"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Après la mort de son père, alors qu'il doit vider la maison, Carl est assailli par son passé : de vieux numéros de L'Humanité, des portraits de Marx et Lénine et, surtout, un cahier d'enfant. Sur la première page, un titre écrit de sa main : « Histoire de ma famille », et en dessous : « De Cologne à Paris, quatre générations d'Aderhold ». Ce sont les traces de sa jeunesse, une jeunesse rouge, à la fois exaltante et honteuse.
Des brumes de la mémoire surgit alors un monde dans lequel la politique contrôlait tout : les lectures, les jeux, les sentiments, les rêves. La débâcle sera terrible. Mais la remémoration des défaites n'est-elle pas, pour l'écrivain, à la fois consolation et chant d'amour ?
Dans une langue éblouissante, Rouge explore la filiation impossible, les trahisons, les colères d'une génération, et retrace la folle histoire d'une famille française à travers le XXe siècle.
Carl Aderhold, éditeur et écrivain, marié et deux enfants, vide la maison de son père après le décès de celui-ci. Ce n'est pas de tendres souvenirs qu'il y trouve mais les vestiges d'une vie entièrement dévouée au communisme. Une rage sourde envahit Carl, une rage après ce père qui lui a fait suivre la ligne du parti communisme et qui lui a donné cette éducation. Les souvenirs affluent le dévastant un peu plus chaque jour. L'auteur nous raconte son enfance, l'histoire de sa famille. Il a été baigné depuis son enfance par Karl Marx (de qui il tient son prénom) et Lénine adulés par son père qui vouait une haine féroce au capitalisme. Son père était un homme austère, qui buvait souvent trop, bagarreur et tyran. Sa mère était soumise et souvent maltraitée. Son enfance? De la politique, des tracts...où l'école est très importante, baignée de littérature classique et de cinéma choisis par les soins du patriarche (interdiction de regarder De Funès ou de lire Tintin trop anticommunistes pour lui)...
Lui, "le fils de rouge" ressent une profonde culpabilité et de la colère par rapport à ce qu'il a vécu, au communisme de son père, à son soutien mais en même temps, l'amour qu'il lui porte, l'importance de son regard, ce lien indéfectible...Karl est totalement perdu... Quelles séquelles aura eu cette enfance sur cet homme devenu un brillant écrivain?
Je ne pensais pas aimer autant ce livre. L'histoire de ce petit garçon m'a vraiment touchée. J'ai ressenti une profonde empathie pour Carl. C'est un livre sur l'importance des liens père/fils, l'importance de l'enfance et des souvenirs. Ce passé qui chamboule tout, ce passé qui devient un lourd fardeau, ces sentiments contradictoires que Carl peut éprouver pour son père. On notera que bien au-delà de la rage, c'est un immense amour qu'il avait pour lui. Les mots sont choisis avec soin, c'est bien raconté. J'ai aimé les références cinématographiques et littéraires. Le contexte politique a une grande part dans ce livre afin de mieux comprendre l'histoire. Bref, c'est un ouvrage vraiment émouvant et bouleversant qui nous plonge dans cette histoire familiale, dans la vie de ce père si dépendant d'une néfaste idéologie...
http://auchapitre.canalblog.com/archives/2017/10/19/35782191.html
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« Il voulait que je sois notre mémorialiste. »
Comme les souhaits des pères sont parfois lourds à porter pour les fils !
