Editions l'Iconoclaste, Prix du Roman FNAC
Editions l'Iconoclaste, Prix du Roman FNAC
Adeline Dieudonné nous offre une comédie humaine sombre en racontant l'ultra violence du quotidien le plus banal avec une écriture crue et des chapitres courts, l'autrice scrute et croque ses contemporains, elle met en scène, leurs pulsions et secrets les plus intimes avec une façon burlesque. Un recueil qui plonge dans les tréfonds de l'âme humaine avec une galerie de personnages.
"A l'extrémité du bâtiment, quelques tables en plastique jaune, délavées elles aussi. Et des parasols repliés dans leurs housses bleues, comme des bougies éteintes sur un gâteau rassis. La vieille a salué Julianne et Alika, a choisi la table la moins sale et s'est assise.
Elle a été surprise par le calme de l'endroit. Si on lui avait demandé de décrire une station-service de nuit, elle aurait évoqué le vacarme, instinctivement. Vacarme des camions sur l'autoroute, vacarme d'une grosse Harley vacarme de types qui crient d'un bout à l'autre du parking : "DES WINSTON OU DES MALBORO ?" – "QUOI ???"- "DES WINSTON OU DES MALBORO ?" – "NON DES CAMEL." – AH OK !" "LIGHT!" – "QUOI ?" – "LIGHT" Addition de tout un tas d'éléments qui, sans qu'elle ne les identifie individuellement devaient créer un brouhaha à vous perforer le lobe préfrontal. Or non. Le bruit de l'autoroute ressemblait à une forme de ressac, régulier plutôt doux. "
"Roger pétait. Dans son pantalon en toile beige qu’il portait haut, la ceinture juste sous les côtes. Marie et Olivier faisaient mine de ne pas le remarquer mais il pétait, avec le naturel et la décontraction d’un enfant de deux ans. Merde. Ces choses là peuvent arriver mais on s’excuse. On rougit un peu, on se tortille, on invoque des problèmes intestinaux, je sais pas. Et la complicité des deux autres. Ce silence."
J'ai été déstabilisée par la lecture de ce livre dont l'histoire est loin d'être habituelle mais qui a réussi à me fasciner en quelque sorte quand même d'une certaine manière. C'est vraiment une lecture atypique, difficilement qualifiable qui raconte les souvenirs d'un amour puissant auquel la narratrice ne se résout pas à dire adieu. L'histoire parait assez invraisemblable mais elle est forte et ne laisse pas indifférent.
Quand commence l'histoire, la narratrice a dix ans. Elle aime passionnément son petit frère Gilles qu'elle protège. Dès les premières lignes on comprend que le père est une espèce d'ogre à la masculinité toxique, et la mère une victime, incolore, inodore et sans saveur car terrorisée.
Et alors que les deux enfants tentent de survivre dans ce bourbier familial, un événement terrible se produit, indépendant de la perversité ambiante, qui aura des répercutions catastrophiques sur eux.
Cette histoire parle de regrets, ou pire, de remords mais aussi de l'infinie capacité à rêver qu'ont les enfants, et celle des adultes d'oublier qu'ils ont été des enfants. C'est surtout l'histoire d'une famille malsaine, avec un père phallocrate complètement taré et véritable tyran domestique, une mère terrifiée et terriblement seule, et des enfants dont je n'ai pas su quoi penser, du moins dans un premier temps. Enfin, rapidement je me suis demandé comment pouvait-on à ce point ne pas aimer sa mère et ça m'a revulsée. Et puis j'ai fini par les détester. Mais comme rien n'est immuable...
Il y a aussi la douleur d'être femme dans un milieu où on les assigne à une place précise, une fonction définie : sois belle et tais-toi. Ici, les femmes n'ont pas la parole, car trop stupides et émotives. Mais la narratrice, "la gosse", se refugiera dans les sciences où elle excelle pour inventer la machine à remonter le temps, avant le drame, pour que tout redevienne comme avant.
J'ai beaucoup aimé les tournures de phrases de l'autrice, sa façon de raconter, de décrire, d'imager son propos. Par contre, à chaque fois que des animaux sont maltraités ou torturés dans un roman, je regrette de l'avoir lu. Et arrivée à la moitié de l'histoire, je me suis dit que c'était d'une cruauté insupportable. Ce récit est plein de fureur et de douleur. C'est totalement flippant. C'est une espèce de dégringolade dans les abysses de la folie.
La narratrice est un monstre d'égoïsme qui ferme toutes les écoutilles afin d'éviter la compassion pour tout autre que son frère, qui est aussi un monstre à sa façon. Mais rien n'est immuable... Je crois bien être passée par tous les états, la colère, l'horreur, le dégoût, le mépris, la peine, la rage, la compassion, et l'espoir.
C'est un livre qui se dévore mais qui laisse un goût amer. Une écriture ciselée au service d'une lecture éprouvante mais addictive.
Reste est une folle histoire d'amour, sombre, glauque, atypique pouvant aussi être dérangeant.
Adeline Dieudonne nous offre un récit dense, intense, profond et tortueux, l'intrigue est une réflexion profonde sur la folie amoureuse, l'obsession et l'attachement, celle-ci découle sur fond d'adultère.
Entre passé et présent une narratrice qui refuse la séparation qui ira jusqu'au déni. L'amour, la mort, les non dits, la liberté, histoire original, vertigineuse, morbide, inquiétante et parfois drôle.
Une lecture captivante qui bouscule, il y a de l'émotions, du dynamisme avec l'introspection du personnage principale.
"Peut-être que dans cet océan de fatigue et d'incompréhension, la seule chose qui importe, c'est que j'ai perdu l'homme que j'aimais, vous aussi, et que ça exige de la douceur et de la compréhension."
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