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"L'été où tout a fondu" de Tiffany McDaniel : un talent d'écriture, une narration lyrique et poétique

L'autrice de "Betty" revient avec un puissant roman initiatique sur la perte d'innocence d'un adolescent

"L'été où tout a fondu" de Tiffany McDaniel : un talent d'écriture, une narration lyrique et poétique

Vous aviez plébiscité les romans de la rentrée littéraire de septembre 2022 et nous vous avons proposé d'en remporter des exemplaires.

Les avis ont été publiés et aujourd'hui, nous avons le plaisir de partager avec vous la chronique de Marie Kirzy ... qui donne très envie de découvrir cet ouvrage !

 

L'avis de Marie Kirzy sur le livre L'été où tout a fondu

"Tout intrigue dans ce roman de l'auteure du formidable Betty (gros coup de coeur de la rentrée littéraire 2020). A commencer par sa mise en action initiale. En 1984, le père du narrateur, (procureur hanté par des affaires qui ébranlent sa foi en la justice) lance une surprenante invitation parue dans un journal local : il invite le Diable dans sa petite ville de l'Ohio. Et c'est Sal, jeune noir de 13 ans aux yeux d'un vert détonnant qui débarque dans sa salopette crasseuse et se présente comme étant le Diable.


A partir de là, Tiffany McDaniel déroule un drôle de conte très sombre qui détraque complètement la communauté de Breathed. L'arrivée de Sal coïncide avec l'irruption brutale d'une canicule qui semble circonscrite à la ville, accompagnée d'une multiplication d'incidents et accidents suspects, faisant fondre le bon sens de chacun. La narration est confiée au fils du procureur, Fielding, vieil homme qui avait 13 ans lors de l'été fatidique; il s'était lié d'amitié avec Sal que sa famille avait accueilli comme enfant perdu. Et on sent très vite à son ton à la fois triste et empreint de culpabilité que le récit va se précipiter en tragédie... qui plus avec des chapitres qui démarrent systématiquement avec une citation du Paradis perdu de John Milton.

Sal est peut-être le Diable avec sa capacité troublante à déceler le malheur chez les autres. Ou est-il juste un enfant pourvu d'une éloquence hors norme qui le fait s'exprimer à coups de paraboles poétiques et sages. La réponse importe finalement assez peu, même si on se la pose tout le long. En fait, il incarne avant tout la figure de l'étranger (un peu comme dans Théorème de Pasolini) qui agit comme révélateur des colères et frustrations de chacun.

L'auteure utilise le cadre de la petite ville pour évoquer de grands maux de la société occidentale : racisme, homophobie, maltraitance des enfants, obscurantisme, fanatisme religieux, hystérie collective. De nombreux et vastes thèmes sont ainsi embrassés. Sans doute trop, le récit ramant par moment à supporter leur poids. Mais à chaque fois, Tiffany McDaniel parvient à surprendre le lecteur, happé par les nombreux rebondissements ou directions que prend le roman de façon très inattendue. On oublie ainsi quelques fragilités scénaristiques, comme par exemple la gestion de l'ancrage temporel : les événements sont censés se dérouler en 1984 mais on a plutôt l'impression d'être dans un roman d'Harper Lee dans les années. de plus, le narrateur est censé raconter depuis les années 2050 … mais c'est comme si on était toujours dans les années 1950.

Ce qui est sûr, c'est que les personnages, principaux ou secondaires, sont exceptionnels, vivants et originaux avec leurs excentricités particulières. J'ai adoré celui de la mère, Stella, sans doute celui qui a la plus belle caractérisation psychologique et qui connait une superbe évolution, elle la séduisante mère au foyer qui se confine chez elle de peur de la pluie. Tous incarnent des archétypes sociétaux qui vont exploser à mesure que le drame se fait jour.

Et puis il y a ce talent d'écriture qui éclate à chaque page, cette narration lyrique et poétique qui laisse un impact émotionnel fort. Tiffany McDaniel structure incroyablement ses phrases, tissant ensemble des pensées complexes avec un décalage juste, utilisant des métaphores dont l'imprévisibilité vous cueille(...).

Betty était un immense coup de coeur. L'été où tout a fondu est sans doute moins abouti mais tout aussi intense, conte agité de passions sombres, puissant roman initiatique sur la perte de l'innocence d'un adolescent qui a vu son paradis familial voler en éclat en un été, et qui ne s'en ai jamais remis."

 

Merci à Marie Kirzy !

 

Pour retrouver d'autres avis sur le livre, c'est ici : L'été où tout a fondu

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Commentaires (2)

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