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Les Vilaines, le premier roman de Camila Sosa Villada, autrice argentine, a été un succès lors de sa sortie en janvier 2021 aux éditions Métailié. Ne l’ayant pas lu, mais très motivée par l’emballement dont il fut l’objet, j’ai choisi de partir à la découverte de ce second roman, qui paraît à l’occasion de cette rentrée littéraire 2024. Le personnage principal est une actrice trans, dont nous ne saurons jamais le nom et toujours nommée sous les dénominations de la comédienne ou la trans, que l’on suit depuis sa sortie de scène jusqu’au drame qui clôt le roman, .
Tout démarre au théâtre ou la trans vient de finir de jouer la pièce de Jean Cocteau La voix humaine, met en scène qu’un seul personnage, une femme au téléphone, dont elle tient le rôle principal. C’est une comédienne déjà bien installée sur la scène argentine, une femme qui fait et assume ses choix depuis qu’elle s’est découvert femme et qu’elle l’assume. Une femme avec un caractère, il en faut pour tenir bon devant les attaques dont est victime la population transgenre, qui joue de sa féminité, et joue de sa sexualité autant qu’elle le peut, autant qu’elle le veut. Mais une trans rongée de questions, une vie de mélodrames, qui se débat dans ses questionnements existentialistes, embourbée dans ses doutes, d’une forme d’instabilité résultant de son enfance chaotique. C’est une diva, sûre d’elle et de ses choix, qui joue ses drames sur scènes, comme dans sa vie privée avec son mari, l’avocat, et son fils, adopté.
On suit les errances de la comédienne trans depuis la scène jusqu’à sa vie de couple et familiale, ses flash-back consacrés à certains épisodes de son passé, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas de tout repos : c’est une femme torturée, non pas par son identité revendiquée et assumée, elle est une comédienne respectée, adulée et désirée. On, le lecteur, essaie de faire du tri dans la confusion de l’esprit béant et torturé de la femme, qui s’en va retourner aux sources familiales, au commencement du chaos.
C’est un personnage complexe, et tourmenté, que l’on suit d’abord par sa posture de transsexuelle, une femme qui a encore ses attributs d’hommes, un être qui vogue encore entre deux identités, avec ce pénis omniprésent qui la retient encore quelque part dans une partie de sa vie, de son être qu’elle rejette, et qu’elle a tout fait pour laisser derrière elle. Un être démonté pièce par pièce par une écriture très vive et franche, où la vulnérabilité du personnage laisse sans cesse place à une vivacité d’esprit, une causticité, qui cache tout au fond un désespoir latent. Ce qui est déroutant, c’est la présence de ce narrateur ou narratrice, qui parle d’elle, comme s’il était un personnage à part entière, comme un double de la trans qui parle d’elle avec un certain recul. Comme un reflet à cette dualité qui caractérise le personnage, scindé en deux, celle qui vit et agit, celle ou celui qui regarde, commente. Un personnage plein de contradiction, qui essaie de sortir de la cellule familiale et pulvérisée autour de laquelle elle a survécu, composée de cellules toutes métastasées, d’une mère égocentrée, d’un père qui préfère le demi-frère, celui-là même qui désire âprement la femme qu’elle est devenue. Une trans en recherche d’une certaine sérénité, dans la propre cellule qu’elle s’est composée, unique en son genre, mais qui a le mérite de lui donner le rôle de sa vie, la place que personne ne peut plus lui enlever.
Histoire d’une domestication, c’est l’apprentissage de la vie d’une famille, à trois, unie et amante, fonctionnelle malgré le schéma que l’on pourrait caractériser de hors norme s’il fallait se réduire à mettre des gens dans des cases. C’est un roman décapant dans la mesure où il vous entraîne justement au milieu de la construction épineuse d’une famille, où chacun est issu d’une minorité persécutée, l’enfant porteur du HIV, et doublement orphelin n’est pas en reste. J’aime les histoires qui me bousculent un peu, beaucoup, j’aime l’ouverture d’esprit des Éditions Métailié, qui mettent en avant pour leur rentrée littéraire un roman tout sauf classique, qui heurtera surement les conservateurs rétrogrades et intolérants. Et je pense que l’on a encore du chemin à faire ici en France par rapport au pays sud-américain.
Récit poignant, violent et magnifique de quotidiens partagés et esseulés de prostituées trans en Argentine. L'écriture est très belle, expressionniste.
