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1914. Un petit groupe d'anarchistes se disperse pour jeter des bombes contre plusieurs bâtiments publics parisiens, revendiquant la libération d'un des leurs.
Mais à la dernière minute, Arthur dit L'Alchimiste change de cible et un restaurant bourgeois explose.
L'attentat fait sept victimes. Au sein de la cellule anarchiste, cette initiative a un goût de trahison.
L'opinion publique s'embrase, le gouvernement est sous pression. Fabre, commissaire de police, est tenu de trouver des coupables. Jeune journaliste aux rêves de grandeur, Eugène entend mener son enquête parallèle, quitte à prendre des risques inconsidérés.
Mais bientôt les deux hommes perçoivent derrière l'affaire des influences qui dépassent les anarchistes.
Et si ces derniers n'étaient que des hommes de paille, manipulés par bien plus puissants qu'eux ? Vers quel bourbier ces deux enquêteurs s'avancent-ils ?
Entre traque, complot, manigances et agents doubles, ce premier roman mené de main de maître nous fait respirer le parfum d'une époque qui vacille au bord du gouffre.
C'est la couverture qui m'a séduite quand j'ai vu ce livre. Elle donne une atmosphère sombre qui va se vérifier rien qu'à la lecture du résumé. J'avais très envie de découvrir la plume de l'auteur, et, maintenant que c'est fait, je ne suis pas déçue du tout.
C'est un roman difficile à résumer tellement il est dense. Je ne vais vous parler que du tout début, de la base de départ. Nous sommes donc en 1914, juste avant le conflit mondial. La tension règne tout de même déjà entre les pays et dans les pays eux-mêmes, notamment avec les Russes et les Prusses. La France voit beaucoup d'anarchistes se manifester. Et c'est justement un de ces groupes que nous allons suivre. Ils mènent une offensive contre des bâtiments parisiens avec des attentats à la bombe. Ils demandent la libération de l'un d'eux qui est en prison. Seulement, au dernier moment, l'un des anarchistes, l'Alchimiste, change de plan et lance les bombes dans un restaurant, faisant ainsi sept morts et plusieurs blessés. Ses autres compagnons ne comprennent pas son geste. La police non plus. Une enquête va ainsi être menée par le commissaire Fabre et son assistant Cerutti. Fabre est bientôt à la retraite, il est consciencieux dans son travail mais il ne sait pas encore dans quoi il met les pieds, un sac de nœuds indémêlable, et surtout il pense déjà à ce qu'il va faire pendant sa retraite. En parallèle, on suit aussi un jeune journaliste Eugène, qui a décidé de mener lui aussi l'enquête. Il est amoureux de Gwen, une jeune anglaise. L'affaire est difficile, les anarchistes sont-ils à la botte d'un groupe plus puissant, ils soupçonnent des agents doubles, voir triples. Même les anarchistes entre eux ne comprennent pas et se posent des questions.
L'intrigue est extrêmement bien menée de la part de l'auteur, et surtout très complexe. J'avoue qu'au début, j'ai été un peu perdue. Il y a beaucoup de personnages et j'ai eu du mal à les situer, à me rappeler qui était qui. Mais au bout d'un moment, l'intrigue se resserre et se cantonne sur certains personnages qui prennent alors plus de place. Et les actes de ces personnes permettent de se remémorer qui ils sont. Je me suis attachée à certains d'eux, que ce soit du côté des policiers ou des terroristes. Les femmes ne sont pas oubliées, j'ai aimé suivre Lola, Gwen, qui ont de fortes personnalités, qui ne se laissent pas marcher sur les pieds par les hommes, et qui savent confronter leurs idées. J'ai aimé suivre tous ces personnages, j'avais très envie de savoir ce qui allait leur arriver. Le suspense est très bien mené, je n'ai vraiment pas vu certains événements ou certaines révélations arriver. Et je suis bien souvent tombée de haut.
Tout cela est sublimé par le style de l'auteur, incisif, percutant. Il n'épargne pas son lecteur, il montre tout, décrit très précisément les scènes, les faits. Tout est très précis. Et surtout, ce qui ressort plus que tout, c'est le côté historique et sociétal. Je suppose que l'auteur a dû faire beaucoup de recherches pour relater des faits si précis, pour arriver à dépeindre aussi bien la société d'alors, à l'orée d'un gros conflit mondial. J'ai appris plein de choses sur cette période que je ne connaissais pas encore. C'est une lecture très enrichissante et j'aime quand elle fait cet effet là, quand elle m'apporte des connaissances en plus du divertissement.
La construction renforce le suspense. À l'intérieur d'un même chapitre, il y a plusieurs parties où l'on suit des personnages différents, et bien sûr, on les quitte quand ils sont à un moment tendu, alors on a vite envie de lire pour les retrouver. Cette façon de faire donne beaucoup de rythme. La narration à la troisième personne du singulier permet de garder une certaine distance avec les personnages, et n'empêche pas de s'y attacher. J'ai été triste d'en quitter certains, car l'auteur ne les épargne pas du tout, même si je me doutais que cela ne pouvait pas finir sans morts. Le final est juste parfait. Il libère de cette tension que l'on ressent tout le long, il apporte les dernières révélations, clôt l'histoire à la perfection. Et au moment de quitter tout ce petit monde, je n'ai pu que me dire que malheureusement, une autre période très sombre allait les attendre sous peu.
