"Elle n'imaginait pas ça possible, mais si les écrivains - encore plus les écrivaines - ont un rôle, si leur imagination peut avoir une utilité sociale et politique, c'est bien celle-ci : inventer une alternative à ce qu'on nous dit inéluctable, et tracer une troisième voie là où le reste du...
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"Elle n'imaginait pas ça possible, mais si les écrivains - encore plus les écrivaines - ont un rôle, si leur imagination peut avoir une utilité sociale et politique, c'est bien celle-ci : inventer une alternative à ce qu'on nous dit inéluctable, et tracer une troisième voie là où le reste du monde ne perçoit qu'un mur ou des broussailles."
Ce pouvoir de l'écrivain est délicieusement mis en abyme par Coline Pierré qui s'octroie le droit de changer le destin de Sylvia Plath et de défier ainsi les mythologies qui se délectent des tragédies. Et si... Et si les pleurs de l'un de ses enfants avaient interrompu le geste fatal de l'écrivaine ? Et si la vie lui avait donné une autre chance ? Après tout, nous sommes à Londres dans les années 60, tout bouge dans le domaine artistique, musical et dans la société où les femmes font valoir leurs droits et suivent leurs aspirations. Ça bouillonne, c'est un contexte parfait pour une jeune femme de trente ans coincée entre les injonctions du foyer, l'ombre tutélaire de son célèbre mari, ses épisodes de dépression sévère et l'exercice de son art pour lequel elle semble terriblement manquer de confiance en elle. Oui, ce bouillon créatif n'a pas de limite et c'est ce que Sylvia Plath va expérimenter sous la plume de Coline Pierré qui la guide vers la lumière et la libération.
J'avais un peu peur de l'exercice de style, en fait j'ai trouvé le principe très convaincant car l'auteure fait de son héroïne le spécimen soft de toutes les luttes féminines avec une arme supplémentaire, les mots. Elle y ajoute des réflexions sur le rôle de l'écriture qui viennent nourrir le personnage et dissipent toute impression de superficialité. Et c'est avec beaucoup de plaisir que l'on suit la transformation de Sylvia, entre un concert des Beatles, une séance d'écriture de chansons ou une partie de campagne dans le Devon. On sent la sève irriguer le corps de Sylvia et on se prendrait presque à rêver que... Mais faute de pouvoir la rencontrer, disons que ce roman donne aussi envie de la lire, ce qui est une autre manière de la maintenir en vie.
"Sylvia croit simplement se débattre avec son histoire personnelle, se débarrasser couche par couche de ses vieilles écorces mortes, mais en réalité elle fait la chose la plus importante qui soit à sa portée : se saisir du langage pour définir les contours de sa vie et se tailler une place dans le monde. Avec ce geste, elle prend part à cet immense travail collectif qui consiste à esquisser des existences féminines possibles, pour elle-même, pour Simone, pour Frieda, pour les générations de femmes qui vont suivre, et qui la liront le cœur battant."
Merci Nicolepour cette chronique sur une jeune femme qui se débat pour rester elle-même . Je verrais bien ce livre dans ma PAL , bien que je promette de lire les cinquante autres romans et autres styles qui me font des clins d’œil dans ma bibliothèque . D’ailleurs pas plus tard que jeudi je vais chercher ma dernière acquisition… très compliquée de s’arrêter quand on voit toutes ces lectures qui nous tendent les bras. Belles lectures . Prenez soin de vous