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Au début des années trente, la vie des ruraux à Malte et à Gozo est rude. Imposée par les clercs, la morale y est stricte. Biberonné à ses principes, Anton, jeune paysan, fuit son pays après avoir commis ce qu'il pense être un grave péché : il ne peut en effet supporter la honte qui pourrait rejaillir sur sa famille. Après un court périple, il se retrouve en Tunisie. Avec énergie et courage, il y reconstruit une existence pleine d'imprévus, jusqu'à un dénouement provoqué par la lutte pour l'indépendance.
En se fondant sur une vieille tradition de migration vers l'Afrique du nord qui a provoqué l'exil de milliers de Maltais de leur île d'origine, l'auteur (qui a vécu à dans cette partie du monde) concentre en une seule histoire, celle d'Anton, les destins de centaines de jeunes gens partis vivre en Tunisie. Quasiment tous ont parfaitement réussi dans ce protectorat français qu'ils ont, plus tard, âprement défendu contre l'occupant allemand pendant la seconde guerre mondiale. Suivant les tribulations de son héros, Vers l'autre rive ! sait fidèlement retracer l'ambiance de ces années fertiles en rebondissements politiques et militaires.
Bien sûr, il s'agit d'une fiction mais elle se nourrit de la grande histoire, ce qui en fait presque un "témoignage" sur la diaspora maltaise des années 30 notamment, un épisode qui m'était jusqu'alors inconnu.
Avec son écriture fluide et immersive nous sommes vite plongés dans la vie quotidienne d'Anton, jeune muletier qui va fuir son île de Gozo à Malte pour débarquer en Tunisie.
Je découvre à la faveur de cette lecture, un auteur - Didier Destremau - et une maison d'éditions - les éditions Bougainvillier - dont le pari est de "défendre une écriture riche, colorée, volontiers exubérante" et qui affiche clairement son "ouverture aux auteurs du Sud et de l'Orient, et aux auteurs qui écrivent sur ces territoires". Une maison qui se met volontiers en action pour défendre les droits des opprimés et leur donner la parole !
Voilà qui donne une saveur particulière à ma lecture.
Je continue ainsi de me documenter sur une période de notre histoire un peu "nébuleuse" et les rapports de la France avec les pays et cultures du bassin méditerranéen, comme c'est ici le cas avec Malte ou la Tunisie.
Il faut savoir que le protectorat français en Tunisie a duré plus de 70 années (de 1881 à 1956, date à laquelle il est aboli avec l'indépendance officielle de la Tunisie), pendant cette période de nombreux maltais ont rejoint le pays pour y chercher du travail, peut-être aussi une vie plus facile.
À travers l'histoire du jeune Anton, c'est le périple de milliers de migrants qui vont faire ce même voyage que nous conte avec justesse Didier Destremau.
On pourrait tirer les fils de plusieurs histoires tant le récit est dense et explore les facettes de la personnalité d'Anton, du jeune muletier maltais fuyant la honte et le rejet de sa famille à l'homme en construction sur le sol tunisien…
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