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La place que j'ai accordée à la technique dans ma pensée a été ménagée par le fait que j'ai adopté dès ma jeunesse de lycéen une vision matérialiste de la chose politico-philosophique.
Je me considère encore matérialiste, bien que voyant dans le matérialisme ordinaire une forme de métaphysique très vulgaire et archaïque. pour autant, au cours de mon histoire proprement philosophique, qui a commencé assez tardivement, et en quelque sorte par accident, la question ne fut pas d'abord la technique, mais bien la mémoire, et, à travers platon, la réminiscence comme la possibilité même de savoir, autrement dit, comme l'origine du savoir.
C'est sur ce chemin de la mémoire que j'ai retrouvé la technique : il m'est apparu plus tard que la technique était le coeur même de cette question de la mémoire. je ne me considère pas comme un " philosophe de la technique ", mais plutôt comme un philosophe qui tente de contribuer avec quelques autres à établir que la question philosophique est, et est de part en part, l'endurance d'une condition que je dis techno-logique : à la fois technique et logique, d'emblée forgée sur la croix que forment le langage et l'outil, c'est-à-dire ce qui permet à l'homme son extériorisation.
Or, l'extériorisation techno-logique est un accident, c'est-à-dire un défaut : un défaut d'origine autant qu'un défaut originaire. entre " l'origine " et " la fin ", mais aussi à l'origine et à la fin, au cours du temps et comme ce cours, se tient un processus accidentel, et non seulement essentiel, tel que des choses arrivent, qui font que, contrairement à l'illusion métaphysique, la fin n'est pas déjà là dans l'origine.
C'est cette accidentalité (et la généalogie qu'elle appelle) que la philosophie doit savoir penser : la penser, c'est-à-dire en faire une nécessité du défaut, un défaut qu'il aura fallu. cette accidentalité est le sens premier de la technique, dont la philosophie doit être capable de dire non pas l'essence, mais la nécessité, contre le danger toujours imminent de la vanité, de l'absurde et de l'im-motivé, de l'ir-rationnel : la raison est d'abord le motif.
Telle est sa responsabilité du philosophe - par accident, et par défaut.
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