Vous reprendrez bien un peu de conseils de lecture ?
Ils commencent par là. Par la suspension. Ils mettent, pour la toute première fois, les deux pieds dans l'océan. Ils s'y glissent. A des milliers de kilomètres de toute plage. A bord d'un cargo de marchandises qui traverse l'Atlantique, l'équipage décide un jour, d'un commun accord, de s'offrir une baignade en pleine mer, brèche clandestine dans le cours des choses. De cette baignade, à laquelle seule la commandante ne participe pas, naît un vertige qui contamine la suite du voyage.
Le bateau n'est-il pas en train de prendre son indépendance ? Ultramarins sacre l'irruption du mystère dans la routine et l'ivresse de la dérive.
Vous reprendrez bien un peu de conseils de lecture ?
Au cours d'une traversée de l'Atlantique, l'équipage d'un navire marchand se baigne en pleine mer. Le moment est suspendu, les hommes nagent nus et se sentent libres. Mais au retour sur le bateau, l 'ambiance prend une tournure étrange.
Je pensais y trouver de la magie, un peu d'onirisme, mais je me suis ennuyée. Les personnages étaient creux, je n'ai pas eu d'émotion. J'étais contente de le terminer.
D'accord.
Elle a bafouillé d'accord, la commandante du bateau. Avant de se ressaisir. de le redire. Fermement. D'accord pour une baignade.
Une entorse aux règles.
Un pas de côté.
Loin des côtes.
20 marins dévêtus se jettent à l'eau, pendant que la commandante veille sur son grand navire. Cette baleine au coeur qui tambourine. Un unisson entre elle et lui. Son bateau.
Quand ils remontent à bord, ils sont 21. Elle compte, la cheffe. Son second aussi. 21. Voilà, c'est comme ça.
Les interdits qu'on brave. Même de touts petits interdits. Une heure, quelques minutes, reprendre ce corps de marin qui ne vous appartient plus, soumis aux machines, aux vents, aux vagues, aux ordres. le reprendre et lui offrir une baignade. Un mot d'enfant, un jeu d'enfants, dans cet univers si rude.
Est-ce qu'on les paye toujours... ?
Un roman à la lisière de l'onirique. Un roman poétique, dans son rythme, dans ses mots. C'est beau, sensible, calibré. le vocabulaire est pesé, rien n'est hasard, c'est un travail d'orfèvre.
L’océan Atlantique, un porte-container, 20 puis 21 membres d’équipage et une femme, commandante de ce navire.
C’est tout et ce qu’en fait Mariette Navarro relève de la magie, de l’envoûtement presque.
Je ne suis vraiment pas douée pour parler des romans qui, sans toujours me laisser un souvenir inoubliable, sont des vraies expériences, où on est tout entier dans le livre le temps de leur lecture. L’écriture de celui-ci déclenche une vraie immersion.
J’ai aimé me sentir à la limite de l’étouffement ou de l’épouvante par moment, en déséquilibre constant.
Un minuscule bémol sur la fin que je n’imaginais pas si sage.
Et même si la maternité n’est pas le sujet principal du roman (d’ailleurs il en aborde tant par petites touches sans que l’un d’eux soit prédominant) j’ai adoré ces lignes sur le sommeil des mères : « N’étant pas mère, elle ne pouvait que deviner que c’est cette panique pour laquelle on signe année après année quand on a un enfant, celle qui fait se lever la nuit pour vérifier une respiration, et ne rester qu’à la surface de tous sommeils, toujours avoir une oreille dressée à l’affût des monstres. »
Elle qui est parvenue à s’imposer comme commandante de cargo au prix d’une discipline de fer et d’un investissement de tous les instants, sait que tout écart de vigilance peut lui coûter la confiance et le respect de ses hommes d’équipage. Pourtant, une inexplicable impulsion lui fait accepter leur fantaisiste requête : en dépit du règlement maritime et des consignes de sécurité, pendant qu’elle restera seule à bord de leur navire mis en panne, radars coupés, tous s’offriront une baignade en plein milieu de l’Atlantique. Etrangement, quand, après cet intermède aussi clandestin qu’impromptu, chacun a regagné son poste, un changement de plus en plus perceptible se fait sentir à bord, comme si un nouvel esprit d’indépendance avait investi jusqu’au bateau lui-même...
« Il y a les vivants, les morts, et les marins. » Cette commandante de navire n’en a pas vraiment fait le choix, elle sait qu’elle appartient à la mer, et, qu’après chaque escale, il lui tarde de repartir, là où, face à l’horizon, elle a sa place, loin de l’immobilité des foules, dans un espace comme suspendu à l’écart de la vie ordinaire, une parenthèse de dérive et de respiration. Sans se poser la question de ce qui la pousse à larguer les amarres de la sorte, elle a corseté sa vie en séquences ordonnées, passant sans cesse de la terre à la mer, au gré de ses engagements qu’elle investit avec une autorité et une discipline toutes militaires. Il faut dire, qu’en dehors des conditions météorologiques, la course des cargos n’a rien d’aléatoire, et qu’au final, même en mer, la vie finit par être aussi millimétrée que partout ailleurs. Surtout pour une femme, lorsqu’elle doit constamment faire ses preuves dans un univers masculin…
Alors, un jour, dans cette routine insidieusement devenue trop pesante, voire même proche du non-sens, survient presque inconsciemment un sursaut, une sorte d’acte manqué, un « oui » lâché sans réfléchir à une demande incongrue mais qui devait faire écho à une envie de transgression profondément refoulée. Soudain révélée, la fêlure longtemps ignorée devient brusquement lézarde. Et c’est comme si un autre moi venait sans prévenir de prendre le contrôle, débrayant définitivement ce qui n’était plus devenu qu’une sorte de pilotage automatique. A l’unisson de cette transformation inopinée, le bâtiment lui-même répond différemment, le rationnel fait place à la fantaisie, et le lecteur, fasciné, bascule avec surprise dans un mystère teinté de poésie.
