"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Merci à vous et je vous souhaite d'agréables instants.
La mule que Leonardo tient par la bride trébuche, s'ébroue et souffle. Depuis qu'ils ont passé Lyon, la route est à la fois plus fréquentée et plus facile. Il n'empêche que deux mois de voyage ont fatigué les bêtes et les hommes aussi.
«J'étais encore dans l'atelier de Verrocchio, à cette époque, commence Leonardo. Je m'en souviens comme si c'était hier...» D'Homère à Picasso et Lee Miller, de l'Antiquité au XXIe siècle, du Japon à l'Amérique en passant par l'Europe, vingt et un artistes vivent sous nos yeux un tournant dans leur existence, un moment décisif pour l'élaboration de leur oeuvre.
Dans la lignée de son précédent ouvrage Vincent qu'on assassine, consacré aux deux dernières années de la vie de Van Gogh, l'auteur montre à travers ces nouvelles les plus grands créateurs aux prises avec les instants qui scellent leur destin.
https://leslivresdejoelle.blogspot.com/2021/08/un-instant-dans-la-vie-de-leonard-de.html
J'ai découvert Marianne Jaeglé avec son inoubliable "Vincent qu'on assassine" sur les deux dernières années de la vie de Van Gogh.
"Un instant dans la vie de Léonard de Vinci" est un recueil constitué de nouvelles consacrées à de grands artistes, écrivains, musiciens, photographes, sculpteurs, peintres... Vingt et une nouvelles de quelques pages. Pour chacune d'elles Marianne Jaéglé part d'un détail, d'un instant de vie décisif dans la vie de l'artiste.
Elle nous offre un voyage dans le temps qui nous mène d'Homère à l'époque contemporaine, un voyage au travers de plusieurs arts aux côtés de Charlie Chaplin, Claudel, Malaparte, Colette, Dostoïveski, Le Caravage, Picasso... un choix très éclectique qui contribue au charme de l'ouvrage.
L'écriture est élégante, précise, la plume s'adapte avec finesse à chaque récit. Un recueil dans lequel je me replongerai avec délice au gré de mes rencontres avec certains de ces artistes au fil de mes lectures.
Marianne Jaeglé a convoqué quelques figures du monde de l’art, de Homère à Harper Lee s’il vous plait, pour faire revivre un court instant de leur vie. Court mais immortel. Un peu comme si elle avait repris un carnet de bal et aurait souhaité refaire quelques pas auprès de ces très riches heures de l’humanité…
L’autrice a voulu rendre hommage à ces artistes qui l’accompagnent au fil des jours en recréant ce qu’ils ont vécu à un moment de leur vie, un fait parfois connu, parfois méconnu, parfois oublié. Avec une délicatesse exquise telle cette note en fin d’ouvrage où elle clame si véridiquement que « les œuvres que nous aimons nous aident à vivre ».
Selon son propre carnet de rencontres artistiques à travers la littérature, la peinture, la sculpture, la photographie, le cinéma, des nouvelles vont davantage charmer, donner l’envie de relire un roman, revoir une photo. Et même de relire quelques passages du présent ouvrage pour saluer la grandeur du passé avec l’élégance d’une plume scripturale d’aujourd’hui.
Mais quels sont ces personnages qui continuent de vivre au-delà de leur tombe ? Théophile Gautier, Felix Mendelssohn, Charlie Chaplin, Curzio Malaparte, Colette, Fiodor Dostoïveski, Homère, Romain Gary, Lee Miller, Harper Lee, Pablo Picasso… pour ne citer que quelques noms de cette vaste galerie qui se termine en apothéose avec le maître de Florence et d’Amboise.
Un écrivain amoureux d’une danseuse, une sœur vivant dans l’ombre de son frère compositeur, un concours de Charlot, l’atrocité d’une guerre, des écrits retrouvés qui donneront naissance aux belles lettres féminines, une peine de mort qui ne sera pas capitale, un aède à peut-être la cécité métaphorique, des photos compromettantes, la baignoire d’Hitler, la ségrégation aux Etats-Unis, un peintre répondant à une question d’un dignitaire nazi… des rushes portés avec une virtuosité confondante comme si les mots étaient à la fois une caméra, un pinceau, une partition pour se fondre ensemble dans un immense tableau dans cette pinacothèque de l’humanité artistique.
Blog Le Domaine de Squirelito => https://squirelito.blogspot.com/2021/07/une-noisette-unlivre-un-instant-dansla.html
Dans le merveilleux Vincent qu'on assassine, Marianne Jaeglé faisait une démonstration époustouflante de son talent à entrer dans la tête de son sujet, à s'emparer de ses pensées et à les donner à ressentir à son lecteur, transporté et captivé. Van Gogh prenait vie, ses souffrances étaient les miennes, je voyais les couleurs qu'il percevait, j'entendais les sons qui le hantaient, je vivais ma lecture par tous les sens. Dans ce nouveau livre, elle choisit le format court, celui qui permet de capter très précisément un moment essentiel, un point de bascule. Elle nous offre vingt-et-un instantanés qui sont autant de plongées dans l'esprit de personnages qui ont marqué l'Histoire et le monde de l'Art. Écrivains, poètes, peintres, sculpteurs, photographes... saisis dans l'instant qui les révèle, ou au contraire souligne le mystère de la création, en explore les contours pour mieux en éclairer la beauté faite de complexité. C'est fin et d'une impeccable précision.
J'ai beaucoup apprécié d'abord l'éclectisme des portraits qui permet d'explorer plusieurs époques et plusieurs arts, de Chaplin à Homère, de J.K. Rolling à Malaparte, de Picasso à De Vinci en passant par Lee Miller, Irène Némirowsky ou Colette. En quelques pages, moins de dix en général, l'auteure nous projette dans un décor, un esprit, un contexte historique avec une facilité déconcertante. Pour certains, c'est une découverte totale (Matsuo Munefusa pour ce qui me concerne), pour d'autres cela permet de donner un contour à un nom lu ici ou là. Mais pour la plupart, déjà souvent croisés grâce à leurs œuvres ou à d'autres écrits, c'est l'impression d'entrer dans leur intimité. Chacun réagira donc en fonction de son degré de connaissance des uns et des autres ce qui promet des lectures très personnelles. Chacun sera plus ou moins sensible selon ses affinités. J'ai été très touchée par l'instant dans la vie de Colette et cette expérience singulière des premiers cahiers, "s'asseoir, tremper la plume dans le liquide à l'odeur amère, tracer patiemment une lettre après l'autre, comme on coud, comme on jardine, comme on prépare des confitures et qu'on fait grandir des enfants, sans impatience, elle sait qu'il suffit de s'y mettre, jour après jour, et de ne pas hésiter à raturer". J'ai été émue comme à chaque fois que je croise le visage de Lee Miller, foudroyée par cet instant terrible en compagnie de Curzio Malaparte déjà croisé dans de nombreux romans et qu'il va bien falloir que je me décide à lire un jour. Primo Levi m'a serré le cœur, j'ai eu envie de gifler Félix Mendelssohn, Picasso m'a fait sourire jaune et j'ai bien noté que Leonardo (da Vinci) bénéficiait d'un traitement de faveur en squattant un autre instant en plus du sien. "Quelque-chose de ce qu'il a créé survivra-t-il après sa mort prochaine ?" se demande-t-il tandis qu'il chemine vers la Loire où l'attend François Ier, trois tableaux pour tout bagage, dont le portrait d'une jeune femme au sourire mystérieux. Impossible de tous les citer, à chacun de picorer ces instants et de les savourer.
Car on peut les apprécier sur le moment, pour la précision de la langue, la justesse de la captation et de la restitution, et y revenir à l'occasion, au gré de nos parcours respectifs le long des chemins sinueux de l'art et de la littérature, pour éclairer une rencontre. Ces instants seront comme des échos à nos explorations, donnant envie de découvrir ou de redécouvrir certaines œuvres, certains artistes derrière les œuvres. Magnifique perspective.
(chronique publiée sur mon blog : motspourmots.fr)
Merci à vous et je vous souhaite d'agréables instants.
Merci Nicole , je me verrais bien traverser des moments de vie de tous ces artistes . Quel joli commentaire. Belles lectures . Prenez soin de vous
2016, je venais d’achever "Vincent qu’on assassine" de Marianne Jaeglé, roman véritablement envoûtant. Tellement captivant que son souvenir, cinq ans après, est toujours intact. Je termine la lecture d’un nouvel ouvrage de l’auteure "Un instant dans la vie de Léonard de Vinci et autres histoires", de la même manière, j’en ressors éblouie.
Il s’agit là d’un recueil de vingt-et-une nouvelles, vingt-et-un instants dans la vie d’artistes qu’ils soient peintres, sculpteurs, musiciens ou écrivains. Un voyage dans le temps et l’espace qui nous raconte le moment fatidique, le petit déclic, la décision qui fit naître l’œuvre. L’écriture de Marianne Jaeglé est toujours d’une grande beauté, travaillée à l’extrême et pourtant si simple, la simplicité des grands. Elle est poétique, juste, alerte et chaque fois adaptée au personnage, son environnement à la fois géographique et temporel. Car, et c’est ce que j’ai particulièrement aimé, je me répète, nous voyageons de l’Antiquité avec Homère à notre époque. Si avec ce dernier, sa plume se fait facétieuse – elle a tout de même l’audace assumée de le traiter d’imposteur – elle est autrement plus intime, émouvante, quand il s’agit de Primo Lévi "Et cette peur qu’il a maintenant, de dormir, et de retourner là-bas, dans ce lieu qui absorbe et détruit tout le reste. Sa peur d’en être avalé. Auschwitz est ce gouffre gris… Primo ferme les yeux… Une marche après l’autre il entreprend de descendre l’escalier." La même tristesse anime sa main quand elle aborde un pan de la vie d’Irène Némirowsky, mais se fait plus joyeuse pour raconter l’instant où J.K. Rowling somnole dans le train qui la ramène de Manchester à Londres et a l’intuition de son fameux Harry Potter qu’elle écrira quelques années plus tard.
Et Léonard de Vinci, me direz-vous ? C’est vrai que le personnage fait le titre du recueil. Nous le suivons, dans la dernière nouvelle, sur les routes de France lorsqu’il quitte l’Italie pour se rendre à Amboise. Pourtant, nous en entendons parler avant par la bouche d’Andrea del Verrocchio, le maître que Leonardo finit par dépasser. A ce sujet, j’ai presque regretté que ce passage ne fût pas le premier. Léonard de Vinci eût été ainsi l’Alpha et l’Omega.
Il est évident que je ne peux décortiquer chacun de ces "instants de vie " je vous laisse le plaisir de les savourer. Savourer chaque mot, chaque moment, les picorer, les relire à l’envi dans l’ordre ou le désordre. L’auteur nous offre, en effet, une jolie boîte remplie de petits bonbons sucrés, acidulés, parfois amers mais toujours délicieux. Petites gourmandises supplémentaires, les explications données par l’auteur sur chacun des personnages abordés.
https://memo-emoi.fr
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