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Le Nouveau Monde qu'était le continent américain a moins été découvert qu'il n'a été détruit. Partout où la population était dense (au Mexique, sur les hauts plateaux andins), les maladies importées d'outre Atlantique ont immédiatement exercé leurs ravages, provoquant l'une des plus grandes catastrophes démographiques de l'Histoire. Là où des organisations politiques et sociales complexes avaient fleuri, le pouvoir a été jeté bas au profit des conquérants, le territoire partagé et mis en coupe réglée sous le signe d'une recherche effrénée de l'or. La population a été asservie, sa culture bafouée, tandis qu'une guerre était déclarée à ses représentations religieuses au nom de la « Vraie Foi ».
Partout ce scénario s'est reproduit le même, mais nulle part sans doute de façon aussi démonstrative et catastrophique dans la précipitation des événements qu'avec la conquête de l'empire inca.
Vie et mort de l'Inca Atahuallpa ne déroule pas toutefois l'histoire maintes fois racontée de l'équipée des conquistadors et de la destruction de cette partie des « Indes occidentales ». Le récit se tourne au contraire vers la figure de celui qui fut le dernier souverain de l'empire des Andes et, conformément à ce que fut son destin, sur le moment où tout bascule et où le plus grand État de l'Amérique précolombienne s'effondre.
Il y a là une forme de gageure : Atahuallpa ne nous est connu, par les chroniques, qu'à la faveur de quelques épisodes. Pour le reste, seules nous sont parvenues quelques informations éparses, difficiles à recouper, recueillies auprès d'auteurs plus tardifs, parfois intéressés à noircir le personnage.
Le récit compose avec ces manques, revendique les droits de la rêverie, mais indemne d'intentions romanesques, il ne s'autorise aucune invention de l'ordre de la fiction. Là où les sources écrites font défaut, suivant en cela la recommandation de Lucien Febvre dans ses Combats pour l'histoire, il s'efforce de faire parler « les choses muettes », à commencer par les aspects de la culture matérielle. Habitants de hautes terres volcaniques et sismiques, grands constructeurs de villes et de routes, aussi habiles agriculteurs que frustes comme artistes, adorateurs du Soleil mais modestes astronomes, les Incas avaient, en moins d'un siècle, bâti un empire militarothéocratique immense et mis en place une bureaucratie tatillonne qui ignorait pourtant l'écriture. Ainsi, avec l'évocation d'Atahuallpa, c'est un regard sur une civilisation disparue et incomprise par ses vainqueurs qui est proposé.
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