Ce premier roman merveilleusement original est une jolie surprise métaphorique, un rien désarçonnante, pleine d’une onirique fantaisie ouvrant plusieurs niveaux de lecture. C’est d’ailleurs en le parcourant une seconde fois que chacune de ses phrases se déploie avec une nouvelle force poétique, renouvelant le délice de ses mots judicieusement choisis. Entre frisson, poésie et mystère, une plume de qualité pour un singulier coup de coeur.
En lisant ce livre, j'ai eu sans cesse l'impression d'être sur un nuage, de flotter au-dessus de l'eau, d'être porté par le vent car il y a beaucoup de légèreté dans ce livre.
L'auteure dramaturge nous transporte dans le monde de l'étrange, dans une autre dimension. Les marins et le commandant (une femme) du bateau se sentent en effet déstabilisés par ce qui leur arrive.
Un premier roman réussi. Pas un chef d’œuvre mais une très belle découverte.
"Il y a les vivants, les morts et les marins."
Un simple petit mot a changé la donne. Sur ce cargo porte-containers, il a suffi que la Commandante dise "D'accord" à la demande un peu folle des marins pour que "dans le geste connu, le geste de travail, dans le geste refait chaque jour, un espace se glisse. Une seconde suspendue." Et toute la vie à bord s'en trouve déréglée. Une vie entre caserne et monastère qu'un minime lâcher prise va pourtant entraîner sur un chemin de traverse. Les hommes ont demandé à s'arrêter, tout arrêter, moteurs, radars et temps pour plonger. Ils vont faire une expérience étonnante mêlée de joie et de peur vertigineuse.
La Commandante en acceptant de se laisser perturber dans une routine millimétrée n'imagine pas à quel point elle aussi qui est pourtant restée à bord , va être perturbée et vivre une révolution intime... Elle est la fiabilité et la rigueur personnifiée. "On aime le calme qu'elle étend autour d'elle et sans se le dire, on est soulagé d'être sous sa protection." Elle a "trouvé dans son métier la fluidité d'une danse parfaitement exécutée. Le cargo quand elle ferme les yeux, c'est son corps à elle, stable et droit. À en oublier les vagues."
Lorsque les marins remontent à bord, ils ne sont plus vingt, mais vingt et un. Et puis tout de suite après il y a cette masse de brume épaisse , cette moiteur d'orage, que la météo n'annonce pas. Un désert blanc. Et le cargo semble doué d'une vie autonome, il modifie sa trajectoire sans que rien ne puisse l'en empêcher. La tension monte, l'électricité et la peur s'installent...
Un roman absolument envoûtant et onirique qui vous fera tanguer avec les marins; vibrer avec des pages absolument superbes sur la parenthèse enchantée de ce plongeon en haute mer et ses conséquences aussi inattendues que perturbantes d'abord, puis bénéfiques pour cette femme qui va enfin s'écouter et laisser se rompre la digue de ses émotions.
Une très belle réflexion sur l'insurrection, l'altérité, le possible pas de côté, le bel abandon...
Elle est fille de commandant et pour elle jamais il n'a été question d'une vie terrestre, sur terre elle a l'impression d'être l'élément de trop. Elle commande depuis trois ans un cargo avec de nouvelles équipes régulièrement, quand on lui demande avec qui elle veut embarquer, elle choisit les ours, les timides. Quand à la fin du dîner, après quatre jours de mer, le second a proposé de couper les moteurs, de descendre un canot, de s'offrir une petite baignade, une voix sortie d'elle dit sans réfléchir : « D'accord. » Nager dans l'océan comme une seconde naissance, pendant une heure ils ont perdu le fil de tout. Mais quand ils remontent à bord, ils sont 21 au lieu des 20 qui avaient embarqué dans le canot. Et puis un banc de brume, non signalé sur les radars qui s'installe et le navire qui ralentit sans aucune raison mécanique, tout fonctionne parfaitement.
Un roman envoûtant, une atmosphère étrange. Mariette Navarro nous offre une traversée à l'intérieur d'une âme qui va perdre tous ses repères dans l'immensité de l'océan. Alors commence pour le lecteur un voyage dans une autre dimension, à travers ce portrait d'une femme qui navigue dans un milieu exclusivement masculin. L'équipage qui s'accorde un moment de liberté en nageant nu dans la mer est l'occasion pour l'auteure de nous offrir toute la beauté et la poésie de sa plume. Un huis clos, un voyage intérieur, un roman inclassable et c'est sans aucun doute ce qui fait sa force.
C'est un pas de côté, un instant à part, et les certitudes s'effritent...
Un très beau livre, une écriture poétique et fine qui nous plonge dans l'océan avec les marins, comme au plus près des pensées de la commandante. Et qui laisse à chacun le loisir de définir qui est le marin surnuméraire...
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