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M. César Aira, célèbre romancier argentin (Prix Formentor 2021), nous offre avec « Prins » une merveille de roman, follement imaginatif et décalé.
Le titre se réfère à Arturo Prins, un architecte argentin. En 1909, il est chargé de réaliser la conception de la Faculté d'ingénierie de Buenos Aires. La mode étant au bâtiment gothique, il se lance dans un projet démesuré, une espèce de cathédrale folle avec une tour de plus de 120 mètres. Faute d’argent, le projet n’ira pas à son terme. Il meurt en 1939, et la légende prétend qu'il s'est suicidé car il se serait aperçu d’erreur de calculs. Reste un bâtiment fou et inachevé, avenida Las Heras à Buenos Aires, près du cimetière de Recoleta.
Le roman est à l’image de cette histoire : complètement barré. Le narrateur en est un écrivain, lassé d’écrire des romans gothiques à la chaîne, car sans la moindre qualité littéraire. Il n’en peut plus des châteaux isolés, des damoiselles en détresse, des fantômes errants, et autres clichés du genre. Il décide donc d'arrêter. Et de se trouver un nouveau but dans la vie. Son choix, complètement loufoque, sera de se mettre le plus sérieusement du monde à l’opium. Vous voyez poindre ici l'absurde, et vous n’avez pas tort, le reste sera à l’avenant. On est dès lors embarqué dans un récit rempli des influences du réalisme magique sud-américain, où l’on croisera l’Hermine, un SDF auquel on ne peut poser qu’une seule question, l’Huissier, un dealer qui conduit une antique voiture et qui a d’ailleurs passé une partie de sa vie perdu dans l’Antiquité, ou encore une bande de malfaiteurs dont le mode opératoire s’inspire du roman gothique.
Au-delà de cette trame narrative riche, le style et l’inventivité de la langue sont à saluer. L’ensemble de ce roman explore bon nombre de possibilités, on navigue entre plusieurs époques, on se perd entre plusieurs personnages féminin tous nommés Alicia, comme on se perd dans les méandres de l’immense demeure gothique et tarabiscotée du narrateur. Le tout étant également rempli de trouvailles drolatiques, à l’image de l’incessante fantaisie qui nous emmène à l’orée du rêve, un peu comme si l’on abusait comme le narrateur d’une drogue modifiant notre perception de la réalité. Réalité qui n’est pas non plus oubliée ou mise à l’écart. La ville de Buenos Aires est très présente, ses quartiers, ses habitants, ses problèmes économiques ou sociaux, font aussi partie de cette expérience romanesque jouissive.
Bref, je vous invite à vous perdre au plus vite dans les méandres gothiques de « Prins », pour ma part je ne manquerai de continuer à parcourir l’œuvre du grand César Aira.
Colón, Panamá, 1923.
Au début, nous avons Varamo, 50 ans, vieux garçon, obscur petit fonctionnaire dans un ministère quelconque. C'est jour de paie, mais à la banque on lui verse son salaire en faux billets. Il n'ose rien dire, persuadé de s'attirer des ennuis inextricables s'il faisait mine de se plaindre.
A la fin, douze heures plus tard, Varamo, qui n'avait jamais songé à la littérature et encore moins à l'écriture, a écrit un texte, d'une seule traite, qui sera bientôt, et pour les siècles des siècles, considéré comme un chef-d'oeuvre de la poésie d'Amérique centrale.
Entre ces deux événements, un enchaînement de causes et d'effets absurde et délirant, où l'on observe Varamo se tracasser à cause de sa fausse monnaie, acheter un bonbon au marché, rentrer chez lui et s'occuper de sa mère et de taxidermie (sans qu'il soit pour autant question d'empailler celle-ci, hein), jouer aux dominos tout seul, aller au café comme tous les soirs et en route entendre des voix, assister à une course de voitures improvisée puis à un accident peut-être pas si accidentel, faire la connaissance de vieilles dames malicieuses puis de trois messieurs commerçant dans l'édition.
Soit 130 pages où les péripéties d'une journée expliquent la création d'un chef-d'oeuvre. A moins que ce ne soit ledit chef-d'oeuvre qui reconstruise rétrospectivement ces petits événements, anodins et isolés, en une chaîne extravagante de coïncidences ? Quoi qu'il en soit, l'oeuf ou la poule, le serpent qui se mord la queue, causes et conséquences n'existeraient pas les unes sans les autres.
Je ne suis pas certaine d'avoir tout bien compris, mais Varamo, à travers la trajectoire d'un illustre inconnu devenant du jour au lendemain un auteur culte, propose une réflexion ironique et décalée sur la création littéraire, émaillée de réalisme magique, d'humour et d'originalité.
Pour échapper à la tyrannie de son épouse, un homme (ordinaire) vend son âme au diable et choisit de devenir roi ; la narratrice est la "petite fille de sept ans", sa fille, qui lui voue une admiration sans égal et qui va entreprendre avec lui un voyage à travers son royaume magique, à la recherche... de son âme de petite fille, subtilisée lors d'un rapt. Dans ce pays de contes de fées, l'art poétique de César Aira se déploie comme un ciel aux millions de lunes.
Un roman qui n'en est pas un ; une fable plutôt, qui a pour cadre un quartier très animé de Buenos Aires; deux punkettes abordent une jeune fille d'apparence très ordinaire ; ici commence un colloque sentimental qui renverse toutes les valeurs communément admises, jusqu'à la scène finale, potlatch hallucinatoire dont la violence extrême ne cache pas le sens "philosophique".
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