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Le monde aurait donc si vite basculé qu'on devrait oublier ce qu'il était pour soi-même ? Le poste de radio Telefunken était massif : un meuble. Bois verni, toile plastifiée, oeil vert des stations grandes ondes entre les boutons larges, et sur le dessus, le pick-up. Nous avions à la maison trois disques : La Symphonie héroïque de Berlioz, des variétés (Georges Guétary je crois) et un comique (Fernand Raynaud, mais je n'en suis plus sûr).
Le poste servait aux informations, et le "Français, Françaises" de De Gaulle dans ces années de guerre d'Algérie et de Petit-Clamart, avant qu'arrive la télévision, ceux de ma génération n'échappent pas à s'en souvenir. (...) Banalités tout cela, au regard du bruit général. On ne sait même plus dater comment il est arrivé. Musiques dans les supermarchés, musique dans les voitures, musique sur les répondeurs téléphone - ou une fin de la musique ? J'ai dû me construire comme auditeur, ça a été difficile, parce que ce n'était pas une expérience enracinée dans l'enfance, et du coup cela s'est fait directement par d'autres biais que ce qu'on nomme jazz.
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