"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Par une belle journée d'avril 1943, dans les laboratoires Sandoz à Bâle, c'est un accident de manipulation qui permet au professeur Albert Hofman de se rendre compte de la puissance du diéthyllysergamide, cette molécule qu'il a réussi à synthétiser à partir de l'ergot. Intrigué par sa propre réaction suite à l'ingestion involontaire du produit, le chimiste fonde immédiatement de grands espoirs thérapeutiques sur sa découverte. Mais c'est seulement près de 20 ans plus tard et de l'autre côté de l'Atlantique, dans le département de psychologie de l'université de Harvard, que l'on s'intéressera vraiment au potentiel de ce qui est encore considéré comme un médicament et qui deviendra une drogue à la mode connue sous le nom de LSD.
Fitz est justement étudiant de cette prestigieuse université en 1962 quand son directeur de thèse, Tim Leary, commence des expérimentations avec la fameuse molécule produite par les laboratoires Sandoz. Malgré sa situation financière précaire - sa femme Joanie a arrêté ses études quand elle est tombée enceinte et son salaire de bibliothécaire ne permet pas à la petite famille de vivre correctement - Fitz est irrésistiblement attiré par le petit cercle qui gravite autour de Tim Leary et de son collègue Dick Alpert et se réunit tous les samedis soirs lors de « séances » visant l'élargissement des consciences. Très vite, lui et son épouse sont happés par l'expérience hallucinatoire et psychédélique, et cherchant à la renouveler le plus souvent possible, une vie en dehors de la petite communauté de fidèles leur paraît bientôt impossible. Lorsque les autorités académiques de Harvard finissent par exclure Tim et Dick à cause de l'absence de rigueur scientifique de leurs travaux, mais aussi parce que la presse a commencé à s'émouvoir de leurs pratiques, ils n'hésitent pas longtemps avant de rompre les amarres. Avec une douzaine d'autres fidèles ils déménagent à Millbrook, dans le nord de l'État de New York, et s'installent dans une grande bâtisse qu'on prête à Tim afin qu'il puisse aller au bout de ses « recherches ». Mais si le sexe et les « trips » dominent le quotidien d'une communauté désormais incapable de vivre sans les prises régulières de LSD (appelé « le sacrement »), ils mettent aussi à rude épreuve le couple de Joanie et Fitz, ainsi que l'avenir de leur fils Corey...
À travers ce saisissant portrait de groupe, T.C. Boyle fait revivre une époque, celle du début des années 60, quand Aldous Huxley, J.F. Kennedy, John Coltrane et les Beatles faisaient la une des journaux, ce moment de l'Histoire où toute une génération éprise de liberté avait imaginé que les psychotropes permettraient à l'humanité tout entière de vivre une autre vie.
C’était un temps où le LSD n’était pas interdit et qu’un vent d’émancipation soufflait sur les universités américaines. C’était un temps où sous couvert d’expérimentations dites scientifiques des universitaires se lançaient dans de folles expériences. Ils cherchaient la lumière, Dieu, à se libérer des codes moraux, à élargir leur champ de conscience grâce au LSD dont on ne connaissait pas tous les effets. Ils espéraient beaucoup de ces expériences mais n’en sortiront pas indemnes.
Comme à son habitude T.C.Boyle s’est méticuleusement documenté pour la rédaction de ce dernier roman. Si le doctorant en psychologie Fitz, son épouse Joanie et leur fils sont pure invention il les a situés au début des années 1960 auprès du sulfureux mais très charismatique Timothy Leary, de son comparse Dick Arpert et de nombreuses autres célébrités. Les lieux décrits sont ceux où les expériences ont été réalisées.
Avec son humour caustique T.C. Boyle a l’art de raconter des histoires passionnantes avec des passages savoureux tels la déroute mexicaine ou l’arrivée du bus de Ken Kesey et de ses adeptes. L’ambiance est très bien restituée et l’auteur raconte sans jamais juger cette société américaine qu’il ne cesse de décrire de roman en roman. Bien évidemment on se doute que ça ne peut pas très bien finir comme toujours avec lui.
T.C. Boyle est un de mes auteurs américains préféré et cette fois encore je n’ai vraiment pas été déçue.
https://ffloladilettante.wordpress.com/2020/03/20/voir-la-lumiere-de-tom-coraghessan-boyle/
Cambridge, 1962. Le professeur Timothy Leary poursuit les études d’Albert Hofmann sur le diéthylamide de l’acide lysergique, mieux connu sous le nom de LSD. Chéri par ses élèves et amis, qui participent à chacune des soirées qu’il donne et où ont lieu, chaque fois, de nouvelles expériences, Leary est convaincu de la portée de ses études sur le psychisme humain. Ce qui ne l’empêche pas de laisser l’alcool couler à flots lors de ses « réunions », où flirtent ses invités.
Fitz est un étudiant appliqué, poussé par sa curiosité et son souci de plaire à son mentor et directeur de thèse. Aussi fréquente-t-il régulièrement les petites sauteries de Leary, accompagné de sa femme qui, grisée par cette ambiance insolite, tente de se montrer plus tempérée. Rapidement, l’attrait que représentent Leary et ses projets dépasse la raison, et Fitz le suit tête baissée dans ses travaux « scientifiques »… à ses risques et périls, et au détriment de sa famille.
Si l’introduction m’a emballée – Hofmann y apparaît comme humble, sympathique et passionné –, j’ai déchanté en rencontrant Timothy Leary. Je connaissais l’homme de sciences pour avoir survolé certains de ses essais, au demeurant intéressants, mais peu abordables, et ainsi entouré de sa cour, existant à travers l’admiration d’illuminés qui gravitent autour de lui en quête d’un monde « meilleur », il est détestable. J’ai mis mon aversion de côté au contact de Fitz qui lui, n’est pas un mauvais bougre. On a plaisir à le suivre et à s’immerger en sa compagnie dans cet épisode de l’histoire des drogues, mais à de nombreuses reprises, j’aurais voulu intervenir et lui ouvrir les yeux sur son tempérament trop influençable, qui peut agacer. L’évolution de cette histoire est parfois prévisible, mais Voir la lumière est un roman richement documenté, très bien écrit – et très bien traduit –, un voyage aussi sombre que coloré dans une époque brillamment reconstituée, une époque d’autres possibles, où la vie en communauté (ici du Mexique à New York) avait le vent en poupe. Peuplé de noms célèbres, T.C. Boyle y laisse une belle place aux protagonistes, Fitz et Joanie, personnages fictifs habilement intégrés au récit, et derniers détenteurs d’une morale qui ne résistera pas à la fièvre psychédélique. La découverte pour moi d’un grand écrivain américain que je retrouverai certainement au détour de sa longue bibliographie.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !