"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
« Au printemps 1994, alors que se préparait la célébration du 50e anniversaire du Débarquement allié en Normandie, j'ai voulu essayer de rencontrer, au fil de mes reportages pour Le Monde, quelques vétérans du fameux 6 juin 1944. Je ne savais pas encore ce que je ferais de ces entretiens, mais je voulais les voir, les entendre, leur exprimer aussi ma gratitude. C'est étrange pour une journaliste d'avouer un tel sentiment, mais mon histoire y était pour beaucoup. Bien que Bretons d'origine, mes grands-parents, ma mère, ma tante, mes oncles avaient émigré à Caen. C'est là que le 6 juin 1944 les avait surpris, heureux, soulagés, excités, puis effrayés par la violence de l'opération et le bombardement de la ville (et de leur maison), et bientôt sur le chemin de l'exode.
Lorsque j'ai commencé à voir des vétérans américains, ils m'ont stupéfiée. Leurs souvenirs étaient d'une précision inouïe, leur envie de témoigner intense. Mes connaissances étaient balbutiantes, alors au restaurant, pour figurer les obstacles dressés par Rommel sur les plages normandes, ils prenaient des fourchettes et des couteaux, des stylos et des bouchons, et je les voyais, fascinée, me raconter Omaha la sanglante ou la prise héroïque de la pointe du Hoc.
Après toutes ces rencontres, j'ai proposé au directeur du Monde de raconter le 6 juin 1944, heure par heure, avec les différents acteurs de ce jour historique : les combattants des différentes armées, américaine, canadienne, anglaise, allemande. L'aumônier grande gueule du Commando Kieffer. Un résistant du maquis normand. Le plus jeune correspondant de guerre du D-Day, Charles Lynch, qui m'a bouleversée en racontant comment il avait sauté dans la mer, sous la mitraille, en tenant au-dessus de sa tête, sa machine à écrire et sa cage de pigeons voyageurs. Le speaker de la BBC qui avait la tâche, au petit matin, d'annoncer au monde entier l'opération Overlord...
Le journal m'a donné 18 pages, et je n'ai plus pensé qu'à ça. Reconstituer cette journée et donner corps au récit de ces hommes qui, pour la plupart, n'avaient à l'époque qu'une vingtaine d'années et ont vécu en terre normande les heures les plus folles, les plus tragiques de leur vie.
18 interlocuteurs, tous disparus aujourd'hui, 18 récits à la première personne pour revivre le Jour le plus long. »
A.C.
Annick Cojean (grand reporter au journal Le Monde) a eu des entretiens en 1994 avec des protagonistes du D-Day et a pris le parti de raconter cette journée en leur laissant la parole et en donnant une vision à 360 degrés en laissant aussi des Allemands raconter, de leur côté, comment le débarquement était vécu et perçu.
Ces 18 témoignages sont particulièrement poignant et « forts » par la qualité des expressions de tous, chacun avec son style et sa personnalité, mais avec des densités et clartés dans les mots qui sont d’une justesse qui touche le lecteur.
Il ressort de ces témoignages (au moins pour les « alliés ») que leur action était juste et légitime. Qu’ils allaient peut-être trouver la mort (d’ailleurs de nombreux proches et amis restèrent sur ces plages du débarquement), mais qu’ils étaient d’une certaine façon investis d’une mission absolue.
Ils y étaient … et leur vie en a été marquée.
Une lecture éclairante et touchante.
« Alors en 1994, quand s’est profilé le cinquantième anniversaire du Débarquement… J’ai recherché les combattants du 6 juin 1944, ceux que ma mère, enfant, aurait pu apercevoir dans la région de Caen. Les vétérans du D-Day ». Ceux qui avaient fait l’Histoire, ceux dont sa mère parlait à chaque moment, ceux qui peuplaient les souvenirs de la mère de l’autrice et qu’elle transmettait sans cesse à sa fille Annick, l’autrice qui a retracé la journée du 6 juin 1944, de 0h10 à 20h en rapportant l’entretien qu’elle a eu avec ses interlocuteurs choisis en fonction de leur responsabilité, leur rôle, leur place de jeune homme dans le D-Day. Ils ont une vingtaine d’années, ils sont Anglais, Américains, Allemands. Après une présentation de chacun dans le contexte, Annick Cojean rapporte sans commentaire et sans jugement les paroles de ceux qui remontent ces quatre-vingts années qui ont peuplé leurs lourds souvenirs. Ils expriment leur craintes, leurs peurs, leurs émotions, décrivent leurs agissements ou leurs responsabilités. Chacun est un humain agissant à l’aune de sa fonction ou de son engagement dans l’enfer de ce jour le plus long.
Des phrases simples, des situations précises, des sentiments face à l’ambiance apocalyptique, les témoignages sont bouleversants. Loin du reportage historique dans sa forme, « Nous y étions » est un opus court mais très fort, nécessaire, une page de l’Histoire à partager sans restriction, ce n’est pas une leçon, juste un documentaire vibrant accessible à tous.
Laisser une trace pour l'Histoire, afin de ne jamais oublier que des hommes, souvent très jeunes, sont morts pour nous. Afin de ne pas oublier que notre démocratie est fragile et que nous pouvons, du jour au lendemain, perdre à la fois notre liberté et notre dignité. Le magnifique texte d'Annick Cojean qui reprend des témoignages essentiels est là pour nous le rappeler. Merci à ces hommes de toutes nationalités pour ces mots d'humanité, d'espoir et de tolérance ... malgré tout !
Un recueil témoignage de 18 vétérans du D-Days, âgés de 20 ans, ou presque, le 6 juin 1944. Des des témoignages, simples, illustratifs, on découvre leurs états mentaux avant et pendant ce débarquement, une nostalgie épique, émouvante, différentes histoires d'hommes de plusieurs nationalités et de camps. Un livre à découvrir ou faire découvrir pour le devoir de mémoire.
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