Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Un livre féministe qui aborde la question ignorée par beaucoup et pourtant omniprésente dans notre société, de la rivalité féminine.
Les femmes sont toutes des garces entre elles .
A l'heure où le concept de sororité émerge enfin, que reste-t-il de ce cliché ? Les femmes seraient-elles vraiment des harpies génétiquement programmées pour s'entre-déchirer ? Quelle est la part de fantasme dans cette croyance ? Souvent balayée sous le tapis par les féministes, ignorée des sciences sociales et pourtant omniprésente dans la culture, la rivalité féminine fait partie de notre quotidien. Mythe sexiste de l'autre femme , popstars mises en concurrence, slut-shaming au féminin, mères en compétition,... autant de querelles dont les seuls vainqueurs sont le patriarcat et la misogynie.
Pourtant, penser la rivalité féminine, c'est en faire un outil puissant d'émancipation pour favoriser la compréhension mutuelle, l'amour de soi et de l'autre, pour enfin entrer dans la sororité. C'est cette lecture féministe que propose Racha Belmehdi dans cet essai richement documenté qui cherche à décortiquer le thème de la rivalité féminine afin de la déconstruire.
Rivalité : nom féminin (Racha BELMEHDI)
Un livre édifiant et très bien renseigné qui commence par quelques citations bien misogynes de nos plus grands poétes grecs concernant les femmes, puis nous découvrons quelques femmes, fauteuses de troubles, offertes aux hommes par les Dieux telles Pandore, Eve et Salomé mais également Phèdre la femme de Putifar.
Tous ces mythes construisent l’image d’une femme perfide, manipulatrice dont il faut se méfier et leur intériorisation amène la méfiance des femmes entre elles.
Que dire de la misogynie dans notre société : pour Lacan, la femme n’existe pas, pour Darwin elle ne peut être intellectuellement son égale de par la formation de son crâne qui est entre celle de l’enfant et celle de l’homme.
Les contes de Perrault, Grimm et Andersen les dépeignent selon l’âge comme des êtres insipides et passives ou maléfiques et jalouses. Elles sont souvent sottes, désobéissantes et curieuses. Tandis que la littérature pour les adolescents (Poil de carotte, Vipère au poing, Mathilda...) révèle des femmes dont la laideur d’âme donne des sueurs froides. Un réjouissant tableau de la féminité majoritairement fait par des hommes.
L’auteur répertorie ensuite de nombreux stéréotypes de femmes telles que la « Manic Pixie Dream Girl » cet idéal féminin qui n’existe que pour rendre sa joie aux hommes en crise existentielle. Vient la « Pick me girl », variante de la « Cool girl » qui ferait n’importe quoi pour faire plaisir aux hommes et qui dénigre les femmes afin de montrer sa supériorité supposée. On découvre aussi le « féminisme blanc » dont Elisabeth Badinter pourrait être la mère spirituelle et qui consiste à donner la priorité aux problèmes des femmes blanches aisées, hétérosexuelles et instruites.
Puis « les Karen et les Becky » aux USA qui désignent des mégères et des agentes au service de la suprématie blanche.
Et quand est-il du « syndrome de la Schtroumpfette », seule fille parmi des garçons et qui n’existe que par sa relation aux garçons, les hommes sont la norme et les femmes sont des sortes de satellites qui gravitent autour. Ce syndrome est dépeint dans bon nombre de dessins animés tels que « Les Schtroumpfs », bien évidemment mais aussi « Les tortues Ninja », « Garfield » « Les Muppets babies » entre autres.
Le monde du travail n’est pas épargné avec les « Working girls » et les « Girl boss », là encore on ne peut que constater que tout est fait pour que les femmes ne se sentent pas à leur place et qu’elles doivent défendre celle qu’elles occupent. Quant aux « Girl boss », elles sont paraît-il plus acharnées que les hommes envers leurs collaboratrices féminines.
L’auteur donne ensuite quelques beaux exemples de rivalité entre femmes racisées qui n’ont pour but que « d’éliminer » celle qui leur ressemble trop et les met en danger professionnel.
Un chapitre est ensuite consacré à la rivalité mère/fille où il est question des mères jalouses, maltraitantes, mal-aimantes, castratrices, dominantes, appuyé par de nombreux exemples de mères célèbres.
Vient ensuite un chapitre concernant le « Pretty privilège » et le syndrome de la « Reine des abeilles » avec ces femmes qui naturellement correspondent aux diktats de la société et sont enviées ou dénigrées par leurs semblables.
L’auteur termine par un chapitre qui va nous aider à déconstruire tout cela afin de nous retrouver.
En conclusion, il est souvent dit que « L’homme est un loup pour l’homme » mais il s’avère que les femmes sont également très fortes pour s’entre déchirer pour le plus grand profit des hommes qui voient ainsi leur supériorité et leur pouvoir encore plus affirmé.
