Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
CE ROMAN EST INSPIRÉ D'UN CRIME SAUVAGE commis dans un quartier populaire de Tunis dans les années 70 : un jeune homme d'une vingtaine d'années avait brûlé sa mère veuve sous la pression des habitants du quartier qui l'accusaient de prostitution clandestine... Mais l'auteur a choisi la décennie 2000 comme cadre pour les événements de son roman. En effet, cette décennie était marquée par des crises sociales et politiques qui allaient conduire à la chute du régime de Ben Ali. Le héros du roman est un de ces milliers de jeunes touchés par les crises. Ayant perdu son père alors qu'il était encore adolescent, il quitte l'école pour exercer divers petits métiers. Sa mère, une très belle femme, qui a consommé un mariage sans amour, est constamment persécutée par les habitants du quartier qui se plaisaient, les hommes comme les femmes, à empoisonner sa vie, l'accusant surtout de se prostituer ; cela ne tarde pas à provoquer une violente confrontation entre la mère et le fils qui finit par un crime odieux...
Une mère et un fils se racontent dans une alternance de chapitres, chacun avec son « je » en bandoulière, cherchant à se justifier en interpellant directement le lecteur ( un peu trop d'ailleurs )
.
Dès les premières pages, on apprend que le fils a commis un crime terrible qui lui vaut de patienter dans une cellule en attendant l'application de sa condamnation à mort. le lecteur devine très vite quelle est la nature de cet acte ( dévoiler à la fin de la quatrième de couverture ) mais ce n'est absolument pas gênant, la tension s'installe progressivement jusqu'à comprendre l'engrenage tragique, l'écheveau psychologique se démêlant chapitre après chapitre à travers les deux regards des narrateurs. On est au plus près de leurs émotions.
De ces deux personnages à fleurs de peau, c'est d'abord celui de la mère qui m'a interpellé. Un magnifique personnage de femme au bord de la crise de nerf, éminemment romanesque. Belle, trop belle pour les hommes de son village misérable qui la harcèlent et la convoitent dès son adolescence. Rebelle aussi. Terriblement acculée, au point de ne faire le choix de se marier avec le premier du village qui lui promettra une vie à Tunis, la capitale, son rêve pour fuir ce qu'elle ne supporte plus. Mais elle se retrouve isolée, pauvre, avec un mari puis un fils qu'elle n'a pas désiré.
Puis c'est le fils, celui qui vit depuis la naissance avec le drame universel de ne pas être aimé de sa mère, celui qui perd son père tant aimé, déboussolé à errer dans Tunis sans parvenir à trouver un sens à sa vie. Dans les premiers chapitres, il m'a fait pensé à Meursault de l'Etranger de Camus, pour son indifférence et sa froideur apparente. Vers la fin de son récit, sa bascule dans une quasi folie avant son passage à l'acte est saisissante :
« Après avoir traversé la place de la Kasbah et fait quelques pas dans les souks de la médina, j'ai eu la sensation que quelque chose avait poussé dans mes fesses, quelque chose comme une queue. Terrorisé, j'ai regardé autour de moi et vu les gens qui lorgnaient mes fesses, les uns stupéfaits, les autres se moquant avec une joie mauvaise. (...) Les éclats de rire étaient de plus en plus bruyants et bientôt, je n'ai plus vu face à moi que des bouches aussi obscures que des grottes ? Je me suis mis à courir et me suis retrouvé dans une ruelle totalement déserte. Je me suis adossé à un mur qu puait l'urine et l'odeur des ordures amassées là depuis plusieurs jours, puis j'ai touché mes fesses. (...) J'ai regardé entre mes cuisses et je l'ai vue pendre, repoussante, horrible. Je me suis redressé. Mon corps s'est couvert d'une sueur froide, froide comme de la glace, froide comme une gelée hivernale. J'ai fermé les yeux en souhaitant que la terre m'engloutisse à cet instant. »
L'auteur s'est inspiré d'un fait divers advenu dans les années 70 et a fait le choix judicieux de le transposer à la société tunisienne des années 2000, en fin de règne de Ben Ali, un moment charnière où les crises sociales ont explosé dans les quartiers populaires. Ce crime que commet le fils est quasi symbolique, comme un crime contre soi-même, contre sa situation sociale sans issu, comme une fuite loin de la dure réalité. Les parcours du fils et de la mère sont ainsi inscrits dans quelque chose qu'ils subissent mais qui les dépassent : le carcan du patriarcat, la condition féminine tunisienne, la recherche de liberté. le portrait de la société tunisienne est sans appel, rongée par la misère, la jalousie et les rumeurs.
