Un premier roman époustouflant de maîtrise et d'originalité
Un premier roman époustouflant de maîtrise et d'originalité
Bénédicte Dupré La Tour propose son premier roman publié, pas le premier écrit, : Terres Promises est une immersion dans l’univers du western pour raconter toutes sortes invasions.
En suivant sept personnages interconnectés, Bénédicte Dupré La Tour déconstruit le mythe du western. Elle débute avec la découverte de nouveaux territoires, mais met en évidence la persistance de la violence subie par chacun et la désillusion de leur rêve d’une vie meilleure.
« Terres Promises » est un roman choral, noir et social, intense et étouffant tant aucun espoir dans ce monde n’est possible.
Et ce ne sont pas les interventions d’Eliott Burns entre chaque chapitre qui montreront l’inverse, Dès les premières lignes, il annonce dans la forme épistolaire, qu’il sera pendu et que déserter c’est trahir !
Démystification
Dans ce roman, Bénédicte Dupré Latour décrit en une cinquantaine de pages chacun de ses personnages, racontant son espoir, sa période souvent illuminée et sa chute désastreuse. Sept personnages qui s’abîment sur cette terre portant tous les espoirs. Le message est pessimiste car comment penser être autre ailleurs, lorsqu’on est toujours soi-même !
La violence est omniprésente, dense et crue. Elle cloue le lecteur après chaque présentation de personnage l’obligeant à reprendre son souffle. Elle n’est absolument pas genrée. Les femmes sont étonnantes de hargne, de déchaînement et d’excès. En passant, Bénédicte Dupré La Tour égratigne le mariage, l’amour conjugal, bref souvent les mœurs des hommes.
La beauté des paysages est somptueusement décrite accompagnée de sortes de ralentis, étonnants de présences et de réalités sur l’univers de ce western imaginaire. Bénédicte Dupré La Tour souligne qu’elle n’a pris aucune documentation, fait aucune recherche. Tout procède de son imaginaire abreuvé des films de cet âge d’or Hollywoodien. Au fil des pages, le lecteur pense reconnaître une scène tant son écriture est cinématographique.
Sœur jumelle de Florence, dessinatrice de bande dessinée, Bénédicte Dupré La Tour présente les oubliés de la conquête de l’ouest. Le roman Terres Promises est brutal, sauvage et sanglant, comme rarement ont été présentés les westerns. Une démystification d’actualité !
Chronique illustrée ici
https://vagabondageautourdesoi.com/2024/11/25/benedicte-dupre-la-tour-terres-promise/
Ils ont parcouru les mêmes territoires, ou croisé les mêmes compagnons de lutte. S’ils ont l’opportunité de régner sur un chapitre, on les retournera au décor du discours d’un autre héros de cette époque révolue et mythique.
Q’ils se nomment Eleanor, Kinta ou Morgan, ils hantent les lignes de ce roman original qui nous emmènent au pays des orpailleurs à une époque où l’espoir tenait lieu de religion.
La vie y est rude, la sauvagerie est embusquée partout au coeur de ces décors grandioses, et la lutte pour la survie n’est pas une figue de style.
La langue est riche et parfois complexe, l’écriture travaillée, pour mettre en valeur les hommes et les femmes d’un roman de l’aventure qui a guidé ces êtres vers un monde nouveau.
Des romans qui ont pour toile de fond les fondements des Etats-Unis au XIXème - ruée vers l'or, conquête de l'Ouest, guerre contre les Amérindiens – il y a en pléthore, ce qui fait craindre redondances ou ennui poli, au mieux divertissement. C'est donc une magnifique surprise que ce Terres promises renouvelant totalement les tropes du western en lui insufflant un souffle et une puissance qui touchent au sublime.
Le pluriel du titre, alors que l'unité de lieu est respectée, n'est pas gadget. Bénédicte Dupré La Tour opte pour la choralité en donnant la parole à des voix oubliées du Far West. Chaque personnage a son chapitre : des femmes ( prostituée, indienne, fermières épouses de colons ), des hommes ( orpailleur, indiens, révérend ).
Chaque chapitre est une histoire à part entière, tellement bien construite, avec une tension qui monte crescendo, des enjeux qui se précisent, et un dénouement toujours inattendu, souvent cruel, incontestablement saisissant. Il pourrait constituer une nouvelle à part entière, mais l'autrice tisse un réseau de correspondances, d'abord souterrain puis qui éblouit lorsqu'ils apparaissent au grand jour. On se rend compte que chaque histoire intime emmène le lecteur vers une strate plus profonde, plus complexe de ce récit spiralaire dont on comprend toute la puissance au final.
« On ne peut bien aimer le monde que si on en saisit les nuances. Entre le mal et le bien, entre la lumière et l'obscurité, s'étendent toutes les tonalités de la vie. Aux extrémités, il n'y a que la mort, où tout finit par se rejoindre. »
Les personnages se croisent, ou pas, mais leurs histoires se répondent et composent une épopée-fresque mosaïque qui impressionne par l'éventail d'émotions fortes qu'elle déploie entre tragédies grecque, biblique, shakespearienne, guidée par un mystérieux arc narratif épistolaire qui unit le tout avec brio lorsqu'on referme la dernière page.
