture.
Et plus on tourne les pages, plus on plonge avec l'héroïne...
C'est un livre qui bouscule.
Parce que les descriptions, la dissection psychologique sont telles qu'elles ne peuvent que perturber.
Et tout ce qui ne laisse pas indifférent est grisant. Addictif même...
L'auteur nous fait rentrer dans la tête d'Alma d'une manière flippante.
En même temps, c'est terriblement jouissif.
La vie d'une femme de 30 ans.
L'image qu'elle a d'elle (et des autres).
L'engagement.
La vie de couple.
La liberté.
La fuite.
Le sexe.
L'héroïne est happée par une violence irrésistible à laquelle elle ne peut échapper...
Si l'auteur n'a pas vécu ce qu'elle décrit, sincèrement je ne sais pas comment elle a fait pour rendre ces lignes plus vraies que nature.
L'écriture est remarquable qui plus est.
La construction du livre est intéressante et rythmée : elle alterne l'hôpital psychiatrique et les deux jours précédents où tout a basculé.
Plusieurs jours après, l'histoire est toujours très présente dans ma tête.
Elle m'a profondément marquée et m'a donnée envie de découvrir les autres livres écrits par l'écrivain.
J'ai pris beaucoup de notes en le lisant. Notamment ceci (juste un p'tit conseil) : Messieurs, n'oubliez jamais de descendre la poubelle lorsque votre compagne ou votre femme vous le demande... ;)
Ma chronique complète sur http://www.arthemiss.com/bellevue-de-claire-berest/
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