"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Bien souvent dans le restant de sa vie, Andreas Egger repensera à ce matin de février dix-neuf cent trente-trois où il a découvert le chevrier Jean des Cornes agonisant sur sa paillasse. Dans une hotte arrimée à son dos, il l'a porté au village, sur un sentier de montagne de plus de trois kilomètres enfoui sous la neige. Pour se remettre d'aplomb après cette course hallucinée, il fait halte à l'auberge : quand le corsage de Marie, la jeune femme qui lui sert son schnaps, effleure son bras, une petite douleur l'envahit tout entier.
Andreas Egger a déjà trente-cinq ans alors, et il a construit sa vie tout seul : orphelin, il a été recueilli à quatre ans par une brute dont les coups l'ont rendu boiteux. Malgré cela, comme il le dit à Marie au moment de lui demander sa main : un homme doit « élever son regard, pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible. » Aussi prend-il part à l'aventure des téléphériques, qui vont ouvrir sa vallée à la modernité, avant d'être envoyé sur le front de l'Est, dans les montagnes du Caucase. À son retour, « le maire n'est plus nazi, à la place des croix gammées les géraniums ornent de nouveau les fenêtres des maisons » et les étables vidées de leurs bêtes abritent les skis des touristes.
Pris par la force visuelle de certaines scènes - la déclaration d'amour à Marie est un morceau d'anthologie -, et par une langue sobre et rythmée où chaque mot est pesé, on ne lâche pas ce saisissant portrait d'un homme ordinaire, devenu bouleversant parce qu'il ne se donne d'autre choix que d'avancer.
150 pages pour une vie entière, celle d’Andreas Egger, né aux alentours de 1898, mort à l’âge de 79 ans. Orphelin à 4 ans, il est confié à un parent éloigné, fermier dans un village des Alpes autrichiennes. Celui-ci n’accepte de recueillir l’enfant que moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes, et à condition que le gamin soit corvéable à merci. Cet homme brutal ne se privera pas non plus de battre Andreas à la moindre occasion, au point de le rendre boiteux.
A 18 ans, Andreas quitte la ferme et loue sa force de travail à qui en voudra. Dur à la tâche, se contentant de peu, il économise, s’achète un bout de terrain et retape la ruine qui s’y trouve.
Dans les années 30, Andreas se fait embaucher sur le chantier du téléphérique qui va ouvrir sa vallée sur le monde, ou l’inverse. A la même époque, il rencontre Marie, serveuse à l’auberge, et ils tombent amoureux.
Un toit, un travail, une femme qu’il aime et qui l’aime, une vue imprenable sur les montagnes, Andreas n’a besoin de rien de plus pour être heureux.
Puis il y aura un drame, puis la guerre. Andreas est envoyé sur le front dans le Caucase, avant d’être déporté en URSS (ses seuls voyages), où il restera prisonnier de longues années.
A son retour au village, il tentera de reprendre le cours de sa vie, mais les choses ont changé dans la vallée : l’agriculture et l’élevage ont été remplacés par le tourisme et l’hôtellerie, les flancs de sa montagne ont été défigurés par des pistes de ski. Mais Andreas va de l’avant : un homme doit « élever son regard, pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible ».
150 pages pour une vie entière, ç’aurait été peu pour raconter une vie riche d’exploits et d’aventures extraordinaires. Mais, sa vie entière, Andreas aura été un homme ordinaire et humble, pris comme tant d’autres dans les tourments de la Grande Histoire et dans les tragédies personnelles, et qui n’en fait pas tout un fromage. Simplicité, ténacité, dignité, l’amour d’une femme, du travail bien fait et de la montagne, c’est tout (mais c’est tellement) ce qui caractérise Andreas, qui vit, discret et solitaire, au rythme de la Nature, et qui observe avec perplexité les changements que celle-ci subit au nom du progrès et de la modernité.
A l’image de cette vie, l’écriture de R. Seethaler est faite de simplicité et de sobriété, d’intériorité entre les silences, de mélancolie et de tendresse. Une de ces écritures, poignante parce que dépouillée, qui s’efface devant la richesse des émotions qu’elle suscite.
Quelle délicatesse ! Quelle force simple et douce!
N'oublions jamais Andreas Egger! non, jamais.
c'est l'existence d'un de ces gens de peu qu'on oublierait même vivant.
De son enfance à sa mort, Robert Seethaler nous offre par touches successives les étapes essentielles de sa vie.
L'écriture est poétique et descriptive sans jamais perdre l'âme de son personnage, il y a résolument de l'humain dans ce roman: fort ! déterminé et entier!
Une découverte avec une certaine réserve peut-être bêtement à cause de la couverture avec cette photo qui semble vraiment désuète...
Cette vie entière est assez exotique pour moi car j'avoue que l'idée de suivre la destinée d'un homme qui a participé à la construction des téléphériques ne m'était jamais venu à l'idée.
C'est une vie rude, pragmatique, taiseuse mais en même temps, très fantastique dans l'approche de la nature, de la frontière entre la vie et la mort...
Intéressant car surprenant. Ça donne envie de lire les autres oeuvres cet auteur.