Avant d'écrire cette chronique, je pensais que je n'allais rien arriver à vous dire, tellement le livre est riche, dense et complexe. J'aurais encore beaucoup à vous en dire, mais je vous en laisse la surprise, c'est mieux. C'est un roman que je n'oublierai pas de sitôt, que je vais recommander. Si vous aimez les romans policiers à suspense, avec une part historique très présente, ce livre est fait pour vous. Je ne peux que vous le conseiller et vous pousser à le lire. De mon côté, je vais suivre Benjamin Franceschetti et le lirai à nouveau avec grand plaisir. J'ai aimé sa précision, sa façon de m'embarquer à une autre époque, de m'embrouiller l'esprit et de me mener par le bout du nez.
"Si le geste est beau" est un très bon roman policier
« Si le geste est beau », ce roman trépidant, de haute voltige l’est aussi !
Finement politique, engagé, sombre, cette plongée dans les arcades anarchistes élève une histoire plausible. Des hommes et des femmes de conviction, un groupe d’anarchistes dans l’orée de 1914, l’avant-garde de la première guerre mondiale, en plein Paris.
L’écriture est habile, nuancée, intelligente. À elle seule, elle arrime le désir de comprendre. Il y a beaucoup d’humanité dans les protagonistes. Des hommes et des femmes empreints d’utopie, de rêves et d’équité. Abolir les privilèges et faire justice. Le geste est beau car convaincu et révolutionnaire.
« C’était un attentat prévu à l’avance, continua-t-il. Deux au Châtelet. Deux devant le Luxembourg. Et deux ici. Trois attentats simultanés. À chaque fois, l’un attend dans la voiture pendant que l’autre lance la bombe ».
Sauf que le dernier attentat n’a pas fait exploser les murs ou semer le trouble mais la bombe jetée par Arthur dit l’Alchimiste dans un restaurant bourgeois a tué sept personnes.
Déni du groupe ? Geste éperdu ? Trahir l’ordre donné de ne jamais tuer quoiqu’il en coûte ? La cellule anarchiste prend l’eau. L’enquête menée d’une main de fer par Fabre, un commissaire de police vieillissant mais au regard d’aigle et aux enquêtes nombreuses et affûtées. On ne peut que craindre de lui et pourtant la lassitude est l’envie d’autre chose bloquent sa motivation. Eugène un jeune journaliste va lui aussi mener ses investigations. Bousculer les codes et les non-dits. Le passage non pas en force mais en subtilité et malices absolues. Entre les agents doubles, les complots, et les manigances, le roman s’engouffre dans les ruelles sombres. Le gouvernement aux abois, La Brigade du Tigre en filigrane. « Je dirige une brigade qu’on appelait autrefois la Brigade des anarchistes. Maintenant, on l’appelle la Troisième brigade ». « Je m’efforce de combattre l’Okhrana. C’est ma manière de participer à la Révolution… À cette époque, l’Okhrana était l’équivalent d’une police parallèle, en Russie comme en France. Tout anarchiste pouvait cacher un agent double ».
Dans ce récit riche de signaux, on aime le pouvoir des femmes dans un style amplement cinématographique. On imagine leurs attitudes, les regards lourds de sens, les complicités loyales dans l’engagement aux mêmes causes. Elle remettent d’équerre l’évènementiel et sont des amoureuses manichéennes et libres. « Le monde était inacceptable. Mais les gens qui le peuplaient avaient de la valeur…..Il lisait Haeckel pour connaître les sciences. Gaston Couté pour découvrir la poésie. Reclus et Bakounine, bien sûr, pour s’initier à l’action politique. Ils s’étaient fréquentés quelques mois….Il l’embrassa. Elle cessa de se préoccuper de ses idéaux, ses craintes et ses remords, et se consacra tout entière à la vie présente ».
L’ambiance de ce récit viril, historique, est le papier calque d’une époque pas si lointaine. Benjamin Franceschetti n’écrit pas une simple fiction. On pénètre dans l’idiosyncrasie sociologique et psychologique d’un temps de rébellion et de fureur. La camaraderie, la concorde entre anarchistes, le lien à la vie et à la mort. C’est l’idéologie qu’il faut retenir et apprécier tout en gardant notre libre-arbitre. Les diktats des espionnages, les petites combines des politiciens et tout ce beau monde sont dans ce roman policier, une mise en abîme fabuleuse. De nombreuses références et interpellations sont dévoilées subrepticement.
« Si le geste est beau » est magnétique et solaire, serré comme un café fort. D’ombre et de lumière, une déambulation vertigineuse. Un adage : « Apprendre à toujours se méfier » à l’instar de Prosper Mérimée. Publié par les majeures Éditions La Manufacture de livres.
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