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Exploration des petits États d’Amérique centrale.
Pura Vida entraine le lecteur dans une vaste fresque géographique, historique et culturelle de l’Amérique centrale avec un faisceau rayonnant sur un siècle et demi et quelques détours intéressants dans les années 1500, éclairant particulièrement ce qui en 1830 portait le nom de République fédérale centraméricaine soit l’État du Guatemala, le Honduras, le Salvador, le Nicaragua et le Costa Rica bien que l’auteur nous embarquera aussi à la Havane, en Bolivie, au Mexique et sa région frontalière avec les États-Unis.
De guérillas en exécutions et coups d’État, la région est déchirée entre dictatures et révolutions.
Patrick Deville est au Nicaragua. Managua. Température 34°. En attendant qu’on lui serve une omelette à la terrasse d’un bouiboui crasseux, il lit le journal daté du 21 février 97, en nous faisant partager les articles de presse régionales et nationales, les pubs et les derniers potins, établissant ainsi le climat en cours dans le pays. En dernière page d’El Nuevo Diaro, la photo de la Señorita Velqui, éventuelle Miss Nicaragua 1997.
La raison de son voyage est de marcher sur les pas d’un dénommé William Walker qui a joué un rôle important dans cette partie du monde, incarnant « la mythologie révolutionnaire de l’Amérique du Sud. » mais pour lequel, à Managua, les mots d’Augusto Sandino restent gravés dans le marbre : « Vos mains doivent s’abattre comme un cyclone sur les descendants de William Walker. »
William Walker est né à Nashville Tennessee. Il est âgé de 6 ans en 1830, année de la mort de Simon Bolivar le 17 décembre. Ce même Bolivar qui laissa son nom dans de nombreux pays dont la France avec ses boulevards, places et même une station de métro parisien.
Walker est un érudit. Diplômé de médecine à 20 ans, il voyage en Europe, se passionne pour Victor Hugo et Byron. Il reprendra des études de droit et deviendra avocat en 1845 au barreau de Louisiane puis s’oriente vers le journalisme. En 1848, il fait l’éloge de Byron dans sa tentative de libérer la Grèce au milieu des insurgés de Missolonghi. « L’héroïsme, conclut William Walker, est la forme supérieure de l’art ! »
On comprend alors que le petit jeune homme érudit, chétif et neurasthénique dans « sa redingote noire étriquée » a une âme de va-t-en guerre.
Les Indiens Apaches attaquent le Sonora à l’automne 1853. Walker décide de contre attaquer. Il réunit une petite armée bien falote et inexpérimentée et se lance à l’assaut des Indiens et des Mexicains. Il plantera son propre drapeau dans un La Paz désertique et paisible et proclame « l’indépendance de sa république de Basse Californie-et-Sonora ».
En 1854, « il s’est autopromu président de la République. »
Rattrapé par les autorités nord-américaines, en mai 1854, lui et sa petite armée ridicule « sont accusés d’avoir enfreint la loi de neutralité conclue avec le Mexique. » Il signera l’acte de reddition : ‘William Walker, Président de la république du Sonora’.
En entendant Byron Cole, son patron à la rédaction du journal le Commercial Advertiser, dire que le Nicaragua sera le prochain centre du monde avec le canal envisagé par les Espagnols pour un passage interocéanique. Ni une ni deux, l’enfant timide de Nashville devient un aventurier détestable et haï qui « mettra le Nicaragua à feu et à sang avant d’aller mourir au Honduras ». Ce canal malgré les milliers d’Indiens esclaves morts à la tâche ne verra jamais le jour et sera supplanté par le Canal de Panama.
C’est tout le parcours de ce petit tyran érudit mais idiot que Patrick Deville nous livre dans un flot encyclopédique impressionnant où grouillent une multitude de personnages.