Est-ce un roman, un manifeste poétique, un témoignage ? Est-ce un tout, dessillant nos yeux cis privilégiés ? Oui c'est un tout, c'est un cri, une demande d'amour, de respect.
C'est aussi un chant de liberté, de beauté. C'est un plongeon dans l'absurde aussi, il faut s'y laisser couler, s'absorber, accepter de ne pas tout comprendre, infuser ce texte et remercier son autrice d'autant de beauté.
"La végétation a tellement progressé que, depuis la cour, elle s'étend jusqu'au toit de la maison et descend à présent sur la façade, tel un épais manteau de feuilles qui ne laisse presque pas passer la lumière, ou alors tout juste pour écrire un peu de poésie."
Cette dernière lecture de l’année 2022 m’a enchantée, ou plutôt…transportée ! Depuis sa sortie chez Métailié en 2021, la blogosphère bruissait d’émotion et d’éloges pour ce roman de Camila Sosa Villada, actrice, chanteuse et, avec ce premier texte, autrice argentine. Transgenre, forte d’études en communication sociale et art dramatique, elle a connu les affres de nombreux petits boulots, entre prostitution et vente à la sauvette, offrant à ses « Vilaines » toute la force et l’épaisseur d’un réalisme puisé à la source. Roman transfrontalier, Les Vilaines nous ouvre les allées du Parc Sarmiento de Cordoba et les portes de la pension de Tante Encarna où évolue la troupe bigarrée, nocturne et solidaire de ces êtres suspendus entre douleur et flamboyance. Face à l’intransigeance de la réalité et de leurs contemporains, elles avancent en rang serré, transgressant les règles, transcendant leurs rêves, transfigurant leur vie et leur sexe à grands coups de mascara, de perruques et de talons vertigineux. Papillons de nuit, elles se brûlent à la lumière du jour qui les contraint, parfois, à retrouver leur chrysalide étroite et étouffante de garçon moqué, bousculé, inassumé et les force, souvent, à se colleter avec une réalité douloureuse et sans joie.
Camila Sosa Villada ne se contente pas de proposer avec Les Vilaines un roman original aux personnages attachants, évoluant dans un univers surprenant, offrant des anecdotes toutes plus folles et plus bouleversantes les unes que les autres, elles construit un monde d’une poésie et d’une sensibilité renversantes dans une langue d’une beauté à couper le souffle (remerciements et vénération à la traductrice, Laura Alcoba !) , s’appuyant sur une réalité crue et cruelle pour mieux s’élever vers la lumière. Je ne saurais trop remercier le Prix du Meilleur Roman Points de m’avoir fait découvrir cette merveille….et vous recommander de vous jeter dessus !
Au parc Sarmiento, à Córdoba, Argentine, la nuit.
Elles sont nées dans un corps d’homme, elles sont transsexuelles, et prostituées.
Dès l’enfance, elles ont été raillées, moquées, méprisées, maltraitées. Rejetées.
Par les gamins de leur âge, par leur famille, à cause de leur différence, de leur « monstruosité », comme disent certains.
Alors elles ont fui leur environnement et trouvé refuge dans le giron plantureux de Tante Encarna, figure maternelle et fédératrice de ces oisillons tombés d’un nid trop étriqué et intolérant.
Au parc Sarmiento, la nuit, elles travaillent, vendent leur corps et leur âme.
Conscientes des dangers, de la cruauté des hommes et de la police, elles veillent, se protègent et parfois se sauvent les unes les autres.
« Etre trans est une fête », clament-elles, arrogantes, à la face du Destin et du monde. Et parfois elles font vraiment la fête, s’amusent comme des gamines, oublient leur drame et la violence dans la danse, l’alcool ou la drogue ; parfois même dans l’amour – le Vrai. Mais parfois la fête se termine mal, il y a le sida, les agressions, les overdoses, le désespoir.
C’est cet univers trouble que nous dévoile Camila Sosa Villada, elle-même ancienne prostituée, dans ce récit (sans doute en partie autobiographique), qui prend des allures de conte parfois féerique parfois horrifique, imprégné de réalisme magique.
C’est aussi un cri de rage, un manifeste, une tribune, un portrait, un chœur, un hommage, un chant d’amour douloureux et solitaire. C’est cru, c’est trash, furieux, sordide, digne, sensible, flamboyant, lumineux, sensuel, passionné, puissant. Entre joie et souffrance, tendresse et âpreté, c’est une histoire de sororité bourrée d’authenticité et d’humanité.
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