"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une lutte opiniâtre de tous les instants contre un handicap méconnu constitue la trame de la vie de Liane Holliday. Dans son autobiographie d'une authenticité bouleversante, elle retrace au fil des pages les mille difficultés de son parcours, depuis l'école primaire jusqu'à son insertion réussie dans la société. Liane a pu surmonter son handicap par sa seule ténacité et ses talents. Tous les enfants ayant un trouble du spectre autistique n'ont hélas pas cette chance.
Le livre de Liane Holliday contribue à faire tomber les préjugés sur ces questions, qui comptent désormais parmi les principales questions de santé publique dans de nombreux pays. Il tient le lecteur en haleine, lui faisant découvrir page après page le syndrome d'Asperger sous un jour nouveau, résolument positif et humain. Et qui ébranle bien de fausses certitudes au fondement même du monde dans lequel nous vivons.
L’habit ne fait pas le moine, et la couverture ne fait pas le livre. Lorsque l’on m’a proposé cet ouvrage, j’avoue avoir eu bien du mal à me retenir de grimacer : cette couverture sombre me faisait plus penser à un ouvrage scientifique absolument imbuvable qu’à une autobiographie ! J’ai toutefois laissé sa chance à ce livre, et j’ai bien fait : il n’avait rien du bouquin totalement rébarbatif empli de terminologies médicales barbares que je m’imaginais, mais tout du livre extrêmement complet et instructif qui se lit très facilement tout en restant particulièrement intéressant. Ce livre m’a donné une bonne leçon : il faut absolument que j’arrête de juger un livre à sa couverture si je ne veux pas passer à côté de vraies perles ! Une bonne résolution pour 2018 ?
Depuis sa plus jeune enfance, il était évident que Liane n’était pas comme les autres petites filles de son âge : trop intelligente, trop solitaire, trop violente, trop imprévisible, trop incompréhensible. Toutefois, aucun diagnostic n’a jamais été posé : Liane était surdouée, voilà toute l’explication à son comportement inhabituel et à son incapacité à se faire des amis. Elle traversa l’enfance et l’adolescence avec une relative aisance, établissant des stratégies afin de compenser les différences qu’elle sentait monter en elle au fur et à mesure qu’elle observait avec attention le comportement de ses pairs. C’est à son entrée à l’université et dans l’âge adulte que tout s’écroule : incapable de faire face, Liane se renferme sur elle-même. Devenue maman, Liane découvrira l’existence du syndrome d’Asperger lors du diagnostic d’une de ses trois filles … et par conséquent du sien.
Cet ouvrage est avant toute chose un délicat mélange entre l’autobiographie et le témoignage : j’ai toujours eu du mal à discerner la frontière entre ces deux genres, mais ici, c’est encore plus flagrant. Tantôt, Liane se contente de raconter son enfance, son adolescence, son existence, anecdote après anecdotes, tantôt elle agrémente ce récit de réflexions, d’éclaircissements, d’analyses. A chaque fois, elle met en relation son passé avec sa connaissance actuelle du syndrome d’Asperger : ce qui à l’époque était inexplicable et inexpliqué a désormais une explication. C’est vraiment très intéressant. J’ai été particulièrement touchée par l’honnêteté dont Liane fait preuve : tout en sachant pertinemment bien que ce qu’elle écrit n’est pas conforme aux attentes sociales, elle n’hésite pas à le faire, pour que le lecteur comprenne bien quelles sont les difficultés qu’elle rencontre au quotidien. Et surtout, qu’il saisisse bien que ses comportements parfois « bizarres » ne sont pas des caprices de sa part, mais bien des éléments sur lequel elle n’a pas toujours prise, des éléments dont elle a besoin pour ne pas perdre pieds.
Ainsi, et c’est la seconde facette de cet ouvrage, Liane nous offre ici une véritable ode à la différence et à la tolérance, au respect mutuel et à la bonté naturelle. Elle invite chacun à accepter ses particularités, et même à en être fier, à ne pas tenter de les éradiquer seulement pour « plaire » aux autres, pour ne pas les effrayer, mais bien à les cultiver pour qu’elles deviennent une force et la marque d’une unicité qui doit être perçue comme une richesse et non une faiblesse. Elle invite également tout à chacun à se montrer plus tolérant et plus respectueux des différences d’autrui, à aider les personnes en difficultés sociales et non pas les stigmatiser en les rendant encore plus malheureuses. En clair, elle cherche à la fois à changer le regard des « neurotypiques » sur les personnes atteintes du syndrome d’Asperger et à changer le regard que ces-dites personnes ont d’eux-mêmes. Bien trop souvent, il est uniquement question du respect et de la tolérance de l’autre … alors qu’il faudrait peut-être commencer par se respecter et se tolérer soi-même pour pouvoir avancer dans la vie.
Et enfin, le troisième et dernier volet de cet ouvrage s’apparente plus à un « guide de survie » à destination des personnes atteintes du syndrome d’Asperger (SA). L’auteur offre ici un florilège de petits conseils afin de savoir si on doit ou non faire part de son diagnostic à quelqu’un, à qui le faire, comment le faire, des astuces pour survivre à ses années d’études universitaires, pour trouver et garder un emploi, pour gérer le quotidien de son ménage ou minimiser les attaques sensorielles du monde. Le seul reproche que je peux adresser à ces quelques chapitres, c’est qu’ils font croire qu’autrui est forcément bienveillant et sera forcément disposé à nous aider si on lui explique nos difficultés … Je suis personnellement moyennement convaincue que, dans notre société actuelle, un employeur accepte de dispenser un employé des réunions entre cadres juste pour lui éviter un stress maladif : de nos jours, seule compte la productivité, le bien-être des gens est considéré comme superflus et je ne pense donc pas que le conseil « demander à disposer de services qui pourraient vous aider à contrôler les particularités SA qui pourraient perturber votre réussite professionnelle » soit facilement applicable … A moins que tous les patrons du monde ne lise l’ultime chapitre de cet ouvrage, dédié justement aux « personnes non SA qui accompagnent » des personnes SA : à travers cet appendice, l’auteur donne aux amis, aux employeurs, aux professeurs … quelques recommandations pour aider, soutenir et s’adapter aux personnes atteintes du syndrome d’Asperger. Ce chapitre est d’utilisé publique.
En bref, j’ai été très agréablement surprise par ce livre ! Un témoignage aussi émouvant qu’intéressant, une invitation à l’acceptation et de soi et des autres, un guide bien construit et rempli de bonnes idées … Le tout accompagné d’un glossaire qui permet d’expliquer simplement les quelques terminologies « scientifiques » utilisées ci et là et de quelques références bibliographiques (en anglais, mais je pense que certains ouvrages ont été traduits) pour ceux qui souhaitent approfondir le sujet. J’ai tout particulièrement apprécié le style, tout en douceur, finesse, émotion, une plume que la traduction de Josef Schovanec a su conserver. S’il n’y avait qu’un ouvrage à faire lire à quelqu’un concerné de prêt ou de loin par le syndrome d’Asperger (qu’il s’agisse donc d’un Aspie, d’un ami, d’un éducateur, d’un employeur, d’un collègue ….), je pense que ce serait celui-là : il est court, il est simple, il est complet. Pour une première approche, il est donc idéal !
https://lesmotsetaientlivres.blogspot.fr/2018/01/vivre-avec-le-syndrome-dasperger-liane.html
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !