"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Années 70. Toute sa vie, Christine a couru pour se libérer des chaînes. Celles du deuil, du patriarcat ou de la colère. Et puisqu'il n'y a que dans la course qu'elle se sent libre, elle décide de s'inscrire au Marathon de France. Mais elle ignore encore qu'il est interdit aux femmes d'y participer. Pour elle, les obstacles seront bien plus nombreux que les 42 kilomètres qui la séparent de la victoire...
Alors que Kid Toussaint nous proposait l'an dernier un récit sur le premier marathon de l'Histoire (cf La course du siècle chez Le Lombard), Gwénola Morizur aborde une autre facette méconnue du sport : le droit aux femmes de participer au marathon.
L'auteur aborde ici plusieurs sujets communs : la position de la femme dans la société et dans la famille, dans les années 70. Et ceci que l'on parle de travail, d'éducation, de droits ou de sexualité.
Au fur et à mesure que l'héroïne parcourt les kilomètres la séparant de la ligne d'arrivée, on découvre son passé, et donc tous les sujets évoqués plus haut. Et nous voilà donc embarqué dans un marathon de lecture, devorant page après page la vie de cette femme des '70 qui changera à jamais la place de la Femme dans la société (même si ici c'est une fiction, elle est bel et bien inspirée d'icones connues)
C'est une bd très réussie qui aurait mérité d'être encore plus développée (tout comme "la course du siècle"), tellement il y a à raconter. J'aurais aimé que la fin soit plus approfondie, même si un beau dossier vient nous apporter un complément d'information.
Visuellement, c'est tout aussi réussi, notamment les passages de course, la sensation de vitesse, la foule, la destruction physique... tous ces éléments qui nous plongent vraiment dans l'ambiance.
La petite Christine, à 10 ans, a trouvé son exutoire.
Elle court.
Pour faire taire les garcons, elle court.
Pour atténuer la douleur du décès de sa tendre mère, elle court.
Pour endurer la rudesse de son père et du travail à la ferme, elle court...
En grandissant, son rêve s'affirme. Elle fera le marathon de Paris ! Elle s'entraîne dur, seule, elle apprivoise la douleur, elle s'envole...
Mais en ce début d'années 70, elle qui a du, enfant, s'excuser de courir plus vite qu'un garçon, Christine n'imagine pas que les femmes n'ont pas le droit de courir plus d'1 km 5 !
Tant pis, elle se déguisera, et elle leur montrera à tous ce qu'est une femme dans la course sur 42 km !
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Il n'est pas si loin ce temps où on invoquait des prétextes fallacieux pour justifier que nous ne pouvions pas courir plus d'1 km 5 ! Inapte, aberrante, et puis c'est moche une femme qui court, dites !
Alors voilà, les J.O terminés, aujourd'hui courent des amputés, des déficients mentaux, visuels, et même des femmes, voire des femmes handicapées !
En 50 ans, on a tout de même réussi à faire des progrès !
Sauf que pour en arriver là il a fallu des Katherine Switzer, agressée par le directeur de course pendant son marathon. Des Chantal Langlacé déguisée en homme sur la ligne de départ, refusant ensuite de rencontrer un ministre des sports qu'elle ne considérait pas sien.
Il en a fallu, des filles, des mères, relevant la tête et refusant de plier pour défendre leur droit de s'accomplir.
~
Gwen Morizur et Marie Duvoisin ont créé leur Christine d'après les histoires de toutes ces femmes courage.
Courage non pas de courir, mais de s'opposer à une société qui avait décidé pour elles sans les consulter, sans les considérer, sans même les connaître !
Confrontée aux gens (et oui, des femmes aussi) qui l'ont jugée, maltraitée, mais heureusement aussi grâce à tous ceux qui l'ont soutenue, Christine court !
Et toutes les Christine du monde aujourd'hui devraient pouvoir courir, pas pour battre un homme, pas pour s'excuser, pas par revendication, mais pour s'accomplir.
Pour elles !
Années 60, Christine vit heureuse dans la Creuse entourée de ses parents agriculteurs. Malheureusement, sa maman enceinte décède et la fillette se retrouve seule avec son père anéanti.
C’est alors qu’elle se met à courir dans les champs. Cet exercice lui permet d’évacuer le trop plein d’émotions qui est en elle. Elle en vient même à battre les garçons qui osent se mesurer à elle. D’ailleurs son père Yvon ne voit pas d’un bon œil cette façon d’agir. Il trouve cela indigne, une fille devant rester à sa place. Mais le besoin de courir devient viscéral et indispensable pour Christine afin de maintenir son équilibre.
Dix ans plus tard, Christine décide de rejoindre Paris en car puis en stop. Sa décision est prise, elle veut courir un marathon. Pour cela, la coureuse est allée à l’encontre de ce que pensaient les uns et les autres. Elle a refusé de se marier et de rester à la maison, préférant le travail des champs.
Mais un barrage se dresse devant elle. En 1971, courir le marathon de France est réservé uniquement aux hommes. Pleinement décidée à vivre son rêve, la jeune femme revêt une tenue ample et cache sa chevelure sous une casquette. Inscrite sous le prénom de Chris, elle s’aligne sur la ligne de départ. Mais comment passer inaperçue au milieu de cette foule masculine ?
Vous pensiez que courir était une activité libre de toutes contraintes ? Effectivement, ça l’est aujourd’hui, mais cela n’a pas toujours été le cas. Même si ce récit, scénarisé par Gwénola Morizur et dessiné par Marie Duvoisin, est fictionnel, il s’appuie bien évidemment sur des expériences sportives vécues par des coureuses.
Comme celle de Kathrine Switzer empêchée de terminer le marathon de Boston en 1967, parce qu’elle était une femme.
Comment imaginer aujourd’hui que les femmes aient pu, à une époque, être interdites de compétition sous prétexte d’inaptitude à courir plus de 1,5 km !
Une Femme dans la course est un très intéressant retour sur un combat contre une certaine forme de patriarcat et sur la lutte des femmes pour obtenir des droits qui nous paraissent maintenant une évidence même.
Une femme dans la course - Marie Duvoisin et Gwénola Morizur
"C'est très étonnant, mesdames et messieurs, on a jamais vu ça : un corps de femme qui court, je vous assure, n'est vraiment pas esthétique..."
Elle veut courir, elle en a besoin, c’est vital pour elle de pouvoir s’élancer et de fuir loin de sa douleur et de ce que les hommes veulent lui imposer. Depuis la perte de sa mère, alors qu’elle était enfant, Christine court, toujours plus loin, toujours plus vite. Alors adulte, alors qu’elle entend parler du marathon de France, elle n’hésite pas un instant et s’inscrit, mais en 1971 la course n’est pas ouverte aux femmes. Tant pis, Christine montrera qu’elle aussi peut relever ce défi.
En lisant cette BD, j’ai évidemment pensé à Kathrine Switzer, qui a couru le marathon de Boston malgré les interdictions liées à son sexe, tout en subissant les attaques des organisateurs. C’est un bel hommage à ces femmes qui se sont battues pour avoir le droit de faire comme les hommes et pouvoir pratiquer les mêmes sports qu’eux. On retrouve dans le récit plusieurs références à des commentaires « historiques » sur les sportives, et même si cela peut sembler absurde, il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui encore, on entend trop souvent des commentaires sexistes lors d’épreuves sportives.
Alors certes, je ne tenterai jamais un marathon (je me tiens très éloignée du sport), mais bravo à toutes celles qui entreront dans la course.
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