Nous y rencontrerons Magellan (découverte du détroit en 1521 à l’extrémité du Chili), Colomb, Charles Quint, Oviedo y Valdès (grand reporter historien des XV et XVIème siècles qui nous fait découvrir le Hamac, l’Ananas, le Tabac, et qui mourut à 79 ans à Saint Domingue), Espinosa, Vasco Nunez de Balboa, Isabelle de Aguilar, Pedrarias Davila (fondateur de Panama en 1519), El Cano, Heranan Cortès, Pedro de Alvarado, Cristobal de Olid, Narciso Lopez, de Cespedes, José marti, Goicuria, Diego Lopez de Salcedo (gouverneur au Honduras à Trujillo où s’installera Walker en 1860 et où il sera fusillé), Francisco Morazan, Francisco de Goicuria, Francisco Lainé (auteur de la devise : « Les hommes meurent, les idées restent »), Arbenz, Armas, Pizzaro (fondateur de Santa Fé Bogota en Colombie) et comment éviter en ces contrées le Ché qui traverse Managua en 1953 et qui en sera chassé en 1954 lorsque « les USA enverront au Honduras leur mercenaire Jacobo Arbenz pour mettre fin à la réforme agraire. »
P. Deville consacre une quinzaine de pages à une courte biographie originale de Che Guévara en faisant intervenir un dénommé Alfonso Manuel R. surnommé El Ché punto Cinquenta, un traitre au sein de l’armée rebelle, celui-là même qui attacha le cadavre de Ché Guévara sous son hélicoptère pour le promener dans les airs comme un trophée victorieux. Ce Ché là mourut dans un lit d’un cancer de la prostate à San José de Costa Rica en 1994 sans jamais avoir été inquiété.
De Bolivar à Arnoldo Alemàn en passant par Tashito Somoza et le révolutionnaire Sandino mort assassiné au Nicaragua le 21 février 1938, Patrick Deville nous explique comment s’est construite cette région du monde qui somme toute reste fragilisée.
Le 21 février 1997, un centre commercial moderne en construction au pied duquel se trouve la statue équestre détruite, entourée de 2 chars blindés dynamités et rouillés du dictateur assassin et tortionnaire Tacho Somoza 1, qui lui avait été offerte par Benito Mussolini.
21 février 1997, à Managua, Patrick Deville s’étonne qu’aucune fanfare ni la moindre gerbe de fleurs ne commémorent le lâche assassinat d’Augusto César Sandino par la garde nationale de Somoza 1 en 1934, ce dictateur ancien vendeur de voitures d’occasion qui à son tour, fut assassiné en 1956 par un poète libertaire, ce dernier abattu sur le champ.
La pensée de Patrick Deville est vive, turbulente et abondamment riche. Il aime faire partager ses connaissances et on en ressent le plaisir prodigué.
Je l’imagine toujours à sa table de travail, concentré, croulant sous des tonnes de bouquins, de journaux, de photos et de rapports qu’il presse dans son encrier pour nous en livrer le nectar.
Ses travaux de recherches encyclopédiques sont colossaux. Ses voyages incessants. Son don de l’observation et de l’écoute acéré.
Mon goût des voyages aussi bien terrestres que littéraires font de lui, un de mes auteurs français préféré.
Pura Vida inaugure sa série Abracadabra aux titres finissant en « A ». Il envisage douze volumes. Le projet d’une œuvre hallucinante comme un carrefour, une connexion, un grand rendez-vous de l’Histoire mondiale.
J’ai lu en zigzag, les 7 volumes publiés. J’ai découvert l’auteur assez tardivement, avec Taba-Taba (histoire du paysage français sur deux siècles via la mémoire de sa famille). Je finis avec Pura Vida. J’attends son prochain livre qui devrait se situer en Polynésie, à moins qu’il ait changé de destination. Peu importe. Bien que j’ai mis un bémol sur Amazonia trop porté sur ‘je’ et appuyant un peu trop fort sur une brûlure personnelle à vrai dire, c’est toujours un plaisir de le lire.
Cet auteur est un des rares écrivains à embarquer le lecteur avec lui. Au-delà de faire voir, il s’adresse à nous comme si nous étions à ses côtés. On voyage avec lui. On l’écoute raconter. On s’instruit.
Pura Vida !!
Extrait d’une interview de Patrick Deville :
« Curieusement, mon père m’a offert l’histoire d’un petit garçon qui se déplaçait en tapis volant grâce à ce mot magique plein de «a». Pour moi, l’image même de la liberté et du mouvement!»
Historique, politique, social... on se retrouve au cœur des différentes révolutions qui ont bercé l'Amérique Centrale et on bascule de deux siècles pour poursuivre le chemin du narrateur sur les traces de William Walker. Nicaragua, Honduras, Costa Rica, Salvador, Cuba. Le livre est riche en références et trop condensé à mon goût. Dommage le sujet est passionnant. A lire et relire pour en tirer toute sa substance ?!
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