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La guerre civile traverse les époques, les récits et les discours : de la mythologie racontant le meurtre du frère aux guerres d'aujourd'hui où les civils sont combattants ou cibles, l'expression recouvre une triste réalité jamais anachronique. Pourtant le syntagme lui-même a une histoire courte, où les mots ont commencé par masquer cette expérience de la violence à l'intérieur de la communauté. Les images d'horreur et de massacres ne suffisent pas à recouvrir le concept d'une guerre à l'intérieur; l'oubli de la stasis, terme et réalité que la Grèce vivait et nommait sans faux-semblant, accomplit ce façonnage du réel qui pâtit dès lors d'un impensé. Héraclite, Thucydide, Platon n'opposaient pas la stasis au polemos comme nous opposons avec une facilité douteuse la guerre civile et la guerre étrangère. La langue latine, et au premier chef la rhétorique de Cicéron, a accompli un geste radical d'oubli : elle a ignoré la stasis et lui a substitué le bellum civile, soluble dans une conception moins effrayante de la guerre et du politique.
Ce livre redonne vie à la stasis grecque et analyse l'occultation, opérée par la civilisation latine, d'un aspect de la guerre qui fut, à partir de là, durablement omis. Mais en conjurant le mot, la cité ne se protège pas de ce qu'il désigne et de ce qu'il ignore, et c'est à une stasiologie, étude de la guerre considérée comme stasis, qu'il entend ouvrir.
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