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Raptus prolonge certains des thèmes de La Vie de Mardochée de Löwenfels, écrite par lui-même, le premier roman remarqué de Diane Meur, paru pour la rentrée littéraire 2002 : la filiation, historique et familiale, les liens entre politique et religion, la question de la double vérité. Pour autant, le cadre et l'argument en sont radicalement autres : nul exotisme géographique ou temporel, mais la scène française.
Reprenant (très librement) la figure du militant révolutionnaire chargé d'infiltrer un parti réformiste et finissant par y dissoudre son idéalisme radical, l'histoire retrace le parcours moral du fils de cet homme, fils unique, dont la mère est morte en lui donnant le jour. Toute son enfance, bercée par les confidences de son père, il a partagé le secret de Jean-Claude Wirth : l'évolution vers une gauche de gouvernement est vécue par lui comme une trahison. Trahison à sa mère, jeune et ardente militante dont il ne cesse de se demander comment aujourd'hui elle jugerait son compagnon d'alors. Trahison à son enfance et aux refrains révolutionnaires chantés à tue-tête avec un père enthousiaste et chevelu devenu un triste et terne hiérarque de parti.
Le roman suit le progressif développement, chez ce fils déchiré, d'une folie mystique dans laquelle tous ces éléments politiques et familiaux retrouvent sens au sein d'un délire théologique de plus en plus cohérent. La narration, menée à la troisième personne mais en point de vue subjectif, s'astreint à un grand réalisme de détail, de façon que le lecteur puisse s'identifier au personnage et être lui-même gagné par son angoisse, à mesure que ce monde, qui semble pourtant toujours le nôtre, se teinte d'une inquiétante étrangeté.
La dimension pathologique de la première scène, par exemple - où l'on voit Mathieu faire irruption dans une réunion politique tenue à huis clos dans l'appartement familial, revêtu de la vieille robe de pasteur de son grand-père protestant et jetant l'anathème - n'apparaît qu'a posteriori, au moment où les indices d'une paranoïa religieuse chez ce fils perturbé s'accumulent : au premier abord, l'effet comique est saisissant, et ce n'est pas là une des moindres qualités de ce roman dont la tonalité générale est pourtant grave.
Car c'est bien d'une plongée dans la folie qu'il s'agit, traitée par Diane Meur non sans humour, mais avec une véritable compassion pour son personnage. La fin du livre notamment est saisissante, sorte d'apothéose dans un paysage grandiose de montagne. On sent chez l'auteur une grande familiarité avec les textes phares de la littérature psychiatrique, en particulier les lettres d'Artaud et les mémoires du Président Schreber.
Partant de l'analyse caustique d'une déception politique, déterminante pour ce fils qui a cru aux rêves de son père, Diane Meur a aussi posé un personnage extrêmement contemporain dans son choix confus du religieux comme ultime recours. Et c'est là le véritable tour de force de ce roman : sa valeur universelle.
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