"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Cocteau. Son nom sonne comme un pluriel. Il a marqué de son étoile les genres les plus divers. Ainsi la fiction avec trois chefs d'oeuvre : Le Grand Écart, roman d'amour, Thomas l'imposteur, roman de guerre, et Les Enfants terribles, roman de l'adolescence. Signés de spécialistes de l'auteur ou du récit poétique, les articles ici rassemblés n'en démontrent pas moins la profonde cohérence de l'univers narratif de Cocteau. Ils font de la question de l'identité le point nodal d'une oeuvre qui déconstruit le personnage, moins pour en finir avec l'illusion romanesque que pour exhiber la relativité de la personnalité. Le jeu avec l'image de soi gouverne les comportements des protagonistes comme la marche des événements, tout en témoignant d'un malaise existentiel sans autre issue que la fuite en avant dans les apparences les plus vertigineuses. La narration, truffée de biographèmes, dispose Cocteau à appréhender par le truchement fictionnel son expérience du temps et du moi, quitte à les nier. Seule la faculté de créer, dont sont dépourvus les héros, parvient à contenir les forces de la négation. Elle suppose la présence d'une réception qui la conforte : un lecteur idéal, qui aurait préservé son esprit d'enfance des atteintes de l'âge, de la réalité et de la morale. Notre époque se prête-t-elle davantage à cette représentation ou en reste-t-elle à apprécier, comme dans les années 1920, l'équilibre de modernité et de classicisme que respire la meilleure prose romanesque de Cocteau ?
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