Voici un récit intelligent, érudit et sensible, mais qui a été difficile à lire pour moi.
Difficile d'abord parce que dès les premières pages, A.Boyer nous apprend que son cancer du sein a été diagnostiqué à 41 ans, c'est-à-dire à mon âge actuel, et c'est vertigineux.
Difficile ensuite parce...
Voir plus
Voici un récit intelligent, érudit et sensible, mais qui a été difficile à lire pour moi.
Difficile d'abord parce que dès les premières pages, A.Boyer nous apprend que son cancer du sein a été diagnostiqué à 41 ans, c'est-à-dire à mon âge actuel, et c'est vertigineux.
Difficile ensuite parce que dans ce récit tellement intime, l'autrice raconte sa maladie, depuis le jour où elle apprend que son corps a failli, et que sans aucune forme d'avertissement, elle est tombée malade, jusqu'aux traitements de chimiothérapie extrêmement lourds et à sa double mastectomie, de la douleur indicible qui traverse son corps, à la solitude extrême qu'elle ressent face à cette violence de la maladie et de son traitement.
Difficile aussi parce qu'elle démontre, études et recherches à l'appui, ce que le cancer et ses traitements ont de politique : que ce soient les inégalités d'accès au soin reproduisent les inégalités sociales et économiques qui divisent son pays, ou encore la course au profit de l'industrie pharmaceutique.
Mais ce qui est encore plus fort que ces difficultés, ce qui est absolument brillant dans cet essai polymorphe, c'est la capacité qu'a A. Boyer de dire la maladie, d'exprimer ses souffrances, de crier sa révolte, de se faire la porte-parole de « Celles qui ne meurent pas », de hurler combien c'est insupportable d'être réduite à des données sur un dossier, combien c'est déchirant de devoir retourner travailler alors que la chimiothérapie nous consume de l'intérieur pour ne pas perdre son salaire, de nous montrer combien le traitement pour le cancer est un poison, et qu'il faut choisir pourtant le moindre mal.
Parce qu'elle veut vivre, c'est bien ce qu'est son texte, une ode à la force de vie, à la puissance des mots qui nous poussent à aller de l'avant, aux soignants et aux amis qui entourent et prennent soin, et à la pulsion de vie.
Une voix singulière, une arme tranchante, une oeuvre indispensable qui s'inscrit dans la tradition de grands récits de maladie, d'Aelius Aristide à Susan Sontag, en passant par Virginia Woolf.