Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Un agent des renseignements parle au lecteur le temps d’un Paris-Rome en train. Ce serait sa dernière action, enfin il aimerait que ce soit ainsi, livrer à son propre compte, une petite valise pleine de documents et de renseignements volés, détournés, pleines de noms de victimes et de bourreaux, de commanditaires, de planqués, de terroristes, pleine de morts et d’ombres, tout cela pour, avec l’argent reçu de la vente de sa trahison, pouvoir quitter le métier d’espion et refaire sa vie avec une jolie Russe aux yeux bleus dont il parle beaucoup mais la rejoindra-t-il ? …. Passager ivre et drogué, il soliloque dans cette longue nuit d’insomnie. Il nous offre un monologue d’une érudition impressionnante, déballant combats et guerres de l’Antiquité à nos jours sur ce qui a été sa zone de travail s’étendant de l’Algérie au Proche Orient. Prémices et promesse de 'Boussole'… Même style. On monte dans le train avec une phrase longue de 517 pages, sans points et très peu de virgules… M. Enard n’utilise la ponctuation telle qu’on nous l’apprend à l’école, que dans le texte relatif à un livre que son personnage lit pendant le trajet. Cela permet d’introduire, vu du Liban, un récit complet du massacre de Chatila , un récit poignant. M. Enard va ombrer son récit avec la mémoire de son héros, combattant croate contre les Serbes de 1990 à 1995. Le réalisme de cette guerre d’indépendance, basés sur des témoignages rapportés, est écrit de façon stupéfiante. On perd la tête avec le narrateur, on entre dans sa brume, on se perd dans le sang, on mord on tue on hait on aime on court on hurle devant les injustices on se noie dans les eaux sombres on rampe dans la boue en portant le bras tranché d’un ami, on perd la tête… On voyage et on revit les faits historiques et culturels dans tous ces endroits où il va, la Grèce, Corfou, le Maroc, la Syrie, l’Irak, l’Egypte, l’Italie, la France, l’Autriche, les Dardanelles. Beaucoup de pans soulevés sur quelques horreurs de la guerre 40/45… Cavafy, Genet, Choukri, Joyce, Pound autant d’auteurs qui auront leurs parts de biographies sans complaisance.
Ce n’est pas un livre facile. Mathias Enard nous oblige à la concentration. Le voyageur saute du coq à l’âne. Il faut être près de lui, l’écouter pour pouvoir le suivre, ne pas le perdre d’une ligne à l’autre, le comprendre et apprendre, apprendre, apprendre. Enard est une fontaine culturelle et j’aime y boire et m’y nourrir, le lire, l’écouter, le lire à voix haute, le lire à voix basse, le lire dans mon silence. Me rouler, m’enrouler dans son érudition divagante livrée dans un texte solide et conduit d’une main de maître, un texte qui fait tant de bien, une lecture d’exception qui nous invite avec un art rarissime, à entrer dans les méandres brumeux du cerveau d’un homme qui perd la tête par force, à force…
Livre d’érudit généreux, courageux, talentueux et tellement enrichissant.
Zone est un roman très singulier, relatant les méditations d'un homme mystérieux dans le train qui le conduit à Rome, avec la grande particularité de ne comporter aucun point! C'est un fil de pensée ininterrompu, qui nous fait découvrir la zone qu'il couvrait en tant qu'agent infiltré, et nous révèle peu à peu ses secrets. Une expérience déstabilisante, mais unique!
Ma chronique complète est ici : http://viederomanthe.blogspot.fr/2016/03/zone-mathias-enard.html
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