Il n'est pas trop tard pour les découvrir... ou les offrir !
Il était une fois, en 1988, une jeune fille envoyée en colonie de vacances en France par le parti communiste tchécoslovaque. Au dernier moment, sur le quai de la gare de l'Est, Ana refuse de rentrer. Elle vient d'avoir 18 ans et décide de changer le cours de son destin.
Écrit avec la même splendide énergie que Giboulées de soleil (Prix Renaudot des lycéens 2016), Une verrière sous le ciel nous place dans le Paris de la fin des années 1980, auprès d'un personnage qui se demande comment grandir, être libre, connaître le monde au-delà des apparences. Elle le découvrira à travers les mots et les gestes des autres.
Un roman touchant , étrange ...j'ai mis un peu de temps à rentrer dans cette histoire mais ensuite il en reste quelque chose d'émouvant...
Un peu long et traînant parfois, ce roman gagne cependant à être découvert et son auteure à être lue. Je l'avais déjà rencontrée dans son précédent et très bon opus Giboulées de soleil. Cette fois-ci encore elle décrit une femme, Ana qui va se découvrir et se révéler au fil des pages. De jeune femme fragile et timide, elle devient une femme avec des envies, des désirs qu'elle compte bien réaliser. Elle s'y autorisera et l'on sent bien, une fois le livre fermé qu'à l'aube de ses vingt ans, l'avenir lui appartient et qu'elle fera tout pour le façonner à ses souhaits.
Lenka Horňáková-Civade écrit de très belles pages sur la création qu'elle soit littéraire ou picturale, car l'un de ses personnages est peintre et la verrière du titre protège son atelier autant qu'elle y fait entrer la lumière. A noter que l'auteure est aussi peintre et née dans l'actuelle république Tchèque, elle parle donc ce de ce qu'elle connaît bien. J'ai bien aimé également les pages sur la manière dont l'éducation, les règles de la société dans laquelle on vit nous forge ; comment ce qui nous est inculqué nous reste à vie, mais que tout cela peut être tempéré ou accentué par les rencontres, ce que l'on apprend des autres. Elle explique bien aussi comment un symbole, une date, un rite particulier d'un pays n'est pas le même dans un autre. Elle prend l'exemple du 1er mai en France et en ex-Tchécoslovaquie où là-bas, il fallait défiler à la gloire du pays.
C'est bien vu, cela permet de changer un peu sa manière de voir les choses, et de se rappeler tout ce que peut nous apporter l'autre, surtout lorsqu'il est étranger, un formidable contre-pied au discours de peur et de haine contre les réfugiés actuels passés et futurs.
La jeune fille qui dit NON
Conte d’apprentissage.
Il était une fois une jeune fille qui vivait bien loin de la Tour Eiffel, du Sacré Cœur et de Notre Dame de Paris. Elle venait d’un pays de l’Est, la Tchécoslovaquie.
Il y a seulement huit jours son père lui avait dit : « Tu pars en colonie de vacances à Paris. »
« Pour une fois ils étaient d’accord. Cette nouvelle fut une telle surprise pour moi que mon silence ébahi fut pris pour un accord. J’aurai voulu me révolter mais, je ne savais pas comment. Ne pas y aller, c’était rester avec eux ; y aller, c’était courber l’échine, plier. Non, ça n’aller pas fort entre nous… »
Oui, mais voilà, à la fin de son séjour « la jeune fille » a dix-huit ans. La majorité, le sésame vers la liberté ?
Mais pour cela il a fallu oser dire NON. Faire plier les adultes à cette volonté toute neuve d’émancipation.
Alors ses pas la conduisirent au-delà des murs de cette gare… C’est là, ici et maintenant, que tout est possible.
Ses pas l’emportent, elle a des « semelles de vent », qui la conduisent vers le cimetière du Père Lachaise, où gisent des gens célèbres.
Au détour d’une allée quelqu’un la domine et ne s’adresse qu’à elle, alors qu’il y a foule.
Cette forme dit s’appeler Grofka, est-ce une bonne fée ou bien autre chose ?
La jeune fille devient Ana. La fée l’emmène dans un café où elle entre comme chez elle. Va s’ensuivre une pantomime de présentation qui rend le lieu encore plus étrange. Et trois petits tours et Grofka s’en va.
Au Café de la joie du peuple, il y a les habitués et leurs rituels.
Au bout du bar, il y a un cagibi avec son fenestron…
La jeune fille qui a dit NON, apprend la liberté, elle a une seule certitude, d’où qu’elle vienne, où qu’elle vive désormais, « l’enfance ne se traduit pas ».
