"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Australie-Occidentale, années 1950. Stephen Heriot, 67 ans, sent que la gouvernance de la mission dont il s'occupe depuis plus de 30 ans lui échappe. L'arrivée inattendue de Rex, un Aborigène, autrefois marié à sa fille, cristallise sa rancoeur. La tension entre les deux hommes atteint son paroxysme le jour où Rex blesse Heriot, qui réplique et le laisse pour mort. Rongé par la culpabilité, le vieux missionnaire part à cheval dans le désert en direction des fameuses «?îles des morts?», dans le but d'en finir. Il est bientôt rejoint par Justin, son ami aborigène, déterminé à l'accompagner dans cet exil. Ils vont traverser le nord du pays, avec sa végétation dense et ses falaises rouges. Mais les falaises les plus difficiles à négocier pour Heriot seront celles situées dans son esprit.
Essentiel, aux mille fresques pétries de fraternité, d’une humanité signifiante et réalisée.
Le privilège d’une lecture inestimable.
« Vers les îles », existentiel, l’heure pleine d’écouter Randolph Stow conter dans une langue virtuose, un périple de luttes et d’espoirs, de vives camaraderies, et des déchirures insurmontables.
Ici, tremble le poids des vies et la rigueur de la quête. Les rancœurs à l’instar de soupirs dans les bordures d’îles mentales.
L’Australie-Occidentale lève son voile empreint de sens et d’essentialisme, en 1950 dans la région des Kimberly.
Heriot est un vieil homme rigoureux et mélancolique. Il dirige une mission anglicane depuis une décennie et pensait l’autre à son image en parfaite adéquation.
Il pressent le trouble de la fin. L’exaucement entre l’esprit et la terre, entre les Aborigènes et lui-même. Les minutes oscillent et changent le cap de ses pensées. Il est ici, splendide, triste, désabusé et perçoit les vacillements de ses forces et de ses convictions. Il interpelle les échos, corne les pages finales, dans une dignité où la beauté révèle ce qui fut.
Ce récit est l’empreinte d’un voyage intérieur vers les îles. Un cheminement initiatique dont la signifiance fait grandir le lecteur.
On ne lit plus. On apprend de Randolph Stow, ce jeune écrivain de vingt-trois ans. Heriot en pèlerinage, si haut, si loin, si près des énigmes, dans cette compassion pour l’autre, les Aborigènes. Il est l’emblème des explorations intérieures. Il faudra un choc, une confrontation avec Rex, l’emblématique symbole de ses chutes.
« - Ça s’peut je fais le trouble main’nant. Tous les gens ici c’est mes amis, ils aiment pas ça que tu me renvoies.
- Ils ne sont pas si nombreux, Rex...
- C’est mon pays, frère.
«-Ça n’est pas la raison.
- Ne m’appelle pas frère, tu n’es pas mon frère. Tu as tué ma petite fille, mon enfant.
- Je regrette devant Dieu, dit Heriot que Stefen ne t’ait pas tué.. »
Heriot est face à la fenêtre fissurée. Son existence au cœur même de cette communauté, vacille de par ses propres contradictions. Il n’y a plus une même langue, seule la compassion lui somme de partir tant qu’il est temps encore, avant la fin de la fraternité.
Il est un roc qui s’effondre de l’intérieur. Le pouvoir renversé, ses gestuelles et ses paroles devenues sourdes et aveugles pour le prochain.
Suite à un drame qui le laisse condamnable, la peur qui l’inonde, le regret infini, sans pardon pour lui-même il part vers les îles.
« Les îles dans la mer. Où l’esprit va. L’esprit des morts, tu sais, bangame. »
Traverser les vagues de ses fautes, l’élixir de repentance, sa foi en déroute dans les rides du temps.
L’épopée, ici, est le chant des hommes, la vérité à nue. Les intériorités en devoir de rédemption.
« Vers les îles », un périple salvateur, un pas après l’autre, vers l’insularité qui octroie la renaissance. «Îles des morts », entre les falaises et déserts, la faim et la soif, Justin son ami qui l’accompagne dans le chemin des conclusions.
« -Je répugne à m’arrêter. J’ai soif d’horizon. »
Rex qui chevauchera jusqu’à rejoindre ces ombres filantes dans la nuit. Laissé pour mort et blessé par Heriot, la concorde gagnante, la connivence en absolution. Rex est dans ce hors temps et hors espace, où les réconciliations sont des vallées , des prières, des regards.
« Je ne veux rien, dit Heriot. Quand nous n’aurons plus rien, alors nous pourrons être égaux. »
« On ne peut pas s’empêcher d’être né, camarade. »
« Il se détourna, les yeux pleins de collines lointaines. »
« Vers les îles », la littérature spéculative, dans cette capacité exhaustive, l’exil regain.
C’est un livre stupéfiant de rectitude et de loyauté. L’exaltation des lumières intérieures.
Charnel et magnétique, poignant et le sacre d’un cheminement vers son propre sommet.
« J’étais un fils du soleil ».
Un chef-d’œuvre monumental. Un bouquet d’altruisme.
Traduit de l’anglais (Australie) par Nadine Gassie. Une splendide couverture de Gabrielle Ambrym. Publié par les majeures Éditions Au vent des îles.
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