Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Dans ce roman-fresque, composé dans les années 1950, à la façon de Guerre et paix, Vassili Grossman (1905-1964) fait revivre l'URSS en guerre à travers le destin d'une famille, dont les membres nous amènent tour à tour dans Stalingrad assiégée, dans les laboratoires de recherche scientifique, dans la vie ordinaire du peuple russe, et jusqu'à Treblinka sur les pas de l'Armée rouge. Au-delà de ces destins souvent tragiques, il s'interroge sur la terrifiante convergence des systèmes nazi et communiste alors même qu'ils s'affrontent sans merci.
Radicalement iconoclaste en son temps - le manuscrit fut confisqué par le KGB, tandis qu'une copie parvenait clandestinement en Occident -, ce livre pose sur l'histoire du xxe siècle une question que philosophes et historiens n'ont cessé d'explorer depuis lors. Il le fait sous la forme d'une grande oeuvre littéraire, imprégnée de vie et d'humanité, qui transcende le documentaire et la polémique pour atteindre à une vision puissante, métaphysique, de la lutte éternelle du bien contre le mal.
J'ai bien cru que je n'arriverai pas au bout de cet énorme pavé, "Vie et Destin" est un classique de la littérature russe de l'après-guerre, censuré et interdit en Union Soviétique pendant de longues années. Je ne suis pas familière de la littérature russe, c'est souvent trop ample, trop touffu pour moi. Et là, pour le coup, j'ai été servie. La lecture n'est pas facile d'emblée : un nombre important de personnages, souvent appelés par des noms différents d'un chapitre à l'autre, parfois d'une phrase à l'autre (nom complet, surnom, nom occidentalisé), rien de tel pour vous embrouiller des le départ. De surcroit, ce roman est la suite d'un premier volume "Pour une juste cause", que je n'ai pas lu ! Au bout de quelques chapitres à chercher vainement des liens entre untel et untel, à les confondre, j'ai pris la parti de lire "Vie et Destin" comme une suite d'histoires indépendantes à lire telles quelles sans chercher à les lier entre elles a tout prix. Ce parti pris tout personnel a finalement fonctionné et j'ai vraiment lu avec intérêt quelques unes (pas toutes) de ces destinées.
Le centre de ce roman fleuve, c'est la bataille de Stalingrad, qui relie tous les personnages directement ou pas. Pendant 4 à 5 chapitres, on reste avec un personnage pour le quitter ensuite et finalement le retrouver plus tard. Certains passages sont passionnants ou bouleversants, tous ceux à Stalingrad même pour commencer, que ce soit du côté russe ou allemand. Les allemands sont présents dans le récit, certains chapitres ne traitent même que d'eux et du nazisme. Et puis il y a la longue marche vers la chambre à gaz d'une jeune doctoresse juive et d'un petit garçon, difficilement soutenable, la lettre d'une mère au cœur du ghetto, déchirante, la destinée étrange de ce commissaire politique, fervent bolchévique, emprisonné du jour au lendemain sur la base d'une accusation anonyme et qui ne lui est même pas clairement expliquée. Toute l'absurdité du stalinisme est démontrée au cours de ces lignes. L'ombre des purges de 1937 plane sur le roman comme une plaie ouverte, pas un personnage, même le plus rigoriste, n'est à l'abri d'un système qui broie méthodiquement son propre peuple. A cote de ces chapitres époustouflants, d'autres passages sont pénibles à lire, notamment ceux concernant le scientifique juif Sturm, un peu trop verbeux à mon gout, même si je comprends l'intérêt de ce personnage sur le fond.
Le fond, parlons-en : avec des chapitres purement "historiques", quelques passages mettant en scène Hitler ou Staline eux-mêmes, ou bien cette longue conversation entre le chef SS d'un camp de concentration et un prisonnier russe, le fond est fort, sans ambigüité et valu a son auteur interdiction et censure pendant de longues années. Vassili Grossman démontre que les deux systèmes, ennemis implacables dans la guerre, en apparence aux antipodes du spectre politique, sont mus par la même logique d'oppression, ils mettent en branle les mêmes techniques basées sur la peur et l'arbitraire, et même si l'une combat l'autre dans les rues de Stalingrad, ce sont des régimes frères. Que cette analyse ait pu être faite aussi frontalement par un écrivain russe dans les années d'après-guerre force le respect : lucidité et courage.
