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« Le comble du chic langagier est aujourd'hui de parler latin en anglais, qu'il s'agisse du fax, abréviation de fac simile, soit notre bon vieux bélinographe, du campus qui remplace les universités ou du versus des plaideurs qui oppose désormais dans les gazettes des adversaires de toute nature. (...) Outre le pékin, le dialecte saint-cyrien a enrichi la langue française du casoar, soit le plumet rouge et blanc que les élèves arborent sur leurs shakos. Ce totem volatile n'est pas le seul emprunt de la langue militaire aux nomenclatures de Buffon ou de la Maison rustique : entre cent, l'infanterie de marine recrute des marsouins, un officier général se dit un poireau et ses décorations, des bananes. (...) Que dire de tous ces mots perdus, et des nuances perdues avec eux, comme l'adjectif sade et son exquis sadinet, qui nous mène aussi loin que possible des manies et fureurs d'un certain marquis ? Que dire enfin de tous ces diminutifs si parlants, sécheron, volereau - qui est encore chez La Fontaine - ou valeton, le petit valet impertinent qui a donné le verbe « s'évaltonner » ? Certains de ces vieux mots pourraient encore frapper les oreilles contemporaines, qui d'ailleurs n'y entendraient rien, tant les mêmes sons ont souvent changé de sens. Ainsi de brifer - manger gloutonnement - tous les chiens courants s'appelaient Brifaut - que l'argot nous a conservé mais que le franglais dépayse d'après briefing.(...) Le fisc, lui, ne passera pas. Son nom pourtant bénin de « petit panier » mérite en effet de rester sans rime et de n'avoir pas d'équivalent : passent les régimes et les poètes, les promesses et les illusions, seul demeure cet inéluctable. Du petit panier d'osier ou de jonc, fiscus, des anciens Romains, le mot a pris les proportions et la contenance du tonneau des Danaïdes. Il a donné au latin puis au français un verbe, confisquer, soit « réunir au fisc ». » La langue française a plus d'un tour dans son sac. Tantôt formelle à pleurer, tantôt enguirlandée à outrance, tantôt prisonnière d'un jargon ou d'une posture, tantôt ludique et lumineuse...la voilà prise en chasse par notre auteur dans un paysage aux étymologies fuyantes et complices. C'est que le génie de la langue ne tient pas en bouteille mais nous saute volontiers au visage, histoire de nous rappeler ses accords émouvants, ses mille cheminements intérieurs. Erudit, drôle et gourmet...
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