Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Hanta travaille depuis 35 ans dans un sous-sol a compacter les vieux papiers et les livres proscrits par le régime politique. Sous sa presse hydraulique il écrase la culture. Hormis la compagnie de quelques souris, il est le plus souvent seul dans sa cave. Il maitrise l’art de la destruction et la joie de la dévastation mais il est devenu un broyeur raffiné et cultivé. Il sauve des textes de la mâchoire de la machine. Son petit appartement est rempli jusqu'aux combles de tonnes d’ouvrages qu'il a protégé de la réduction en pâte à papier, au point que les étagères qu'il a construites au-dessus de son lit risquent à tout moment de lâcher et de l’enterrer.
Le monde de Hantá est une Prague communiste en ruine. Hrabal combine des descriptions lyriques des plaisirs et de la nécessité de la lecture, avec des passages surréalistes dans lesquels Hantá interagit avec les personnages des livres. C'est une œuvre au style fou, à la syntaxe parfaite.
Hrabal transcende la simple mise en accusation d'un régime en puisant dans les joies universelles et transcendantes des livres et de l'art. Quand la lecture et l’engagement intellectuel ne sont plus valorisés, l’auteur pointe du doigt les dangers de déshumanisation.
1945 Tchécoslovaquie
Miloš est stagiaire dans une petite gare pendant l'occupation nazie , lors de la Seconde Guerre mondiale en passe d'être gagnée par les Alliés. Mal dans sa peau, trop timide, il ne parvient pas à "conclure" avec la jeune et jolie contrôleuse qui travaille avec lui et qui pourtant semble peu farouche. A la suite de cet échec, désespéré de ne pouvoir prouver sa virilité à cause de son éjaculation précoce (l'expression "flétri comme un lys" m'a fait sourire!), il tente de s'ouvrir les veines. Un petit roman bien écrit dans lequel les personnages sont tous plus fous et incontrôlables les uns que les autres et où l'humour côtoie parfois l'absurde pour notre plus grand plaisir.
Auteur d'une oeuvre conséquente, Bohumil Hrabal a été interdit de publication dans son pays, contraint de publier en Samizdat (j'apprends, donc, qu'il s'agissait d'un réseau clandestin, évidemment, permettant de faire circuler les ouvrages interdits au sein du bloc soviétique), du fait que deux de ses livres se sont même retrouvés au pilon en 1970. Il existe d'ailleurs trois versions de ce texte, nous explique Václav Jamek, auteur de langue française et tchèque, et préfacier de mon édition, modelées selon les pressions idéologiques exercées par les pouvoir.
Au centre de l'intrigue, la destruction de livres. Pourquoi cette infamie? Comment donc? Telle fut ma réaction première au résumé de la quatrième de couverture. On brûle les livres, depuis longtemps, c'est chose connue, les autodafés ont toujours été un moyen d'oppression des populations, encore aujourd'hui. Des auteurs, insatisfaits, mécontents, impétueux, ont même procédé à des autodafés de leurs propres livres, je pense à Gogol avec la deuxième partie de ses Âmes mortes et à Boulgakov ayant mis au feu les deux premières versions de son chef-d'oeuvre le maître et Marguerite. L'historien Suisse Christophe Vuilleumier, sur son blog, évoque même le terme de mémoricide continuel. Plus récemment, me dit Wikipedia, l'Etat Islamique a brûlé près de 2 000 livres à Mossoul, en Irak, tandis qu'en Pologne, en 2015, des prêtes catholiques ont brûlé des Harry Potter et autres Twilight.
Mais dans le cas des autodafés, le livre est écrasé, non pas brûlé. Cette différence est, il me semble essentielle, surtout en ce qui concerne sa valeur symbolique. Car si l'on brûlait, et que l'on continue à brûler des livres, c'est bien parce qu'on a peur de ce qu'ils contiennent, et de la manière dont ils peuvent influencer leurs lecteurs. Leur passage sous la presse ici, bien au contraire, fait d'eux des objets totalement inutiles et encombrants, qui ne représente de menace pour personne. Non seulement, il ne fait plus peur mais on s'en fiche totalement. Mieux encore, il ne sert même plus à caler les portes.
Hanta écrase les livres, condamnés à périr, parce qu'ils ont été oubliés, parce qu'ils ne servent plus à personne, c'est son métier, son gagne-pain. C'est un bourreau de livres, qu'il décime, par dizaine, par centaine, il écrase, aplatit, broie, compresse, tout ce qui est papiers et encres. Et pourtant, il les adore les livres, et c'est là toute l'ambivalence de sa situation. Il aime la littérature, il se délecte de belles tournures de phrases, il est la mémoire vivante qui face à la destruction de leur matière parle de leur âme. En effet, qui d'autre que lui, à travers son amour de la langue, de la perfection littéraire, lui le mieux en placé pour en connaître leur valeur. À cet égard, l'incipit est un joyau de poésie, dans la lignée du reste du texte d'ailleurs, vous le retrouverez en extrait plus-bas. La langue de l'auteur est d'une délicatesse et d'une poésie rare, un trésor de finesse, c'est une des premières choses qui m'ait frappé à la lecture de ce roman. C'est une langue très imagée et qui possède une force évocatrice sans pareil. Mais les points forts du texte sont loin de se résumer qu'à cela.
