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Dans Cho^mage monstre, son précédent texte paru à La Contre Allée en 2017, Antoine Mouton s' interrogeait sur la façon dont on pouvait « habiter » un corps que l' on a longtemps pre^te´ a` un emploi, un corps et une langue que l' on a trop longtemps de´serte´s.
Poser proble`me s' inscrit dans la continuite´ de cette réflexion. On y retrouve ce questionnement à propos de la difficulté d' ê tre et d' exister en-dehors des injonctions multiples et normatives du quotidien.
Une journée faite de toutes les questions Il fallait une forme et une langue inventives pour nous convier au doute, au questionnement qui aident à réinterroger notre quotidien.
Le recueil se présente comme une journée et une nuit aux côtés du poète. À suivre le folio, qui donne aussi l' unité à l' ensemble, on remarque que le temps passe.
L' écriture procède par associations d' idées, par glissement sémantique et cherche un retour au sens propre des expressions langagières parfois figées, ou bien encore à redonner aux mots quotidiens une densité que l' usage leur fait perdre.
D’utilité universelle, clef de voûte, ces morceaux d’architecture sont à lire et relire mainte fois. Se rappeler à l’infini de cette trame dévouée aux rois des trottoirs. Des égarés dans le labyrinthe des solitudes. Claquant, puissant, sombre mais si beau ; lampe de poche dans la toile touée des éperdus, des silencieux. Ces fragments signent le sociétal, péril des sans-noms. Antoine Mouton est ici, pose pierre après pierre, la Babel des écorchés vifs. Il déploie les mots sur les maux, réchauffe les frigorifiés, ceux, recroquevillés dans les sentiers piégés par les inégalités, l’ubuesque du monde, les écueils où le chômage est la seule sortie de secours. « 10 h 09 : J’ai travaillé de travers on m’a viré. J’ai fait demi-tour y avait rien de l’autre côté. J’ai refait demi-tour pour vérifier y avait rien non plus… 10h 12 : J’ai pas vraiment d’exigence, j’ai bien vu que derrière les mains tendues la plupart du temps y a pas de bras. » Antoine Mouton joue avec les mots, saut dans la flaque. « 10 h 17 : Mais personne n’est jamais revenu riche de l’île de Pré-Karité. » 12 h 32 est le lever de rideau, levier et certitude. Le passage citadelle d’un chantier à polir. L’autre, soi, l’indifférence, porte qui claque et les paroles regain d’un auteur éveillé et attentif. « 12 h 32 : Combien de fois vous êtes-vous artificiellement remonté le moral sans vous remettre en question ? 12 h 36 : Vous oubliez facilement ce qui ne vous concerne pas directement ? » On reste entre ce rocher de Sisyphe, ce trou noir, la vulnérabilité et les contre-chants. Antoine Mouton déroule le tapis, minute après minute, le choc est violent. Il est la vie, ce qui se passe entre les murailles, fissures de notre contemporanéité qui tourne le dos à l’intégrité et à la dignité. « Tout ce qu’on ne sait pas de Mouss » est un cri dans la nuit. « 17h 41 » et les cloches sont le glas. On pleure, couverture de laine, flocons de neige, cristaux sanglots. Que cette litanie est grave, profonde et sinueuse, l’humanité macrocosme Mouss à 17 h 51. « L’ordre de Malte est dans la rue signifiait : l’hôpital n’est pas loin, conduis-moi jusque-là. Je n’ai pas voulu l’entendre. » Je voudrais vous dire l’importance de ce livre éclat. Je retiens ce sablier, regarde le sable s’écouler. Chacune des syllabes est un outil. Un grain de sable démultiplié. Les photos subrepticement figent les alphabets d’honneur, liant entre les heures et ses semences « 21 h 11 : Nous n’aurons pas donné de solution mais nous aurons peut-être posé un problème plus vaste. » « Poser problème » est une urgence de lecture. Offrez ce livre à chacun de vos amis. Glissez le dans chacun de vos doutes. Puisez le grave, cet écho qui resurgit, pavlovien, pour changer les couleurs à jamais. « 2 h 00 : On fait de la naissance un sens unique mais on naît bien des fois. » Je suis fière de l’avoir lu. De le détenir, de le posséder (double-sens) comme une flamme. Les Editions La Contre Allée ont compris. Cette pépite est : il est 5 h 32. « C’est le solstice d’hiver les premières fenêtres s’allument… » Pour vous lecteurs !
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