"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
... Elle ouvre la porte. Éteint la lumière derrière elle. Elle reste sans bouger, dans l'encadrement, présentée, offerte... les cheveux noirs coulants, déployés autour de sa tête, sur les épaules découvertes dans la robe à grands ramages qui glisse le long de son corps, pelure de tissu soyeux presque de la couleur de sa peau bronze. Elle est belle... Elle attend. C'est un tel abandon, une telle offrande de sa présence que cela me trouble, me semble étrange, insensé, fascinant et pur comme la première approche du couple au seuil des noces. Je la porte, je l'encercle dans mon regard... À la vue de cette femme, quelque chose de moi se déchire...
Ouvrier qui se morfond dans une sinistre usine, Louis rêve de devenir écrivain mais n’arrive pas vraiment à concrétiser son projet et à se lancer pour de bon dans l’écriture du roman de sa vie. Il finit par laisser tomber son boulot et se retrouve vite dans la dèche la plus noire. Un jour, il séduit Nora Van Hoeck, une Hollandaise plus âgée que lui et un brin nymphomane qui accepte de l’entretenir. Elle le rhabille, le nourrit, lui donne de l’argent. Mais quand elle lui propose d’habiter à plein temps chez elle, toute cette passion vire au cauchemar pour Louis qui ne voit plus que les défauts de Nora, commence peu à peu par la détester et finit par partir en claquant la porte. Il retourne à ses petits hôtels miteux, à ses gargotes et à sa procrastination. Il ne se décide pas plus à chercher du travail qu’à écrire le chef-d’œuvre littéraire qu’il imagine. Il en est donc réduit à taper ses amis et connaissances et à quémander leur hospitalité avec des résultats parfois décevants…
« Septentrion » est un roman autobiographique qui ne brille pas par son intrigue tout à fait banale et mille fois racontée, mais par un style narratif assez punchy, assez proche de ceux d’Henry Miller et de Louis-Ferdinand Céline. L’un pour le côté imprécateur, révolté, et écorché vif et l’autre pour le côté érotique pour ne pas dire pornographique. On n’est d’ailleurs pas loin de l’obsession sexuelle. C’est d’ailleurs cette obscénité omniprésente qui a fait interdire de parution cet ouvrage pendant environ 20 ans à une époque où la morale était plus sévère que maintenant. Il n’en demeure pas moins que si toutes ces descriptions de relations sexuelles ne choquent plus, elles finissent par lasser à la longue. Il peut même arriver que le bouquin tombe quelquefois des mains. Il ne reste de cette lecture que quelques fulgurances sur l’amour physique, la mort et la condition humaine. Mais tout ça manque quand même de souffle et d’élévation. Avec Calaferte, on patauge un peu trop dans la crasse, la caricature machiste et le sperme… N’est pas Céline ou Miller qui veut…
Un livre qui ne peut laisser indifférent qu’on pourrait détester pour sa misogynie patente, ou encenser pour sa verve romanesque d’une grande richesse en idées, en vocabulaire, en spontanéité qui s’exprime de façon frontale, sans réserve et souvent avec un humour décapant et réjouissant. Ses délires sont parfois excessifs, on a le sentiment qu’il se laisse dépasser par son appétence pour les mots et son imagination délurée et débridée, mais hormis ces quelques « hors piste », on est subjugué par la puissance du texte et du style. La crudité et la cruauté du discours sont d’un réalisme saisissant qui exprime de façon courageuse ce qui pourrait être fait, seulement pensé ou tu par la gente masculine.
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