Hanta, à force de ces trente-cinq années, est devenu ce qu'il écrase, livres, pages déchiquetées, lettres morcelées. Hanta destructeur oui, mais créateur aussi, ce roman célèbre ainsi le livre, sa vie, sa puissance créatrice, qui n'a d'autres moyen d'être détruit qu'à travers la force de la presse hydraulique. Il y a ces livres, les élus, qui survivent même grâce à Hanta et sa mémoire, gardien féroce dont lui seul détient le secret. Célébration des belles-lettres, en tant que pouvoir créateur, mais aussi pouvoir modeleur, sculpteur d'une langue précieuse, d'un monde poétique unique, créateur du Beau. Mais c'est aussi, dans le même temps, une célébration de la lecture, et du lecteur, qui se nourrit, au sens littéral, des lignes que ses yeux devinent, des pages que son esprit décode, des chapitres que son cerveau dévore. J'y ai goûté, j'ai apprécié et savouré cette langue délicate au service de cet amour de la littérature. C'est un amour qui prend d'autres dimensions, il transcende vie humaine, il est au-dessus de tout, il est Dieu. Et c'est la religion de l'auteur. Lui, il extermine et il sauve, les meilleurs d'entre eux. Qu'il garde compulsivement chez lui, essayant d'étouffer la solitude pesante dans laquelle il s'est enfoncée d'année en année, un peu plus profondément. Ces livres qui remplacent les individus, sa société à lui. Pour tenter de palier à cette solitude si encombrante, il les collectionne, les entasse, les presse en des piles babyloniennes qui n'en finissent plus. Bourreau des livres, il subit lui-même le massacre orchestré de la bibliothèque de Prusse, mais il subit autant qu'il agit et il a bien du mal à comprendre leur destruction, même s'il en est l'instrument. Un carnage qui n'est pas sans rappeler un autre massacre, celui de l'holocauste, Vaclav Jamek ne manque pas d'établir le parallèle.
Tragédie du lecteur, drame d'une société qui n'a plus guère de considération pour ces livres, la vie de Hanka au sein de sa cave tourne peu à peu au délire, les personnages de ces précieux livres prennent vie, Jésus; Lao Tseu accompagnent Hanta, avec l'aide capiteuse des cruches de bière. Puisque au fond, c'est l'histoire tragique de la solitude d'un homme, qui ne peut que nous toucher, isolée et qui assiste à la mort des rares membres de sa famille, sa mère, puis son oncle, qui s'est tellement laissée envahi par le silence qu'il en vient à donner vie à des personnages fictifs ou morts. Un sentiment individuel fondu au milieu de l'universalité composée de ses livres. le témoignage émouvant d'un homme qui sombre peu à peu dans la folie, raconté par une écriture vive, alerte, prompte qui n'a de cesse de combler tous les v ides, de combler cette solitude oppressante.
Un homme déconnecté, incapable de s'adapter à la modernisation, lui-même compressé par un système qui n'a cure de l'individu au profit de l'efficacité et du rendement. La symbiose avec les livres devient parfaite pour son plus grand malheur. C'est un livre d'une riche incroyable, qui pourrait donner lieux à de longues exégèses, sur la place du livre dans cette société ou le temps est devenu monnayable, la disparition de la culture, les digressions philosophiques sur la vision sociale et humaine de Hanka, la destruction en masse, des livres, des hommes.
« Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier… » C’est ainsi que commence chaque chapitre. Hanta est Sisyphe, le papier son rocher. Inlassablement, il travaille au pilon. Bouton rouge, bouton vert, la machine infernale compresse sans distinguer les œuvres des philosophes et les emballages souillés de sang du boucher. Faut-il y voir un funeste avertissement ? Penseur ou bête de somme, il n’y a qu’une fin possible. Hanta n’est pas le bourreau des lettres et des idées. Il en est le sauveur, prélevant ici les beaux ouvrages, sauvant là les chefs d’œuvres oubliés. Il ne peut se résoudre à leur disparition quitte à transformer sa demeure en un dédale de papier et de poussière. C’est un équarisseur éclairé qui ne peut pas faire abstraction de ce qu’il détruit, ne manquant jamais de nous livrer ses réflexions (« il restera à l’homme juste assez de phosphore pour fabriquer des boites d’allumettes et juste assez de fer pour forger le clou d’un pendu ») ou de comparer les figures de l’histoire, avec une saine irrévérence (« Jésus était toujours en proie à une suave extase et Lao-Tseu, plongé dans une mélancolie profonde »). C’est un livre qui se lit vite mais se réfléchit au long cours, parce que l histoire de ce taulier amoureux d’une tzigane cache beaucoup de thèmes importants : l’absurdité du système socialiste, la critique du modernisme, le devoir de mémoire et l’holocauste, entre massacre des souris (inspiration d’Art Spiegelman ?) et suppression cathartique de tous les ouvrages (réponse à l’autodafé) contemporains de l’occupation nazie.
Bilan :
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