Passionnée par le féminisme, ses thèses, ses évolutions, ses théoriciennes, ses actions depuis mes vingt ans (qui sont fort loin !) , je ne pouvais passer à côté de ce livre qui a, de plus, le mérite d'aborder un sujet qui a fort peu intéressé les féministes et qui, pour ce que j'en sais, n'a jamais fait l'objet d'un essai complet.
Je ressors très partagée de cette lecture passionnante, fort bien documentée et très engagée.
J'ai découvert des concepts qui m'étaient peu connus (les Pick Me, les Manic Pixie Dream Girls, les Karen, les Becky, le token ou le syndrome de la Schtroumpfette, la queen bee ou la reine des abeilles ) et dont, au passage, il est à noter qu'ils ont pratiquement tous été forgés aux États-Unis où la rivalité entre êtres humains semble être un marqueur social important.
Racha Belmehdi analyse les mythes qui ont construit l'image d'une femme fourbe, manipulatrice que les femmes ont intériorisée ce qui les rend méfiantes à l'égard de leurs congénères. Les femmes qui rentrent en rivalité avec d'autres, ont une image dépréciative d'elles-mêmes et les mythes ne sont pas les seuls responsables mais aussi la littérature, les arts, la science… Elle passe en revue de nombreux domaines de rivalités féminines : l'enfance où les petites filles cherchent à avoir l'amour exclusif de leurs parents, l'adolescence où le besoin de s'intégrer à un groupe passe parfois par la rivalité entre filles, la maternité où on se doit d'être la meilleure mère et condamner ce qui vous semble un comportement non maternel, le milieu du travail où les femmes en position de pouvoir sont parfois les pires cheffes à l'égard des autres femmes, la relation mère-fille où la mère peut se sentir dévalorisée par la jeunesse, la beauté de sa fille.
Pour elle, la rivalité a été construite et est maintenue par le patriarcat et le capitalisme dont elle fait un mot-valise, le patriarcapitalisme. Tant que les femmes se battent entre elles, le pouvoir des hommes n'est pas menacé. Même si cette explication est certainement vraie, elle est loin d'être la seule mais Racha Belmehdi n'en évoque aucune autre. Est-ce que le patriarcapitalisme a déjà fait son œuvre lorsque de tout petits-enfants qui ne parlent, ni ne marchent encore, jalousent le jouet du voisin ou de la voisine ? La rivalité est-elle uniquement féminine ? N'est-elle pas très présente, bien que sous des formes différentes, entre les hommes ?
Tout un chapitre (22 pages) est consacré à ce que l'auteure nomme « le féminisme blanc bourgeois, outil d'oppression des femmes précaires et racisées ». Elle remet en cause et doute de l'honnêteté du féminisme des femmes blanches, aisées et instruites, en considérant qu'elles ne défendent qu'elles-mêmes, comme s'il fallait être prolétaire, de couleur pour porter des valeurs féministes. Je m'inscris totalement en faux contre ce discours de racisme inversé, ce mépris pour les luttes de toutes les féministes blanches, parfois au mépris de leur vie, depuis Olympe de Gouges, les suffragettes, Simone de Beauvoir, Simone Veil pour n'en citer que quelques-unes qui nous donnent la possibilité d'exercer des libertés essentielles (voter, travailler, avoir des enfants ou pas….). Racha Belmehdi se comporte ainsi comme ce qu'elle condamne, le rejet de femmes par d'autres femmes. Ces femmes ne seraient dignes d'intérêt que lorsqu'elles se seront « déconstruites » pour éradiquer leurs penchants capitalistes et leur racisme systémique !!! L'auteur prône l'empathie, la sororité mais ce paragraphe n'est que rejet, exclusion de tout un ensemble de femmes uniquement à cause de la couleur de leur peau.
Les derniers chapitres du livre sont consacrés à des conseils : s'écouter, se faire passer en premier, cultiver l'estime de soi car un sentiment d'infériorité ou d'insécurité peut conduire à une compétition féroce avec les femmes, ne pas se définir à travers un homme mais affirmer son identité (je note que la possibilité de garder son nom de jeune fille lorsqu'on se marie, geste symbolique chargé de sens, permet à la femme de ne pas diluer son identité dans celle d'un autre). Autant je suis assez d'accord avec ces conseils, autant je n'adhère pas à celui, donné par l'auteure, de se retrouver entre femmes, dans des espaces de non-mixité ; n'est-ce-pas en se confrontant à ce qui est différent que l'on s'enrichit ? La fermeture à l'autre, quel qu'il soit, ne fait que nous assécher.
Le discours est parfois abscons : "quand on veut empower une tranche de la population, le principe, c'est de ne pas imposer ses "coping mechanisms" de manière à silencier "l'empowerment" des autres"!!!, crypto-lesbienne? soul-cycle? rendant la compréhension un peu ardue.
Malgré mes divergences de vue avec Racha Belmehdi sur certains points, ce livre a suscité ma réflexion, m'a appris des choses, m'a profondément intéressée.
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Belles lectures et peut-être à bientôt pour ce même titre.