Ce roman est une bouée de sauvetage. Un grand livre bien nommé. Rarement, une lecture arrive à faire un bien aussi fou. Il calme, il est dépaysant, tout en intériorité et en manichéenne grandeur. L’espace est honoré, les montagnes ciblent l’histoire vers une aura vêtue de paysages grandioses. Andréas est un personnage battant, extraordinaire. Sa simplicité est une couronne de roi. On aime rester entre les lignes de Robert Seethaler et en mimétisme on plonge dans le vécu d’Andréas. Ce roman est un hymne à la nature, un contre poids contre le modernisme. La simplicité d’Andréas est l’apaisement de ce roman qui se regarde et qu’on admire. Il en devient vivant. Et c’est une vraie réussite. On achève la lecture le cœur tremblant de cette neige littéraire hors pair qui renforce la beauté certaine de cette belle histoire. Cette pépite est une rareté. Un roman qui reste et qui devient incontournable. Publié par Les Editions Gallimard en collection Folio, ce roman pourra se glisser dans un sac à dos pour continuer le périple d’Andréas au fond de lui-même et jusqu’aux cimes éternelles.
J'aime ces romans où la nature et la montagne en particulier sont présentes à chaque page. Le héros Andreas Egger traverse la vie de la ville qu'il quitte dès son plus jeune âge suite au décès de sa mère à ce village de montagne autrichienne où il restera quasiment toute sa vie, et l'on suit son parcours.
Cette vie simple est racontée avec beaucoup de pudeur, de poésie, un certain fatalisme face aux évènements mais une volonté farouche d'avancer malgré tout.
"Un homme doit élever son regard pour voir plus loin que son petit bout de terre, le plus loin possible"
Une belle histoire d'un homme seul et taiseux qui avance un pas après l'autre sans se soucier des autres et sans vraiment comprendre le monde, il fait son bonhomme de chemin c'est juste beau et reposant.
Ce roman décrit la beauté infinie qui se niche dans les silences et dans la vie rude des montagnes. L’auteur, raconte les joies, les espoirs, les rêves, les chagrins et les peurs d’un homme simple et attachant, au fond tout ce qui compose une existence ordinaire. A ce portrait intimiste et profondément juste s’ajoute celui de la nature. Par contre, quelques allers retours anachroniques dans la vie du narrateur font perdre le fil de l’histoire. Les épisodes de la vie du personnage central résumé à grands traits comme lors de sa guerre sur le front russe laissent perplexe. L’ensemble reste toutefois très émouvant.
Début du vingtième siècle. Andréas Egger, garçonnet de 4 ans, quitte la ville pour la montagne où, après la mort de sa mère, il est mis en garde chez un oncle maternel contre quelques billets.
Eduqué plus qu’à la dure par un homme qui le fait travailler et le bat au point qu’il en reste boiteux, Andréas quitte la ferme dès que possible, louant ses bras comme manoeuvre le plus souvent.
C’est alors que les vallées calmes et reculées commencent à être envahies par de nouveaux venus, qui veulent implanter des téléphériques pour livrer les sommets aux touristes et skieurs. Sans hésitation, Andréas se fait embaucher. Sa force et son endurance le font côtoyer les sommets où il trouve sa place.
Mais bientôt l’histoire le rattrape, et il est envoyé comme soldat sur le front russe. Il combattra peu de temps, avant d’être capturé et envoyé en camp pendant de longues années.
De retour au pays, il tombe amoureux d’une jeune fille, qu’il épouse et grâce à laquelle enfin il entrevoit un avenir joyeux. Encore une fois la malchance s’abat sur lui sous la forme d’une avalanche qui emporte son épouse et ses rêves.
Bon an mal an, Andréas poursuivra sa vie sur sa terre d’adoption, travaillant comme guide pour les randonneurs puis s’enfermant de plus en plus dans ses souvenirs…
Ce court roman, s’il n’est pas inintéressant, ne m’a pas passionnée. J’ai eu du mal à m’attacher à ce personnage car je n’ai pas été sensible à l’écriture, trop descriptive à mon goût. J’ai néanmoins apprécié le portrait de cet homme ordinaire confronté aux malheurs, au changement, à la dureté de la vie et qui parvient cependant à rester lui-même.
https://mesmotsmeslivres.wordpress.com/2017/02/11/une-vie-entiere-de-robert-seethaler/
Quand on aime un livre, on en fait une belle chronique enfin je crois et je pense donner aux gens l’envie de se plonger dans cette merveilleuse histoire :
« On peut acheter les heures d’un homme, on peut lui gâcher ses journées ou encore lui voler toute sa vie. Mais personne ne peut prendre à un homme ne serait-ce qu’un seul de ses instants et sa liberté de penser » …
Andreas Egger est né le 15 Août 1898 et après la mort de sa mère il est confié à son oncle, un paysan brutal, inhumain, qui à force de coups finit par l’estropier et il sera boîteux. Quel bonheur peut espérer ce garçon sans grande éducation, taiseux, dressé au fouet ? mais la volonté d’Andreas va se frayer un chemin…
Dans ce court roman il y a une beauté infinie qui se niche dans les silences et dans les interstices du texte, une pure beauté décrivant sa rude vie dans ses montagnes sa grande passion.
Ce que décrit Robert Seethaler, ce sont les joies simples, les espoirs, les rêves, les désastres intimes, les chagrins et les peurs d’Egger, au fond tout ce qui compose une existence ordinaire.
A ce portrait intimiste et profondément juste s’ajoute celui de la nature et de la montagne tant aimée par Andreas, exigeante dévorante, cruelle. Elle lui donne autant qu’elle lui reprendra.
Robert Seethaler confirme son talent et en lisant le roman de cette vie là, tout est en émotion retenue.
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