Aucune histoire n'est faible, ou en-dessous des autres, c'est dire la maîtrise narrative de Bénédicte du Pré La Tour. Disons que mes préférences vont aux histoires de Mary, la fermière, qui part jeune fille sur les routes trouver un mari et une terre, puis devient mère jusqu'à la folie ; et celle de Bloody Horse, l'Indien plein de colère et de rancoeur, qui se met au service des Blancs comme éclaireur.
Au-delà du cadre spatio-temporel, le fil conducteur qui unit tous les personnages est leur quête existentialiste. Il n'est question que des choix que l'on fait, souvent dans une grande solitude avec soi-même, pour devenir ce que l'on veut être, sans forcément de certitudes, mais au moins en sachant ce qu'on ne veut pas ou plus, quitte à se retrouver en marge de sa communauté voire en rupture totale. L'écriture précise et sensorielle dit tout de leurs tourments et de leurs espoirs, au plus près des corps qui subissent ; elle terrasse souvent par la brutalité des destins entrevus et la fulgurance des images convoquées tant dans la poésie que la violence originelle.
Et c'est là que Bénédicte Dupré La Tour frappe très fort. Souvent lorsqu'un roman se passe dans un passé lointain, les auteurs veulent parler de notre monde actuel et plaque au forceps des messages progressistes qui ne sont pas pertinents chronologiquement parlant. Mais là, tout résonne de façon moderne sans aucun anachronisme pour évoquer des thématiques aussi passionnantes que contemporaines ( maternité, exil, immigration, identité, droit à la différence, colonialisme, racisme, féminisme ) en les faisant résonner d'une intensité flamboyante, souvent brutale.
Un coup de coeur qui s'est imposé avec évidence tant il m'a fait vibrer, respirer, trembler, saigner à l'unisson de personnages inoubliables. Un premier roman qui emporte par son éblouissante maîtrise formelle.
L'auteure, le livre (320 pages, 2024) :
Bénédicte Dupré La Tour est née en Argentine mais vit désormais à Lyon : c'est peut-être une nomade sans terre d'attache, tout comme les personnages de son roman.
Ces Terres promises qui sont celles du farouest, celles de la ruée vers l'or, forment son premier roman et une entrée vraiment remarquable dans le monde littéraire.
Encore un coup de coeur de cette rentrée littéraire 2024 décidément riche en bonnes surprises : certainement l'une des plus belles plumes lues cette année (et ce n'est que son premier roman !).
♥♥♥ On aime vraiment beaucoup :
• Les récits de western, les aventures de farouest, on aime ou on n'aime pas. Nous, on n'aime pas trop, soyons clairs.
Mais franchement, ce bouquin là risque bien de vous faire passer le goût d'autre chose.
Bien sûr il y a des indiens et des shérifs, des chariots et des chercheurs d'or, des saloons et des bordels.
Mais tout cela n'est qu'un cadre, un jeu de codes et de couleurs, puisqu'il faut bien une scène, un décor quand il s'agit de jouer la comédie humaine.
Le cow-boy est un vacher, l'indien est un indigène, l'esclave un asservi : c'est certainement là, la recherche d'un peu de la pureté de notre langue mais peut-être aussi la volonté de s'affranchir d'un vocabulaire trop codifié, pour tendre à l'universel car "la nature humaine, cette nature divisée de l'intérieur, était toujours la même, quels que soient la région, le pays, le continent. Invariable dans ses petitesses, persistante dans ses bas appétits, elle apportait, où qu'elle aille, la marque indélébile de sa perte".
• le lecteur tombe très vite sous le charme de la superbe prose de cette auteure : une langue puissante et brute, charnelle et suggestive, intense et vibrante.
Il y a du sang, de la boue, de la vermine, et bien pire encore ... car c'est la langue d'une "terre sombre grouillant de longs vers annelés".
Mais le texte sait rester totalement maîtrisé, entièrement au service du récit, solidement construit.
Le pitch :
Un roman choral (un genre qui plait !) dans lequel chaque long chapitre (l'histoire de Kinta a même été publiée sous forme de nouvelle), chaque chapitre permet à l'auteure de déployer l'un de ses personnages dans une habile spirale temporelle mêlant passé et présent.
Et quels personnages, quelles vies !
Ils sont sept, ils vont certainement se croiser, on ne sait pas encore.
Il y a là Eleanor Dwight, la fille de saloon qui attend son heure.
Il y a là Kinta, la squaw qui veut quitter les hommes de sa tribu.
Morgan Bell, le chercheur d'or à demi fou qui fit un mariage malheureux.
Mary Framinger, l'infirmière qui montrait un trop grand amour maternel.
Bloody Horse, l'indien devenu éclaireur dans les troupes coloniales.
Rebecca Strattman, celle qui voulait épouser un indien.
Nathaniel Mulligan, le prêtre qui avait perdu la foi.
Et puis le huitième et mystérieux Eliott Burns dont les lettres scandent chaque histoire, chaque chapitre d'un même et terrible refrain : "[...] Dans quelques heures je serai pendu."
Dans ces récits, les femmes sont de celles qui ne veulent pas plier devant la fureur ou le désir des hommes.
Quant aux hommes, ils ne sortent évidemment pas grandis de ces quelques histoires et semblent traverser ces terres promises comme si ce n'étaient pas vraiment les leurs "car les fils perdent toujours contre les mères".
Sept chapitres, sept nouvelles, qui se répondent et s'entrelacent, et toutes d'un excellent niveau, c'est assez rare, il faut donc le souligner : cela participe à l'agréable unité de ton de ce beau roman.
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