"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Kenza est médecin à l'hôpital de son village. Son père, instituteur, lui a transmis sa passion des livres, tandis que sa mère lui a appris à tenir une maison. Depuis toujours Kenza se sent différente des autres, en rien semblable à sa mère ou à ses camarades de classe. Habitée par un vif désir de connaissance, elle fait tout pour échapper aux conventions de son milieu social. Aussi, quand ses parents lui annoncent avec joie qu'un jeune homme, ami du frère, a demandé sa main, offusquée par ce procédé, Kenza n'hésite pas à s'enfuir. Elle fuit cette « odeur de henné », l'emprise de la tradition et la mascarade des mariages arrangés. Mais déchirée entre ses aspirations à l'émancipation, les réconforts de la tradition et ses propres empêchements, Kenza finit par rejeter également cet espace de liberté qu'elle s'est octroyée en partant pour Paris.
Cécile Oumhani fait vivre un personnage attachant, parfois irritant, qui se débat dans ses contradictions, vit intensément ses émotions, s'émancipe, mais à quel prix, et découvre à travers la souffrance une forme de liberté.
C’est toujours un grand plaisir d’ouvrir un livre de Cécile Oumhani.
Kenza est devenue médecin avec le soutien de son père, enseignant, qui ne lui a jamais refusé l’accès à la bibliothèque familiale. Le seul problème, en plus d’être une femme, est qu’elle n’est toujours pas mariée et, dans la campagne tunisienne, ce n’est pas bien vu. Ses parents, son père y compris, aimerait la voir mariée avec enfants et ainsi perpétuer la tradition. C’est ainsi que se présente un ami de ses frères qui la demande en mariage. C’est un homme genre self-made-man qui se veut plus européen que tunisien et c’est ce qu’il apprécie en Kenza, une femme « moderne » et affranchie des diktats religieux. Soit, mais c’est quand même lui qui fait construire la maison où ils vivront sans en référer à sa future femme. Kenza ne se voit pas jouer les maîtresses de maison, pourtant elle accepte le mariage, surtout lorsque le fiancé lui accorde le droit de partir à Paris poursuivre ses études pour une spécialisation médicale dans la recherche, son souhait le plus cher.
En Tunisie, elle passe pour une femme affranchie, portant robe européenne et cheveux non couverts, mais arrivée à Paris, elle se perd, n’a plus les codes. Sa soif de liberté est prise au piège de son éducation. Elle se heurte à beaucoup d’obstacles qui sont en elle, son éducation ne lui permet pas de s’émanciper. Elle se cache derrière son travail, puis derrière un voile, elle qui trouvait arriérée ces femmes voilées. Bref, comme le hérisson, tous les piquants sont dehors alors qu’à l’intérieur d’elle-même c’est la pagaille, voire un gigantesque maelström. Même l’arrivée de Jacques, dans sa vie ne la dégèlera pas. Oui, ils sont très attirés l’un par l’autre, mais elle est fiancée au pays et, pour mieux fuir, elle s’enferme derrière son voile et ses tenues austères.
Ne se sentant pas à l’aise à Paris, une fois son diplôme en poche, elle retourne chez elle, toujours voilée. Son fiancé ne semble pas trop d ‘accord « Quand je t’ai connue, tu étais normale, enfin, tu t’habillais comme la plupart des femmes de ton âge… C’est ce qui m’avait pu en toi… Alors si tu veux te marier avec moi, il faut que tu enlèves ton foulard. »
A l’intérieur, toujours le Vésuve, la guerre. Un torrent de contradictions se déverse dans son âme, elle est perdue et donc, se referme encore plus sur elle. A son retour, elle apprend la mort de sa grand-mère maternelle Khadija, son repère, son phare qui lui permet d’aller au-devant des convenances tunisiennes et un rempart, une digue cèdent.
Le retour au pays permettrait-il d’y voir plus clair ?
Cécile Oumhani à travers le portrait de cette femme cultivée, active, fait le portrait de toutes les femmes, pas seulement arabes, qui veulent évoluer, changer leurs conditions. Les difficultés d’adaptation, le choc des cultures, la non possession des nouveaux codes de vie, font apparaitre les contradictions, les peurs, l’envie de retourner dans le cocon familial ou un autre abri. Elle nous montre combien il faut de force pour s’arracher de ce cocon. Elle n’oublie pas les femmes plus soumises, plus traditionnelle telle Zina, sa mère, l’étudiante portant foulard et robes ternes et, Khadija sa grand-mère.
Une fois de plus, je suis séduite par la plume de Cécile Oumhani qui nous fait mieux comprendre la Tunisie, l’écartèlement des tunisiens entre modernisme et traditions et, de ce fait, la montée de l’islamisation.
Les éditions Elyzad sont, pour moi, source de lectures très intéressantes ;
Une odeur de henné, initialement paru en 1999 est régulièrement réédité en format poche. Il faut savoir que ce format, chez Elyzad, est d’une très belle qualité.
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