"Vie et Destin" est un livre qui se mérite, qui demande du temps, de l'attention et de la persévérance. C'est plus qu’un roman, c'est une sorte d'expérience littéraire et historique.
Me voici tout estourbie. Je viens de lire un chef d’œuvre qui m’a estomaquée…
Le manuscrit que Vassili Grossman a mis 10 ans à rédiger, est saisi par le KGB en 1961. L’auteur est arrêté mais aussitôt remis en liberté. Seul son livre, lui, sera mis sous les verrous.
Grossman fera tout pour récupérer son travail et notamment en écrivant à Kroutchev en 1962 :
« Je vous prie de rendre la liberté à mon livre. Ce livre ne contient ni mensonge, ni calomnie seulement la vérité, la douleur, l’amour des hommes. »
En vain…
Grossman mourra, démuni, 3 ans après, à la suite d’un cancer.
Deux exemplaires cachés. Les amis dont Vladimir Voïnovitch et les époux Sakharov feront traverser les frontières au texte qui sera d’abord édité à Genève puis en France en 1983.
Vassili Grossman alors reporter de guerre après avoir couvert les combats dans la région du Donbass en 1941, est envoyé à Stalingrad en 1942 où il demeurera sur le front quand l’armée allemande menace la ville.
C’est riche de cette expérience, de celle des combattants russes et de sa famille juive qu’il nourrira Vie et Destin.
Il dépeindra une immense fresque de la Russie des années 40 et 50, articulée autour de la bataille de Stalingrad, avant, pendant et après, en dénonçant le fascisme nazi et celui d’un Staline avec « le glaive qu’il avait repris des mains d’Hitler ».
Riche d’analyses politiques et de réflexions philosophiques, Grossman dévoile et questionne l’âme humaine, ses contradictions et son évolution au fil des constats faits concernant l’autocratie stalinienne. Une dictature de plus en plus féroce s’installe faisant régner la peur et la soumission.
La délation pousse au silence et aux basses besognes des larbins de l’État.
Ce seront des milliers de victimes dans l’indifférence générale (ou forcée) sous la terreur, la contrainte et la violence paralysant l’esprit en jouant sur l’instinct de conservation avec une capacité à s’adapter à l’horreur et à collaborer à la haine de ce que le régime décide d’exterminer.
Pourtant, Grossman dénonçant ces deux régimes totalitaires jumeaux s’efforcera sans cesse à redonner de la dignité à l’individu par cette « petite bonté » qui malgré tout loge dans le cœur humain aussi muette soit-elle.
D’un camp de prisonniers nazi aux terribles combats de Stalingrad (qui font résonner les horreurs actuelles qu’on dû subir les Ukrainiens à Mariopol entre autre) avec ces soldats réfugiés dans des conduites d’égouts et en sucer l’eau suintante, cachés dans des caves sous des maisons en ruine où seules les fleurs gardent raison du printemps en fleurissant au sortir de la rudesse hivernale au bord d’une Volga en feu sous des pluies de balles, bombes et obus, cette centrale électrique attaquée, cette usine de tracteurs refuge des tankistes…
Grossman ouvre un éventail de toute la société impactée par la guerre, le stalinisme et l’antisémitisme avec des textes percutants qui au-delà de s’imprimer sur papier, se grave dans l’âme de celui qui lit ces compte-rendu infâmes, ces accusations immondes suite à des délations grégaires, ces lettres de mère déportées à leur enfant, ces accusations qu’on signe pour sauver sa peau mais qui finissent par vous rendre fou.
Cette folie totale. Oui…
Jusqu’à l’an dernier on lisait ce livre comme un témoignage d’une Russie ancienne, d’une guerre qui n’aurait plus lieu.
Aujourd’hui, ce livre nous ramène à l’actualité avec une résonance assourdissante !
Ne soyez pas effrayé comme je le fus en délaissant ce livre de poche avec ces 1173 pages dans ma pile à lire.