Malgré quelques longueurs dues à des répétitions, ce roman est très pertinent et maintient le lecteur en haleine grâce à ce duo de personnages intéressants.
Je suis ravie d'avoir découvert cette maison d'édition tunisienne qui permet de faire voyager des livres parus en langue arabe du Sud vers le Nord, de l'autre côté de la Méditerranée.
Alaeddine est en prison pour un crime horrible qui a fait l'actualité pendant des semaines. Du fond de sa cellule en attendant d'être transféré au quartier des condamnés à mort, le jeune homme raconte son parcours jusqu'au crime.
Nejma, sa mère se livre elle aussi. De son petit village, jeune fille puis femme très convoitée voire harcelée car très belle, elle décide d'en sortir et d'aller vivre à la capitale quitte à en payer le prix fort. Mais la capitale lorsqu'on vit dans un quartier misérable n'est pas accueillante et elle se retrouve bientôt face aux mêmes difficultés, avec un mari en plus et un enfant non désiré.
C'est un roman à double parole. Le fils et la mère se racontent, se répondent dans deux langues bien différenciées. Classique pour la mère, qui vit dans les années 70 dans son village. On retrouve parfois des airs de chroniques villageoises, de contes et légendes et pourtant ce qu'elle narre n'a rien de la fable. Fille rebelle, elle vit avec les garçons, adopte leurs jeux au grand dam de ses mère et grand-mère. Devenue pubère, elle est interdite de sortie, surtout avec les garçons pour ne pas entacher la réputation de la famille. De là naît son envie de liberté à la capitale.
Le fils use d'une langue plus moderne, plus orale, même s'il l'on peut aussi parfois se retrouver dans la même sensation qu'avec le récit de sa mère. Lui, raconte sa vie entre un père effacé et aimant et une mère distante pour ne pas dire plus.
Hassouna Mosbahi est parfois un peu répétitif et long, mais il construit son roman très habilement. Il procède selon un principe connu : il parle des conséquences d'un fait que l'on ne connaît pas encore, puis petit à petit, par bribes ou allusions, il l'explique. Il installe ainsi une tension, un suspense, un ressort dramatique dont il sait finement jouer. Son roman parle de la condition féminine, de la réputation des femmes vite bafouée parfois par de simples rumeurs, de la difficulté qu'elles ont d'être maîtresses de leurs corps devant l'autorité auto-proclamée des hommes : "Car chez nous, la mère est un vulgaire porte-manteau qui n'a aucune valeur, où l'on peut suspendre n'importe quoi. Les gens s'essuient les mains sur leur mère comme si c'était une serviette en papier dans les toilettes publiques. Elle est tout le temps insultée. Le gosse qui se bagarre avec un de ses copains commence par maudire la mère de son adversaire et, sans vergogne, a le toupet de la charger de tous les péchés du monde, lui qui mouille encore sa culotte et son lit, et ne sait rien faire sans sa maman, même pas lacer ses souliers." (p. 19/20) L'auteur aborde aussi la question de la pauvreté, de la pression sociale qui pousse à la jalousie et à la calomnie et à la rumeur. Difficile de sortir enjoué d'une telle lecture sauf parce qu'on sait qu'on vient de lire une histoire terrible et admirablement écrite. Je renoue de fort belle manière avec les éditions Elyzad grâce à ce roman fort et profond.
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