"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Le nouveau roman ado de Séverine Vidal, portrait d'une jeune fille en feu Depuis, mon corps, je veux dire tout mon corps, peau, veines, artères, cerveau, tout mon corps respire mieux.
Bordeaux, 1764.
Ange Rouvray accompagne son père médecin dans ses visites auprès des malades. L'épidémie de variole fait rage et pour se protéger, il faut porter un masque, se désinfecter les mains, garder ses distances...
La jeune Esmée de Montagu a vu mourir en quelques semaines son père, son frère, ses soeurs. Elle reste seule avec sa mère, tellement pleine de chagrin qu'elle n'a plus de larmes. La comtesse Isabeau de Montagu, est obsédée par l'idée de garder sa dernière fille en vie. Elle veut tester sur elle une technique controversée et dangereuse et fait appel au docteur Rouvray, qu'elle espère ouvert à cette pratique nouvelle.
Lors de cette visite, Esmée et Ange se rencontrent. Et tombent amoureux.
Mais comment une histoire est-elle possible entre ces deux êtres que tout sépare ?
Un roman à lire dès 13 ans.
Comment définir autrement le roman de Sèverine Vidal que par la grâce ? Grâce des personnages, grâce du récit et grâce de l'écriture. Il y a pourtant de la dureté dans cette histoire d'amour sur fond d'épidémie de variole au XVIIIe siècle. De l'âpreté dans la lutte d'Ange pour devenir médecin et dans la triste existence d'Esmée devenue le seul refuge d'un amour maternel asphyxiant. Il n'empêche que l'impression qui perdure après ma lecture est l'atmosphère lumineuse dans laquelle se déroule le roman... qui paradoxalement a des côtés très sombres, ne serait-ce que par le noir omniprésent : lac, scènes nocturnes, éclairages... Ce clair-obscur donne un aspect pictural au récit et contribue à son intensité.
Epidémie, recherche de remèdes, vaccination controversée, condition féminine, homosexualité... est-ce du XVIIIe siècle que l'auteure nous parle ? Ou de notre époque ? Les échos sont nombreux mais si habilement et délicatement insérés qu'il n'y a aucun didactisme, aucune lourdeur. L'histoire d'Ange et d'Esmée devient universelle, intemporelle, et cela participe aussi au charme du roman.
La tragédie de la maladie, de la contamination et des morts qu'elle entraîne empoigne le coeur, mais "Sous ta peau le feu" (quel beau titre ! et doublement évocateur) est avant tout, c'est en tous cas ainsi que je l'ai reçu, porteur d''espoir. De cet espoir qui nourrit tous les combats, toutes les révoltes et qui rejette l'idée même de résignation.
La narration en deux points de vue, celui d'Ange et celui d'un narrateur anonyme, est portée par une écriture gorgée de poésie, mais qui sait aussi se faire factuelle, précise dans l'évocation des sentiments, des impressions, des liens qui se nouent entre les personnages. Cette pureté rejoint celle de la construction et de l'histoire qui se déroule sous nos yeux.
Tout cela se résume en un seul qualificatif : BEAU !
J'ai beaucoup apprécié cette histoire qui mêle plusieurs thématiques fortes :
- épidémie de la variole qui forcément résonne en nous maintenant.
- homosexualité très peu souvent relatée en littérature jeunesse quand l'histoire ne se déroule pas de nos jours, donc cela est très précieux je trouve et montre aux lecteurs que ce n'est pas qu'un sujet contemporain, que l'amour homosexuel a toujours existé et qu'il n'est pas un phénomène de mode comme certains pourraient le penser.
- la condition féminine relatée à travers tous les niveaux sociaux : de la paysanne, à la jeune comtesse en passant par Ange cette héroïne caméléon.
Un bémol cependant pour moi : la première de couverture sur internet, je ne trouve pas qu'elle soit attirante et elle désavantage ce beau roman. J'aurais vu quelque-chose de plus moderne car si le récit se déroule au 18° siècle, les termes abordés sont intemporels voir très contemporains.
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