La chenille Ana tisse de fils de soie son cocon, jusqu’en avril 1989. Muette, elle se nourrit du quotidien de Bernard, le patron du café, de Jacob et Yacoub les fidèles, d’Eugène l’esthète et surtout d’Albert peintre-sculpteur.
Chacun lui apporte quelque chose.
Les nuits lui appartiennent, elle foule les rues de Paris, elle engrange, les lieux, les senteurs, les mystères de cette ville où elle vit désormais.
Albert sera un vecteur vers la vie, vers la beauté et qui lui apprendra à décupler sa capacité de voir.
« Et puis, on le dit bien dans les livres saints : au début il y avait le Verbe. Le silence n’est pas mentionné. »
Devenue chrysalide, Ana, sous la verrière de l’atelier d’Albert, la lumière l’enveloppant de ses couleurs toujours changeantes, continue à ne pas se révéler.
La chrysalide, découvre les anecdotes du pays, les réflexions sur la liberté. Par un jeu de miroir, elle confronte les valeurs de son pays d’origine à celles de sa terre d’accueil. Elle fait semblant de s’abandonner aux autres mais pour mieux se découvrir.
Elle aura sa vérité à elle mais sans l’imposer aux autres, elle se forge, se renforce, encore et encore.
Le papillon est prêt à prendre son envol. Les ailes d’Ana s’ouvrent sur L’histoire revisitée, les fondements et les matériaux sont là.
Le papillon se pose dans les dernières pages et il nous cueille comme un uppercut.
Car il y a un moment où il y a devoir d’émancipation, se créer, se libérer.
Il était une fois, la liberté de « celle qui’ s’inventa, à l’aube de la jeunesse et au moment où elle peut se croire immortelle.
Lenka nous offre un conte d’une force inouïe, du silence éloquent à l’obscure clarté, une vie en devenir.
Une narration parfaitement maîtrisée, une identité littéraire.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 19/02/2018
http://www.leslecturesdumouton.com/archives/2018/02/07/36111891.html
Il était une fois une jeune fille de dix-huit ans qui dit non. Un non, aussi franc et déterminé que surprenant pour elle-même, retentit à la gare de l’Est. Non, elle ne repartira pas en Tchécoslovaquie. Oui, elle dit adieu à ses parents et à la dictature soviétique. Oui, Ana goûtera à la liberté et au bonheur. D’ailleurs, le bonheur, n’est-ce pas ce que lui promet une drôle de femme, mi-fée mi-sorcière ? Elle s’appelle Grofka, elle la rencontre au cimetière du père Lachaise et elle lui dit de garder le silence pour accéder à la félicité. Ana obéit et se retrouve hébergée dans un café tenu par Bernard. Elle y fait la rencontre d’habitués, aux « âmes cabossées » qui forment finalement une famille de substitution. Trois d’entre eux sont même les « fées barbues » de la jeune femme. Et puis, il y a Albert, le peintre-sculpteur qui la prend pour modèle chez lui, à la lumière de sa verrière sous le ciel…
Lenka Horňáková-Civade nous avait brossé de bien beaux portraits de femmes dans son premier roman Giboulées de soleil. Dans ce nouveau roman, elle nous peint une bien jolie jeune femme qui aspire à la liberté. L’art a d’ailleurs une place importante dans le récit au sens propre comme figuré. La jeune Ana est modèle pour l’artiste Albert mais, au fil de ses rencontres et de sa vie à Paris, elle se découvre, se révèle. Elle se sculpte physiquement et psychologiquement en une femme forte, indépendante, éprise d’un nouveau souffle après des années de corsetage dans cette Tchécoslovaquie qui connaît ses dernières heures sous le joug soviétique. Mais, se (re)construire n’est pas forcément simple quand on est si loin de ses repères. D’ailleurs, que reste-il de ces repères quand le monde qu’on a toujours connu s’effondre un 9 novembre 1989 ?
Ce second livre de Lenka est un magnifique roman d’apprentissage sous des allures de conte, genre dont elle rend un hommage appuyé dans son autoportrait en fin d’ouvrage. Il montre bien la difficulté des choix pendant une période charnière de l’histoire européenne : la chute du communisme. Il a pourtant un écho dans notre actualité brûlante avec le sort des migrants en Méditerranée aspirant eux-aussi à la liberté et au bonheur. Enfin, j’ai beaucoup aimé la façon dont Lenka a utilisé les fleurs dans son roman. Leur symbolique, leur langage permettent de mettre des mots là où les bouches se taisent. Il est un moyen aussi de faire le lien entre les gens, entre les cultures, entre le passé et le présent.
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