Ce récit -très certainement autobiographique- commence par la maison familiale que l’on vide après la mort du père, communiste, rouge, pur et dur. Le narrateur découvre des feuillets où son père a noté ce qu’il comptait retenir de la vie de son fils : son mariage, la naissance de ses petits-enfants ? Non, son adhésion à la CGT, son élection au comité d’entreprise…
Une colère indescriptible gagne Carl qui n’a qu’un désir : tout détruire, tout effacer. A la benne les portraits de Marx, Lénine, les vieux Huma, les drapeaux rouges, les photos des soldats chiliens, de la sœur portant un foulard à l’effigie de Castro, du narrateur en Allemagne de l’Est ! « Rien ne doit survivre. »
Au risque de se sentir coupable…
« Je ne serais jamais un bon fils. L’oubli, le renoncement étaient la preuve que ce qui avait constitué mon enfance, l’endoctrinement, la croyance en l’absolue vérité des causes que je devais défendre, les réprimandes à la moindre déviation et ma culpabilité de n’être jamais assez communiste, pouvait s’effacer, disparaître, sans que la vie s’arrête ni même que cela en modifie le cours. Une désertion, voilà ce que j’éprouvais. Une désertion. »
Parlons du père : « Son communisme était charnel, instinctif. Il l’était comme d’autres sont Juifs, Pieds-noirs ou Corses. Avec emphase et totalement. » Il ne supporta ni la chute du mur de Berlin, ni la Révolution de velours, ni l’exécution des Ceausescu : le monde auquel il avait cru s’effondrait.
Je ne peux m’empêcher de penser au film de Wolfgang Becker Good Bye Lenin ! (2003) dans lequel Alex veut absolument sauver sa mère, militante communiste de RDA, dévouée corps et âme, plongée dans le coma et qui se réveillera l’été 1990, alors que le Mur est tombé. Un choc émotionnel et c’est la mort. Alors, le fils trouvera mille subterfuges pour protéger sa mère : reconstituer l’intérieur d’un appartement de l’Est, retrouver des vieilles boîtes de conserves… C’est exactement ce dont aurait eu besoin Pierre, le père de Carl…
Pierre impose le communisme à sa famille. Son fils s’appellera Karl, francisé en Carl par l’employé de mairie. L’enfant grandit avec les portraits de Marx et de Lénine, persuadé que ce sont de lointains aïeux. Ils vivent de peu et donnent à ceux qui ont besoin. Acteur, le père trouve quelques rôles par-ci, par-là.
Carl offre des dessins de Communards sur une barricade pour la fête des pères et suit ses parents aux manifs du dimanche. On marche pour la paix, contre la guerre du Vietnam en criant « Nixon assassin ! ». Bien sûr, on ne rate pas la fête de l’Huma. Carl apprend « la géographie par les insurrections et les guérillas. » A table, on écoute les informations. Si elles sont mauvaises, les assiettes volent, heureusement la météo marine est un havre de paix… « J’ai eu peur toute mon enfance » avoue le narrateur. Tout était menace : « la bombe, les capitalistes, de Gaulle, le voisin raciste » et le père, qui boit et se bat. Heureusement, parfois, il part en tournée.
Les films de de Funès sont interdits, trop réacs, de même que « la lecture de Tintin, trop raciste, de Lucky Luke, trop américain, d’Astérix, trop gaulliste. » Les héros de l’enfant seront Guy Môquet, Manouchian, Gagarine, Brecht.
Le coca est interdit et les livres d’histoire préférés au Monopoly et à tous les autres jeux d’ailleurs. On n’est pas là pour rire. Jusqu’à ce qu’un oncle s’aventure à en offrir un. Scène mémorable. Le père se met à jouer et triche : il vole de l’argent à la banque. Carl a honte pour lui : où sont passées les belles valeurs qu’il a inculquées à ses enfants ? A force de tricher, il gagne et lance à son fils ahuri : « Tu viens de comprendre ce qu’est vraiment le capitalisme. Tâche de ne pas l’oublier. » Rude leçon.
Plus tard, Carl se sauvera par l’écriture, seul moyen d’échapper un peu à tout cela, d’alléger un peu le poids du fardeau…
Ce très beau texte de Carl Aderhold s’interroge sur « les destinées des fils qui se chargent des rêves des pères. », cette transmission qui doit s’accomplir au risque de décevoir le géniteur, cette mémoire qui ne doit rien omettre de l’histoire familiale.
Jusqu’à la chute parce que le poids du passé est trop lourd et que faire un pas en avant est devenu impossible.
Quel héritage léguer à nos enfants ? Peut-on les aimer et leur transmettre nos valeurs sans pour autant peser sur leur vie ?
Des pages superbes, émouvantes et drôles, qui nous disent de ne pas trop charger leurs valises si l’on veut qu’ils puissent encore avancer…
http://lireaulit.blogspot.fr/
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