L’écriture est fluide et contemporaine. Les paragraphes courts donnent du rythme. La tension se tend au fil du texte car on veut savoir ce qui va arriver à chacun des nombreux personnages mis en scène.
J’ai suivi cette histoire de l’Histoire comme accrochée à une série cinématographique, court paragraphe après court paragraphe comme des épisodes télévisés.
Pour m’aider, j’ai fait une liste des personnages et de leurs rôles respectifs.
Je suis sortie de ce bouquin, stupéfaite, estomaquée autant par l’écriture, que par un témoignage de l’Histoire sans pareil mais aussi par cette résonance à hauteur d’homme qui pose cette putain de question sur le totalitarisme. Comment le comprendre ? Comment le combattre.
Et pourquoi on rejoue Stalingrad en Ukraine avec cette folie des hommes !!!
Monumental et vertigineux.
Attention, gros morceau ! J’avoue que j’ai pas mal hésité lors de ma dernière virée au village du livre de Montolieu. Il faut dire que l’édition de « Vie et destin » que je tenais entre les mains n’était pas la plus sexy qui puisse exister. En résumé, un bon pavé (plus de 800 pages), mal imprimé, en tout petit, il y a définitivement de quoi rebuter le lecteur le plus motivé. Finalement, vous vous en doutez bien, j’ai fini par repartir avec, entre autres (difficile de repartir à vide de Montolieu !), ce livre sous le bras.
Vous l’aurez compris, « vie et destin » est un livre exigeant. Sa lecture m’a vraiment demandé des efforts, mais à force de m’accrocher, j’ai réussi à rentrer pleinement dedans. Mais ce fut un combat de longue haleine ! Le livre est présenté partout comme un monument du XXème siècle et force est de constater que cette réputation n’est pas usurpée. Vassili Grossman, fervent communiste au départ, est devenu au fil des années un « ennemi du peuple » au sens du régime soviétique. Il nous propose en filigrane de cette peinture de l’Union Soviétique autour de la bataille de Stalingrad une critique en règle du régime en montrant les similitudes entre nazisme et communisme : polices politiques, existence de camps de concentration, neutralisation des opposaants par la terreur et la répression, nationalisme d’Etat qui cherche l’élimination des minorités, antisémitisme. On comprend que ce livre n’était pas du goût du pouvoir, qui l’a fait saisir par le KGB. Disparu pendant 20 ans, il a finalement été miraculeusement retrouvé.
Vie et destin » est un roman polyphonique qui nous fait suivre la vie d’une multitude de personnages, physiciens, prisonniers de guerre, militaires ou simples particuliers, en Union Soviétique pendant la seconde guerre mondiale, et plus particulièrement autour de la bataille de Stalingrad (1942-1943). Leurs destins vont se tisser et s’entrecroiser pour nous faire vivre tout un pan de cette période de l’histoire. Le destin de Sturm, le physicien, est saisissant et très révélateur de la dérive de la société soviétique. Un beau jour, ses recherches sont critiquées par considérées comme pro-occidentales, juives et opposées à la doctrine officielle. Sturm vit alors dans la crainte et l’angoisse d’une arrestation, de plus en plus isolé, tous se proches se détournant de lui. Et un beau jour, il reçoit un appel de Staline lui-même et va retrouver son poste, son prestige et ses amis. Moyennant quand même la signature d’une lettre niant les arrestations arbitraires du régime. Glaçant !
En bref, une lecture exigeante mais indispensable pour mieux comprendre tout un pan de notre histoire.
Mais il me semble important de montrer comment à travers les années "Vie et Destin" reste un monument de la litterature russe contemporaine qui retranscrit son histoire du XXeme siècle.
Ce nouveau Guerre et Paix est aussi ardu à la lecture mais tellement marquant pour la compréhension du monde.Et c'est précisément en relation avec l'actualité internationale, que je recommande aux lecteurs d'aujourd'hui de se plonger une nouvelle fois dans ce roman puissant. Les romans bouleversants et permettant de voir et comprendre notre univers se compte sur les doigts et "Vie et Destin" sans nul doute en fait parti.
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