"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une mère ogresse.
Un récit fulgurant qui - faisant le portrait d'une mère destructrice et d'une vie sauvée par les livres - marquera le lecteur.
On le sait, et l'oublie trop souvent, les contes ne sont pas que pour les enfants. Ils disent ce qu'il y a de plus terrible et dangereux. Bien mieux, bien plus, que beaucoup de romans.
Une Fêlure est un récit. C'est aussi un conte. Il livre l'errance, l'horreur d'une famille. Et révèle comment la littérature peut sauver alors la vie.
De bons parents. Une enfance extraordinaire. Pas un nuage à l’horizon. Mais cela existe-t-il vraiment ?
Une fêlure dit ce qu’il y a de plus dangereux et destructeur dans une famille. Ce qui se produit dès la naissance ne fait que monter en puissance avec l’âge. Les dégâts sont là, irréversibles. On cache pour donner le change. On met un pansement pour éviter la fracture complète. On nie, peut-être. La cassure est –elle inévitable ?
L’enfant avance, avec cette peur permanente, cette sensation de ne jamais s’en sortir. Et puis la littérature, pour se sauver d’une noirceur à jamais gravée. Seule échappatoire viable.
Ce texte ne rentre dans aucune case, tout comme Notre Château (paru en 2016) dont l’écriture m’avait bluffée, trônant dans ma bibliothèque. J’aime la particularité de l’écriture d’Emmanuel Régniez. Il m’envoute un peu plus à chaque page. Bouleversant.
« Ce que je vais vite apprendre et expérimenter, c’est la fêlure, c’est l’impression d’être brisé, quelque part, de l’intérieur, et que chaque pas que je fais peut contribuer à casser un peu plus mon vase intérieur en porcelaine. »
http://www.mesecritsdunjour.com/archives/2022/09/12/39627429.html
Ecrire pour se sauver ? C'est le pari du narrateur, la littérature permet de raconter l'irracontable dit-il.
Dans une première partie, de courts chapitres donnent à voir une enfance idéale à travers un choix de mots, de beaux mots qui disent une mère aimante, des soirées familiales diapos,une passion commune pour les livres.Mais les références aux contes d'Andersen et Perrault alimentent l'inquiétude du lecteur.Dans une deuxième partie, le narrateur explique qu'il s'agit d'une idéalisation,il avoue que cette vie familiale harmonieuse, il ne l'a pas connue , il a vécu des meurtrissures, une fêlure.Sa mère est une ogresse , sans limites, qui ne prend pas soin de ses enfants, comme empêchée d'agir . Issue d'une famille d'alcooliques, placée à l'assistance publique, pouvait -elle être autre? le narrateur trouve le réconfort chez sa grand-mère paternelle très aimante.Les parents se font mutuellement mal par leur libertinage et la mère s'enferme dans une vengeance sans limites.
Le ver est dans le fruit dès le mariage des parents et les enfants sont témoins de leur mésalliance.Alors l'auteur sous forme de conte évoque la débauche dans le foyer, les enfants qui se tripotent , la mère qui initie à la sexualité son fils aîné qui , cabossé, quittera la maison pour se sauver.
Une mère ogresse. Un récit fulgurant qui - faisant le portrait d'une mère destructrice et d'une vie sauvée par les livres - marquera le lecteur. On le sait, et l'oublie trop souvent, les contes ne sont pas que pour les enfants. Ils disent ce qu'il y a de plus terrible et dangereux. Bien mieux, bien plus, que beaucoup de romans. Une Fêlure est un récit. C'est aussi un conte. Il livre l'errance, l'horreur d'une famille.
Et révèle comment la littérature peut sauver alors la vie.
Les textes d'Emmanuel Régniez sont fascinants. Tous. Et je dis fascinants parce que l'on plonge dans un univers qui est le nôtre sans l'être vraiment. Les contours sont flous, les mots font peur. On voit trouble et l'on sent obscurément que derrière leur allure anodine, se dissimule le pire, le gouffre dans lequel on va plonger. Alors, on les lit lentement ces mots. Ils sont si beaux, tout est si beau. Tenez, dans ce dernier roman « Une fêlure », il a l'air tellement heureux ce petit garçon. Il est doux, gentil, ses parents l'aiment et le ciel est bleu. Le monde est parfait, bien lisse, satiné. On l'envie même cet enfant aux parents bienveillants qui ne se disputent jamais. Des parents qui lisent, qui font « bibliothèque commune », qui emmènent leur petit chéri tous les samedis à la librairie. Et il choisit ce qu'il veut, et les parents aussi achètent des livres et le soir, tandis qu'ils sont couchés, l'enfant entend ses parents parler et se dire : « Je te conseille celui-là » et la mère répond « Je te conseille celle-là ». Peut-être parle-t-elle d'une bande-dessinée. Le père conseillera au fils la lecture de Proust. Mais pour plus tard. Chaque chose en son temps. Il ne faut rien précipiter au risque de faire entrevoir à l'enfant chéri que la vie peut être autre chose. Plus tard. Il a bien le temps de se confronter au monde. Il vaut mieux qu'il reste dans son cocon de ouate, dans son petit nid de coton tout chaud, tout beau, tout calme. Si silencieux. Si paisible.
Et pourtant ce titre « Une fêlure ». Quelle fêlure ? Ce monde idéal, parfait, merveilleux peut-il se fissurer, se fracturer, s'ouvrir ? Non, n'est-ce pas, dites-moi que non…
Je vous invite à découvrir les œuvres d'Emmanuel Régniez (l'admirable « Notre Château », « Madame Jules »), des petits récits dont l'atmosphère étrange et onirique vous enveloppe progressivement jusqu'à ce que soudain, leurré par des mots simples, doux, soyeux, vous compreniez que vous avez basculé dans le pire, l'insoutenable. Mais il n'est plus temps de vous relever. Vous y êtes. Et le texte hantera désormais votre esprit. Je vous aurai mis en garde… On n'entre pas impunément dans un texte d'Emmanuel Régniez… Vous êtres prévenu.
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