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Dans un village à la lisière de la civilisation, Michaël, fils d'une veuve, clôt son enfance par un exploit. Tous pensent alors que s'ouvre à lui un destin à remuer le monde. Mais la nature, l'amour et l'amitié bouleversent la destinée de ce jeune berger.
Sceptique face aux promesses du progrès technique, Ernst Wiechert (1887-1950) n'a pas pour autant succombé aux vents mauvais de son temps. À rebours du ressentiment et du culte de la force, il cueille les humbles dans les lueurs douces de sa frappante écriture. Le Roman d'un berger dispense en d'intenses mélodies une leçon intemporelleââ:ââmieux vaut chérir le monde que de le conquérir.
Ému par la sagesse fougueuse du Roman d'un berger et par ses élans dignes de Cormac McCarthy, Frank Bouysse signe ici une préface qui fait entendre la note vibrante de cette noce en l'honneur des vaincus et du vivant : «âTout au long du récit, Ernst Wiechert décrit des soleils brillants pour mieux faire saisir le contraste avec ce monde qui s'éteint, et l'humanité qui s'enfonce dans la nuit en trahissant la nature, et par là même, sa propre nature.â»
S’il ne figure pas parmi les romanciers allemands les plus connus dans notre pays, Ernst Wiechert (1887 – 1950) est l’auteur d’une oeuvre conséquente au premier rang desquels figure Les enfants Jéromine, un roman sur la vie d’un petit village de Prusse-Orientale au début du XXème siècle. Il fut également l’un des auteurs les plus lus dans son pays des années 30 aux années 50. Il faut donc se féliciter de voir Les éditions du Typhon publier récemment Roman d’un berger, un court roman d’une petite centaine de pages.
Mickaël est un jeune garçon qui voit son père, bûcheron, mourir devant ses yeux lors de la chute d’un arbre. Pris en affection par le village, il devient gardien des oies avant qu’on ne lui confie la garde du troupeau du village, qu’il emmène chaque jour paître dans les pâturages. Le jeune homme, solitaire, est reconnu pour sa sagesse, sa connaissance de la nature :
"Son âme est pleine d’histoires. C’est la forêt qui les fait éclore, la solitude et le silence. Il n’a pas besoin d’apprendre des odes latines. Des semaines passent où la pluie tombe en bruissant sur les forêts et pendant lesquelles, étendu sous un pin dont les longues branches retombantes l’abritent, enveloppé dans son manteau de berger, il écoute les voix qui viennent des profondeurs."
L’une des choses qui séduit le lecteur dans ce petit livre est le style d’Ernst Wiechert, que ce soit dans les descriptions de la nature, les scènes de la vie quotidienne, l’évocation des habitants du village, mais également pour évoquer la mort :
"Un beau jour d’été vers midi, son père mourut écrasé par la chute d’un arbre. Mickaël en fut le seul témoin. Du bord de la clairière, il vit la cime du grand sapin commencer à frémir ; mais sans osciller comme d’ordinaire emporté par la rotation de ses branches, l’arbre tout entier tourna très vite sur lui-même avant de s’abattre avec fracas, comme une tour de ses fondations s’effondre. Le vacarme de la chute étouffa le faible cri poussé au pied de cette montagne de verdure qui s’écroulait d’un coup."
Ce livre est une ôde à la nature, à la tradition, à la vie intérieure, à la sagesse. Aussi, quand la guerre se rapproche du village à la fin du récit, le contraste est d’autant plus perceptible avec les valeurs que promeut l’auteur. Les thèmes du livre sont communs avec ceux que l’on retrouvait déjà dans Les enfants Jéromine, où le jeune Jons Ehrenreich, après ses études, était revenu exercer comme simple médecin de campagne dans son village natal.
Je laisse la parole au maître d’école, qui, sur ses vieux jours, se confie à Mickaël :
"Il avait appris que les jeunes amis de Mickaël s’éloignaient maintenant de plus en plus de lui, à part Adam.
_ C’est, disait-il, une loi de toute une vie : des commencements possibles mènent à des fins différentes ; mais préserver ce qu’il y a de premier dans le monde est une noble tâche, surtout dans un temps où les villes grandissent sans cesse et où, sans arrêt, la machine détruit ce que la main de l’homme avait mis des milliers d’années à apprendre ou à acquérir. Et toujours, ajoutait-il à voix basse, toujours les solitaires furent enveloppés d’une gloire et d’une grâce particulières, parce qu’il étaient ceux qui étaient demeurés les plus humains ; et ce qu’ils avaient souffert, leurs douleurs ou leurs renoncements, avait été pour eux, mais non pour eux seuls, une bénédiction."
Roman d’un berger est un livre d’une grande force morale que je vous conseille de découvrir.
https://etsionbouquinait.com/2022/11/04/ernst-wiechert-roman-dun-berger/
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